Chapitre 54 ☁️

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J'ai mal au cœur.
La plupart des gens aurait déjà laissé dévaler leurs larmes sur leurs joues.
J'aimerai bien moi aussi.
Peut être que ça pourrait m'alléger du pois qui pèse sur mes épaules.
Le froids engourdis le bout de mes doigts,il me pique les poumons, et me fouette le visage.
Je ne sais plus.
Je ne sais pas.
Que faire ?
Liam ?
Je fait quoi maintenant sans toi, et ceux que j'aime ?
Je baisse la tête, laisse le tourbillon glacial m'envelopper de ses draps aussi aériens qu'intouchables.
Je ferme les yeux, histoire de m'envoler avec la brise, de me couper du reste du monde..
Enfin, si on peut encore appeler ça un monde.
Car de mon point de vue, plus rien ne ressemble à ce qu'il pouvait être auparavant.
Mon pied droit bute sur quelque chose, une pierre, une malformation du sol, le rebord du trottoir, peut-être.
Je m'emmêle les pieds, trébuche, et tombe.
Je lance mes mains vers l'avant, pour tenter de me rattraper et amortir ma chute.
D'habitude à ce moment la, on ressent un brusque haut-le-cœur, et par réflexe on penche ses mains en avant.
Sauf que moi c'est une habitude, pas un réflexe.
Si je n'avais pas l'habitude, je ne les aurait probablement pas projetées.
Je percute le sol, il est froid, dur.
Le choc de la chute se répercute dans tout mon corps, comme si on criait à l'intérieur de moi, et que cet écho rebondissait sur tous mes muscles.
Ce sont mes genoux qui touchent en premier.
Puis mes mains.
Tous deux se râpent au contact du sol.
Je grince des dents en me relevant, en m'asseyant.
Je regarde l'étendue des dégâts.

Rien que en voyant le bout de les genoux rouges et mes mains encastrée de minuscules cailloux, j'entends presque mon père me dire :

" C'est bon, May, tu n'a absolument rien"
Je voyais son visage rouge, et le souffle court après avoir parcouru une petite ( il faut le dire, mon père n'était absolument pas sportif ) distance en courant.
Je faisais du vélo ou de la trottinette, je ne me souviens plus, mes souvenirs sont bien loin à présent.
J'avais exactement comme aujourd'hui, les genoux à peine rougis, et les mains égratignées.
Pourtant, les larmes coulaient déjà.
Je ne sais même pas pourquoi j'ai pleuré, je n'avais pas mal.
Mais peut être était-ce juste pour qu'on me remarque et qu'on m'aide à me relever, et qu'on me console.
J'aimerai bien que quelqu'un en soit capable encore aujourd'hui.
Qu'on m'aide, qu'on me parle, qu'on me rassure, qu'on m'aime, qu'on remarque.
Qu'on me remarque.

Je passe mes mains sur mes genoux.
Je les frictionne comme mon père m'avait fait, pour faire "circuler le sang".

Je ne sais pas trop quoi faire.
Je suis incapable de rentrer dans le self.
Pas dans l'internat non plus.
Puis, comme dans les cartoons, un lumière m'éclaire le visage.
Je me rappelle du temps ou j'étais en couple avec Sky.
On avait un coin que nous seuls savions l'emplacement.
Derrière un des préfas qui se dressaient dans la cour, nous avions trouvé un creux.
Nous avions bouché l'entrée avec une grande plaque en métal rouillé.
On avait emporté de vielles serviettes ou des tapis moisis, et on les avait posés par terre.
Et puis on s'embrassait là-bas.
Rien que d'y penser, un haut-le-cœur ébranle brusquement ce moment de nostalgie.
Je cligne frénétiquement des yeux pour chasser le flou qui s'est emparé de ma vue.
Non pas des larmes.
Mais plus ça va, plus le monde s'efface.
Alors je lève la tête, et y'a les étoiles.
Pourtant la plante commence à tellement pousser qu'elle se retrouve au dessus de ma tête.
Et me jette son venin dans le visage, et dans les yeux.
Petit à petit elle prend pouvoir de moi.
Et quand je baisse les yeux, je remarque que, moi aussi, je vole.

Je me lève, titube, le monde vacille autour de moi, à présent parcouru de point oranges.
Je secoue la tête dans l'espoir de les chasser.
J'ai un mal fou à passer un pied devant l'autre, j'ai l'impression que quoi que je fasse, je vais tomber, je me sens faible.
Je zigzague, et me dirige vers ce préfas qui nous regardait il n'y a pas si longtemps, Sky, et moi.
Je regarde la plaque, moitié nostalgique, moitié déstabilisée.
D'un côté, j'ai envie d'y rentrer et d'un autre de ne pas m'y aventurer, justement.
J'ai envie d'y aller, car je ne sais pas ou aller d'autre.
Je mets quelque minutes avant de pénétrer dans ce petit espace, celui que j'appréciais tant.
Je rentre pour deux raisons.
Premièrement, Sky en a strictement plus rien à battre de moi, qu'est ce qu'il viendrai faire ici ? Surtout après notre rupture. Je n'en voit pas l'intérêt. Je serai donc seule. Enfin seule. Mais au fond de moi je sais que ce n'est pas ce que je veux.
Et deuxièmement, car je regarde le passé. J'ai envie de me rappeler des bons moments. Comme quand j'étais petite, et que je me trompais dans mon récital de violon, souvent, je ne savais pas comment improviser, et je m'arrêtait. Je ne savais plus quoi faire, j'étais tétanisée. Je me levais donc, rougie par le trac et l'humiliation, bredouillais une mince excuse, et sortais en courant. Mon professeur me disait de retourner sur scène et reprendre ma partie. Je refusait. Mais au final, je finissait à chaque fois en saluant le public lorsque les lumières se rallumaient.
" Maintenant c'est du passé." Me disait mon prof. Avant de s'éclipser.
Maintenant c'est du passé..
On me disait de plus penser au passé, car ça empêcherai l'avenir d'ouvrir ses portes.
Mais que fait-on, lorsque l'on a plus d'avenir à tracer ?

BreakawayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant