Une étrange maladie

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Tom se gratta nerveusement. Son tatouage avait cicatrisé depuis quelques temps déjà, et il ne le sentait plus. Cependant, à chaque fois que ses pensées se tournait vers Alice, il ne pouvait s'empêcher d'y revenir. Les longues tiges épineuses peintes à même sa chair, incrustées pour toujours dans sa peau, le ramenaient toujours à elle... surtout quand elle s'absentait. Et ces derniers temps, ces absences ne s'étaient faites que plus régulières.

Tom n'était pas stupide. Il savait qu'Alice n'allait, généralement, pas très bien. Il savait que ses fréquentations n'étaient pas bonnes, il savait qu'elle était consumée par un désir de vengeance qui la poussaient de plus en plus vers le gouffre. Il avait peur qu'advienne le moment où elle y sombrerait, et n'en remonterait jamais. Et il craignait que cet instant n'arrive à grands pas. Alice avait été terriblement agitée, récemment. Elle était incapable de tenir en place. Elle était sortie de ses gonds quand elle avait appris qu'on avait retrouvé le corps du meurtrier de ses amis, Zebros. Et elle avait disparu sans donner de nouvelle depuis. Les points n'étaient pas difficiles à relier. Tom était certain qu'elle était allée fouiller les lieux elle même... et n'était pas revenue depuis. Mais il ne pouvait pas dire si cela signifiait qu'elle avait trouvé une piste pour sa quête insatiable de vengeance... ou s'il lui était arrivé quelque chose. Et cela le dévorait de l'intérieur. Il aurait aimé qu'Alice se confie à lui, lui partage ses souffrances, ses peurs... pourquoi elle tenait tant à tout lui cacher... pourquoi elle possédait de si étranges pouvoir... pourquoi craignait-t-elle tant de tomber enceinte... pourquoi elle tenait tant à garder leur relation un secret... mais Alice ne lui disait jamais rien. Comme si elle craignait que la vérité ne soit insupportable aux yeux de son petit ami. Comme si elle craignait de le voir partir à son tour.

Tom soupira, et son regard se tourna vers sa mère, apathique, le regard vide, devant son assiette à peine entamée.

-Allez, Inspectrice. Déclara la voix de Mélody. Une autre bouchée. Faites aaaaah.

Isabelle Lutz s'executa, d'un air absent, et un sourire vint illuminer le visage épuisé de Mélody.

-Elle mange mieux, en ce moment.

-Mais toujours pas toute seule... soupira Tom.

-Arrête d'être défaitiste. Une amélioration est une amélioration.

Cela ne rassurait pas tant Tom que ça. Bientôt douze mois avaient passés depuis son réveil, et il avait trouvé sa mère dans cet état. Elle lui manquait terriblement. C'était dûr pour lui de la voir aussi proche et pourtant aussi lointaine, blessée par la mort de quelqu'un que, lui, n'avait jamais connu. Il s'était rapproché d'Alice car elle était la fille de cette inconnue. Tom s'était dit qu'en la connaissant, il pourrait peut être commencer à comprendre la femme qui avait fait chavirer le coeur de sa propre mère, avant de partir dans des circonstances aussi brutales. Son plan avait tourné court quand il avait fini par succomber au charme d'Alice... mais cela ne l'empêchait pas de garder une certaine rancoeur envers cette inconnue, cette Jenn, dont la mort lui avait volé sa mère.

Les médecins garantissaient que son état de choc finirait par passer... mais douze mois, c'était long. Très long. Tom se demandait si elle n'allait pas rester ainsi toute sa vie, et cela le terrifiait. Elle ne réagissait même pas à sa présence. Sans la présence si constante de Mélody pour aider à s'occuper d'elle, Tom ne savait pas si il aurait tenu. Tout était si compliqué, et si dur... entre Alice, sa mère, et même son père, le jeune homme avait l'impression que rien n'allait dans son entourage. Et il n'était pas sûr que les choses s'améliorent à l'avenir.

Pourtant, il en avait souvent rêvé depuis qu'il avait rencontré Alice. D'un monde dans lequel elle ne courait pas après la vengeance en se jetant au devant des dangers... d'un monde où ils pourraient simplement vivre en paix, tous les deux, sans se cacher. Ils auraient une petite maison, pas si loin de celle de sa mère, dans laquelle il vivait désormais. Sa mère, d'ailleurs, serait complètement guérie. Elle se serait même rabibochée avec son père, et ils vivraient de nouveau ensemble, ici, dans la maison où Tom avait grandi. Il aimerait avoir un chien, un gros chien, qu'il sortirait promener tous les matins et tous les soirs, avant et après d'aller au travail. Leur maison aurait un grand jardin, dans lequel ils auraient des arbres fruitiers, et des ronces le long des murs. Chaque été, Alice et lui iraient en récolter les mures bien juteuses et sucrées, en plaisantant sur le tatouage de Tom, et en se rappelant avec une certaine nostalgie, mais également une résolution à aller de l'avant, de cette période sombre durant laquelle ils s'étaient rencontrés. Peut être que, au bout du compte, Alice parviendrait même à vaincre sa terreur absolue de tomber enceinte. Tom, lui, rêvait d'avoir des enfants. C'était déjà dans les plans, avec son ancienne petite amie, Aileen, mais leurs projets avaient été coupés court par l'accident qui lui avait oté la vie. Et puis, sa mère aussi, adorerait voir ses petits-enfants. Elle profiterait de sa retraite pour les garder quand Tom et Alice seraient trop occupés par le travail pour le faire. Elle serait ravie de les accueillir chez elle, et leur apprendrait beaucoup de choses qui mettraient Tom hors de lui. Et puis, lentement, mais sûrement, Alice et lui vieilliraient, voyant leurs petits devenir grand, leur petit chiot d'amour retourner à la terre, et, finalement, ils s'éteindraient en paix, dans leurs vieux jours, après une vie bien remplie.

1000 mètres sous la surfaceWhere stories live. Discover now