Chapitre 10 - Falco

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27 août La rentrée.

Ma mère me manque. Enfin, pour être plus juste, la cuisine de ma mère me manque. C’est à peine mon troisième jour ici et je n’ai bouffé que de la merde. Des pizzas qu’on s’est faites livrer à l’appartement et de la bière bon marché. Je rêve d’être au cabaret ou chez moi, de me servir un des alcools forts que mon père garde dans son bureau et de m’installer autour de la table pour savourer un des plats maison de celle qui prend soin de nous chaque jour. Il va falloir que je me trouve un spécialiste de la cuisine italienne dans le secteur pour combler ce manque. Vite de préférence.
Je suis donc de mauvaise humeur en arrivant dans l’amphi où se déroule mon premier cours. Le petit-déjeuner a toujours été pour moi le repas le plus important. Et là, à part du café soluble, je n’ai rien avalé. D’habitude, j’ai toujours des cornettos garnis de confitures ou de crème qui m’attendent. Si je ne mange pas rapidement un truc bon, quelqu’un va en payer les frais.

Heureusement pour moi, ou pour elle, après cette première soirée festive, Irina est restée sagement à la coloc’ le reste du weekend. Elle a passé plus de la moitié du dimanche à dormir. Quand elle a enfin montré le bout de son nez, elle nous a expliqué avoir fêté son départ un jour avant de venir ici et d’avoir enchaîné ainsi avec nous la veille, l’a complètement assommée. Je me suis retenu de lui dire que la quantité de cocktails qu’elle a descendue au bar devait aussi y être pour beaucoup. Son inactivité m’a permis de rester tranquille et de transmettre à mon beau-frère, Alessandro, les identités de Lily-Rose et de Jimmy afin qu’il procède à une vérification. Bien que je mettrais ma main couper qu’ils sont innofensifs. Jimmy m’a convaincu avec sa gifle qu’il était étranger à notre monde.

Merde, même ma soeur Valentina, la fille la plus gentille de cette planète, filait de baffes plus puissantes que ça alors qu’elle avait à peine six ans.
Alors que je sors du cours soporifique donné par monsieur Anderson, aka j’essaie de vous effrayer en menaçant de vous virer si vous ne bossez pas comme des chiens, les quatre nanas qui ont tenté une approche dans l’amphi tout à l’heure reviennent à ma hauteur.

— Salut, m’alpague celle qui doit être la cheffe du groupe. Je suis Sarah.

Je hausse un sourcil pour toute réponse, mais elle ne se démonte pas. Elle enchaîne avec cet air enjôleur qui doit rarement la quitter quand elle s’adresse aux mecs.

— Tu dois à peine arriver puisque je suis là depuis cet été. J’ai fait partie du peu d‘élèves admis au stage d’avant-rentrée, précise-t-elle, l’air plus que fière.

Je suis à la limite de lui rétorquer que j’en ai strictement rien à foutre. Je prends sûr moi, me rappelant que je ne suis pas dans les rues de Centori.

—  Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésites pas, je serai ravie de t’aider.

Honnêtement, même pour un vulgaire 5 à 7, elle ne m’attire pas. Son regard est trop perfide pour ça. Pourtant, il est indéniable que j’ai besoin d’un truc.

—  Est-ce que tu connais un resto’ ou un traiteur italien dans le coin ?

Elle cligne des yeux, perplexe et surprise par ma demande. Ouais, Sarah, j’ai bien compris que tu pensais à autre chose en parlant de m’aider, mais ma main droite se porte plutôt encore bien pour l’instant.

— Il y a le Pastiamo sur Harrison Street, répond à sa place l’une de ses copines, voyant que Sarah ne se remet pas de ma question. Il est réputé pour sa cuisine maison et je crois même qu’il vend des produits venant directement d’Italie.

Grazie, remercié-je cette dernière en ajoutant un clin d'œil avant de m’éloigner d’elle.

Quelques cris qu’elles espèrent discrets remontent à mes oreilles, félicitant celle qui m’a arraché un sourire. J’imagine tout de même que Sarah ne digérera pas aussi facilement d’avoir été ainsi évincée.
Je sors mon portable de la poche arrière de mon jean pour checker où se trouve Irina. Je dois veiller à rester discret et ne pas trop lui coller aux basques. L’indication du G.P.S que j’ai installé sur son téléphone m’indique qu’elle est au café de l’Atrium, qui est situé non loin de musée d’art de l’université, où le vernissage dont à parlé le prof tout à l’heure aura lieu.

