PROLOGUE

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Neuf ans se sont écoulés depuis cet instant, mais chaque fois que je respire l'air chargé de l'odeur des fleurs de lune et des pins sylvestres, les souvenirs ressurgissent avec une clarté poignante. Je me retrouve alors, jeune et insouciante, parcourant les sentiers boisés avec ma mère sans me douter que cette journée restera gravée à jamais dans ma mémoire...

Nous traversions les chemins de la forêt de Sila, le vent caressait nos visages, ses murmures légers faisaient office de berceuse. L'aube grise enveloppait la silhouette des arbres. Les premiers rayons du soleil perçaient le brouillard, créant un reflet doré sur les bosquets.

L'atmosphère envoûtante me donnait l'impression d'être piégée dans un rêve, comme si les bois étaient pris entre deux mondes. Ma mère portait une magnifique robe blanche parsemée de roses rouges. Ses cheveux bruns tombaient en cascade sur son dos et sa peau brillait comme de la neige. Une ombre de tristesse flottait dans ses yeux — une inquiétude que je ne pouvais pas encore nommer. Elle rompit la tranquillité d'une douce intonation :

— Ça me fait du bien de prendre l'air à tes côtés, ma chérie.

Malgré ce moment de bonheur partagé, une sensation d'appréhension persistait. Son regard était empreint d'une gravité qui trahissait son angoisse.

— Tu sais, tu nous manques à la maison. Nous ne te voyions plus à cause de ton travail, répondis-je.
Elle s'arrêtait soudainement, laissant échapper un soupir.
— Je ne t'en ai jamais parlé, mais je dois te parler au sujet de ton père... et de moi aussi. Je...
Elle baissait les yeux, cherchant ses mots. Le silence, lourd et oppressant, nous enveloppait.
— Maman, dis-moi ! m'exclamai-je, ressentant mon estomac se contracter amèrement comme si une griffe glacée enserrait mes entrailles.

— Si je vais à l'hôpital, ce n'est ni pour une œuvre caritative ni pour le travail, déclarait-elle en se triturant les doigts. Je pris sa main pour la calmer, mais lorsque je la sentis moite, je la lâchai par réflexe.

— Dis-moi, est-ce qu'il s'est passé quelque chose de grave ? Tu vas divorcer avec papa ?

Ma mère regardait dans le vide. À tout juste treize ans, j'en savais assez pour comprendre que quelque chose n'allait pas.

— Je suis vraiment désolée, Laelynn, c'est tellement dur... laisse-moi deux petites minutes.

Les larmes remplissaient ses yeux.

— Je suis... malade, avouait-elle enfin, chaque mot brisant un peu plus mon cœur d'enfant. Je souffre d'un cancer du système nerveux central depuis deux longues années. Mon cerveau est en train de se dégrader, j'ai de plus en plus de mal à marcher, des pertes de mémoire... Je deviens faible, mes capacités sont très limitées et mon cas est inquiétant. Les médecins pensent que mes jours sont comptés. Je veux juste profiter de mes derniers moments de bonheur à vos côtés.

La gravité de ses paroles me frappait comme un coup de tonnerre. Le choc de cette révélation me paralysait, mon esprit refusant de l'accepter. Mes larmes coulaient, inarrêtables, telle une marée montante qui envahissait les rives de ma déception. Ma respiration restait bloquée dans ma poitrine, secouée de sanglots, et mes poumons se battaient pour reprendre le contrôle. J'avais besoin d'air, mais je luttais contre moi-même.

— Non... Non, c'est impossible ! Pourquoi m'as-tu caché ça ?

À cet instant, malgré ce que j'étais en train de découvrir, je sentais une présence lourde et atroce nous suivre. Des frissons parcouraient mon corps, mon esprit s'entrechoquait entre le déni et la peur. Je scrutais les environs, cherchant désespérément quelque chose auquel me raccrocher. Mais il n'y avait que des arbres, cette découverte, puis moi.

Emprise infernale [ TERMINÉE en réécriture ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant