As Cold As Summer

Chapitre 4 - Les larmes de l'aurore

Liam, 26 ans

Focalisée sur mon objectif, j'arpente les couloirs de Justice Shield Law Firm, le plus grand cabinet d'avocats de l'état New-Yorkais. Dix mille mètres carrés s'élèvent sur vingt étages pour vous rappeler à quel point vous êtes petits.

La semelle de mes sneakers montantes couine à chacun de mes pas effectués sur le sol en marbre poli, attirant les regards mécontents d'employés déambulant dans leurs tailleurs et costards ajustés qui dénotent avec le look streetwear que j'ai choisi de porter.

Si j'avais su plus tôt que je m'apprêtais à m'entretenir avec le diable en personne, j'aurais mis une robe seconde peau, pour lui rafraîchir la mémoire. Mais malgré mon cargo noir et mon large tee-shirt au logo imprimé qui ne laissent pas deviner grand chose de mon anatomie, je suis certaine que ses doigts se souviennent parfaitement de mes courbes.

Les miens se rappellent de la texture de sa peau.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur le dix-neuvième étage, dédié aux avocats de la défense. C'est ici que se réunissent les démons, gouvernés par leur reine au cœur de glace.

Quelle ironie, quand on porte le nom de la saison du soleil.

Pour atteindre le niveau le plus élevé de la hiérarchie de son étage, il lui aura fallu écraser la concurrence à coup de talons aiguilles et d'intelligence. Je dois le reconnaître, Summer a bien réussi, hissée au sommet de sa tour parce qu'elle n'a jamais su regarder le monde autrement que de haut. D'ailleurs, elle se serait trouvée un étage au-dessus si le vingtième n'abritait pas un restaurant gastronomique avec une vue imprenable sur la ville.

Malgré tout le mal qu'on s'est fait, le poison de nos baisers et nos mensonges passés, je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe de fierté qui disparaît à l'instant où je m'arrête devant la porte de l'associée principale, la gorge serrée face aux lettres en relief dorées qui contrastent avec le bois foncé de l'écriteau.

Summer Harrison

Je ne prends pas la peine de toquer et pénètre dans son bureau. En pleine conversation téléphonique, elle sursaute, surprise par mon entrée intempestive.

Sublimées d'une couche de gloss transparent, ses lèvres s'entrouvrent sous le choc de me voir débarquer à l'improviste alors qu'on ne s'était pas retrouvées seules depuis des années, - si on omet l'incident du mariage qui a bien failli me coûter une petite amie, devenue plus méfiante que jamais depuis cet événement.

— Oui, oui. Je vous écoute, rétorque-t-elle a son interlocuteur tout en m'indiquant le siège en cuir qui lui fait face, devant son bureau en verre et acier inoxydable.

Au lieu de m'installer poliment pour répondre à son invitation, je fais le tour de la pièce tandis qu'elle poursuit sa conversation, néanmoins attentive à chacun de mes mouvements.

Je me demande si un jour ses œillades cesseront de me brûler la peau.

Les grandes baies vitrées qui vont du sol au plafond offrent une vue imprenable sur Manhattan et la skyline de New-York. Le mobilier est moderne et élégant, mais impersonnel, aussi. Et froid, malgré les éléments de décorations apportés pour redonner vie à ce lieu trop bien organisé. Quelques tableaux, des fleurs fraîches, et une grande étagère en bois pour ranger sa collection impressionnante d'ouvrages de droit.

Près des baies vitrées, un coin salon chic, aménagé pour ses réunions informelles, lorsqu'elles ne se passent pas dans la pièce attenante, séparée du reste par une vitre en verre teinté.