Pêle-mêle d'idées SKZ

ms.810

Il entendit la porte d'entrée s'ouvrir et un sourire se peignit aussitôt sur son visage. Sa tête se tourna vers le bruit, il tendit l'oreille, épia les sons familiers des clés déposées dans la coupelle, du manteau enlevé et suspendu à sa place, des chaussures ôtées et rangées dans le meuble dédié. Il fronça les sourcils en entendant un bruit de frottement et des doigts qui craquèrent. Enfin, des pas qui marchaient vers lui.

« - Comment tu vas, jagi ? »

Jisung tendit la main et, aussitôt, des doigts saisirent les siens. Il entendit du mouvement. Quand Minho reprit la parole, il était plus bas, comme agenouillé ou accroupi devant lui. Des baisers furent pressés sur ses doigts, lui arrachant un autre sourire :

« - Bien ! J'ai réussi à lire un peu, Dori m'a tenu compagnie.

- C'est bien, des doigts caressèrent les siens. »

D'un geste familier, Jisung bougea sa main, il laissa le bout de ses doigts effleurer la paume de Minho avant d'avoir une moue en sentant une texture encore un peu poisseuse sur l'extérieur de son poignet :

« - Tu es blessé ?

- Non, un baiser sur son front, ce n'est rien. Ne fais pas attention. Je vais me laver, ok ?

- Je vais faire réchauffer le dîner en attendant. »

Minho resta près de lui quand il se leva, et il sentit sa présence s'attarder alors qu'il se dirigeait d'un pas sûr vers la cuisine. Cinq pas et demi vers l'avant, une légère courbe vers la droite puis trois pas encore pour parvenir à la table qui trônait au centre de la pièce. Alors, seulement, le plus vieux disparut, le laissant en autonomie. Jisung se repéra jusqu'au frigo, l'esprit concentré. Il lui semblait avoir senti du sang sur le poignet de son petit ami, mais aucune coupure. Et il avait fait craquer ses doigts en arrivant. Il n'y avait donc qu'une seule autre explication possible. Une fois le plat dans le micro-ondes, il tâtonna pour ouvrir le placard à vaisselle et en sortit un verre aux contours irréguliers. En fredonnant, il fouilla un peu plus bas afin de sortir la bouteille de whiskey, qu'il réservait pour des soirs comme celui-ci, et en remplit le verre en se fiant au bruit pour ne pas le faire déborder.

« - Jagi ? »

Ce surnom tendre et familier le fit sourire. Il attrapa le verre et se retourna vers Minho, qu'il sentait proche de lui :

« - Tiens.

- En quelle occasion ? »

Il entendit une pointe de méfiance et de réserve dans sa voix. Une main lui prit le verre. Jisung se contenta de hausser les épaules, l'image même de l'innocence :

« - Je me suis dit que tu pouvais en avoir envie.

- Tu sembles toujours savoir quand j'en ai envie, Jisung. »

L'usage de son prénom était rare, Minho préférait lui donner mille surnoms, dont son préféré était évidemment jagi. Il ne se laissa pas troubler et fit la moue, comme peiné :

« - Tu avais l'air fatigué alors j'ai pensé que... »

Le silence s'étira entre eux. Jisung finit par se balancer, jambe droite puis jambe gauche, et il accentua sa moue en faisant de son mieux pour arborer des yeux de chiot :

« - Je voulais juste... Te rendre service, me rendre utile... Tu fais tellement pour moi et... Moi je suis inutile... »

Le bruit d'un verre posé sur la table, sans dessous de verre. Les bras de Minho l'enlacèrent et il accueillit cette étreinte avec un plaisir évident.

« - Pardon jagi, je ne voulais pas... Ne dis pas que tu es inutile, c'est faux. Comment je ferais sans toi, mmmh ? »

Il eut un sourire éclatant et, à l'aveuglette, il pressa ses lèvres sur ce qui s'avéra être la mâchoire du plus vieux. Celui-ci l'embrassa correctement, bouche contre bouche, avant de pincer gentiment son nez :

« - Merci pour le verre. En effet, j'en avais besoin. »

Satisfait, Jisung se laissa asseoir à la table et il écouta Minho lui raconter sa journée alors qu'ils mangeaient. Il ne releva pas ce qu'il savait être des mensonges, il posa au contraire des questions sur ce qui était vrai et réussit à convaincre son petit ami de lui réserver sa soirée du lendemain pour qu'ils puissent aller au cinéma. Et quand ils furent couchés, blotti l'un contre l'autre, il enfouit son visage dans son cou avec un son de contentement, serré dans ses bras puissants.

Et si, le lendemain, alors qu'il descendait à la cave chercher un tournevis pour essayer de réparer comme il pouvait une lampe au pied vacillant, il entendit des plaintes étouffées et des supplications étranglées, Jisung joua à la perfection le rôle de l'aveugle ignorant de tout, démenti par un rictus impossible à réprimer et qui provoqua de nouveaux sanglots dans l'espace fermé de la cave. Minho en était maintenant à dix-sept victimes.