On peut dire qu’Irina ne perd pas une seconde. Finalement, elle va peut-être être se jeter à corps perdus dans le travail.
J’avance dans sa direction pour l’avoir à l'œil tout en appelant Alessandro.

— Yo l’américain, décroche-t-il la voix encore à moitié endormie.

— Je te ferai regretter de m’avoir appelé comme ça.

Je l’entends rire au bout du fil.

— Tu as pu te rencarder sur les deux identités que j’ai envoyé hier par message ?

— Le type est un intello sans histoire. Sa famille est tout ce qu’il y a de plus simple. La fille, quant à elle, semble vivre un peu au-dessus de ses moyens. Tous les mois, elle est dans le rouge auprès de sa banque, mais j’imagine que c’est le lot d’un paquet d’étudiants.

— Pas faux.

Je garde tout de même en tête que Lily-Rose est éventuellement “achetable” si quelqu’un venait à lui proposer un arrangement pour obtenir des informations sur sa nouvelle colocataire. Pour ce qui est de Jimmy, je le raye de ma liste de dangers potentiels.

— Comment se passent tes études ? enchaîne mon beau-frère, comme si ça avait une quelconque importance. Tu t’es fait des amis ?

—  Tu peux arrêter d’être con deux minutes ? Je bosse figure-toi !

—  Bosser pour toi est synonyme de baston, ne me dis pas que tu as déjà massacré quelqu’un ?

— J’ai foutu sur la gueule du russe qui a accompagné Irina ici et sur un petit enfoiré qui a tabassé mon intello de coloc’, à part ça, rien à signaler.

— C’est déjà un peu trop en trois jours si tu veux mon avis.

— Je ne suis à l’origine d’aucune altercation, souligné-je, c’est déjà un exploit en soi.

— Reste discret.

— C’est difficile, je te rappelle que je suis loin d’avoir le profil d’un étudiant en Histoire de l’art.

—  Arrête ! Aujourd’hui, y’a plus de cases prédéfinies.

— Mouais, dis-je pas convaincu en arrivant près du café, en attendant j’ai besoin que tu déniches quelqu’un de calé dans le domaine. Je dois rendre un devoir sur la relation entre le pouvoir et l’art. Il faut que je décroche un bon résultat pour continuer à suivre le cours.

— Pas de problème, je m’en charge. Tu en as besoin pour quand ?

— D’ici dix jours.

— Ça marche. Je te l’enverrai par mail.

— Passe le bonjour à la famille, je te laisse.

Je raccroche et m’apprête à tenir compagnie à Irina lorsque je la vois seule. J’ai besoin de savoir si elle souhaite décrocher cette opportunité de participer au vernissage avec M. Anderson. Auquel cas, il faudra que je trouve une façon d’y être présent également.
Mais sur ma trajectoire, je repère deux types qui font tâche autant que moi dans le décor. Je suis certain qu’ils m’attendent. Je m’en réjouis. Ça signifie que mon plan pour me faire remarquer a fonctionné. Ils n’ont pas perdu de temps d’ailleurs. Je feins de ne pas le voir en arrivant à leur hauteur, plongé dans le plan du campus comme si j’étais paumé alors que je connais déjà par cœur chaque rue et ses parallèles.

— Salut mec ! m’accoste le premier.
Je m’arrête et les observe les sourcils froncés, l’air perplexe.

— C’est bien toi le type qui a botté les fesses aux petits bourges au bar hier soir ? me demande le second.

— Écoutez, commencé-je mon sketch, je ne veux pas d’ennuis. C’est juste que mon coloc’ ne méritait pas de se faire frapper.

— Relax, on n’est pas là pour les défendre, plaisante le premier. À vrai dire, on a trouvé que tu étais plutôt doué pour te battre.

— Ah ! m’exclamé-je en passant une main sur ma nuque, comme si j’étais surpris par cette annonce. J’ai pratiqué pas mal de sports de combat avant.

— Ça te dirait de te faire un peu fric ?

— Ça dépend, de quoi il s’agit ?

— Ce soir, vingt et heures, rendez-vous au 5, Ocean Avenue à Greenville. Tu verras de tes propres yeux.

Ils s’en vont sans un mot de plus.
Le plan se déroule comme nous l’avons imaginé avec mon père. C’est parfait.

Le ProtecteurWhere stories live. Discover now