Mise en bouche

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« Mais ce n'est tout bonnement pas possible. Où peuvent-ils se cacher ? Un jour, il faudra que l'on m'explique comment je peux perdre quelque chose dans la seule pièce que contient mon appartement ! Bon, je vais devoir faire sans, il faut vraiment que je file maintenant. »

Cette folle qui se parlait à elle-même c'était moi. Sophie Martiz, 22 ans étudiante en physique chimie. Et présentement, je cherchais désespérément mon cours d'anglais mais impossible de remettre la main dessus. Cela se présentait plutôt mal. J'avais toujours été un peu tête en l'air mais là, vraiment, je commençais à égarer toutes mes affaires.

Nous étions un mercredi pluvieux d'octobre et dans deux jours, nous serions enfin en vacances. L'année avait commencée sur les chapeaux de roues et il s'agissait de ne rien rater. La licence était dans la poche et tous les étudiants pensaient au master pour l'an prochain. Le fait que nous étions dans une filière porteuse et innovante n'empêchait pas une certaine inquiétude pour notre avenir et de nombreux doutes chez la plupart d'entre nous. Après tout, il ne s'agissait ni plus ni moins que de se trouver une place dans la société qui allait déterminer toute notre vie future. Un moment de plaisir n'est-il pas ?

Juste à temps. J'arrivais dans la salle au moment précis où le professeur essayait de refermer la porte. Je tirais sur la poignée de mon coté, lui faisait de même et il céda le premier et tomba sur ses fesses. Avec un petit sourire contrit, je rentrais et m'assis à mon siège en essayant de ne pas causer plus de troubles. Évidemment, il ne me quitta pas des yeux durant toute la durée du cours pendant que je me faisais la plus petite possible. Il faut bien le dire, j'étais un peu maladroite et cela était parfois à l'origine de quelques désagréments.

La matinée passa doucement et je retrouvais mes amis après le cours de matériaux. On alla manger tous ensemble chez Steven pour pouvoir travailler pour les cours du lendemain, durant l'après midi.

Après trois heures de travail intensif, la maîtrise des énergies nous sortant par les yeux nous décidâmes unanimement d'une pause. Il était temps de sortir nos ordinateurs et de faire ce qui nous tenait le plus à cœur après nos études : jouer, en ligne ou non, seul ou à plusieurs, à des jeux de cartes ou de stratégie. Nous aimions tous les trois un jeu plus particulièrement, c'était un jeu en ligne multijoueur, cinq personnes contre cinq autres. Il s'agissait d'incarner un champion parmi la centaine disponible avec des capacités et des caractéristiques spécifiques. Ensuite, eh bien le but de chacune des équipes était bien évidemment de prendre le pas sur l'autre et de gagner. Ce jeu était très connu et très plébiscité par la population de compétiteurs. Il brassait des sommes colossales d'argent grâce aux achats sur le jeu lui-même ou des produits dérivés mais également pendant les compétitions à toutes les échelles. Et, justement, pendant les vacances d'octobre, se déroulait à Paris, pendant une semaine une compétition mondiale qui attirait les spectateurs des quatre coins du globe. Les matchs étaient retransmis en direct sur les chaînes dédiées aux jeux vidéos et l'an dernier le nombre de spectateurs derrière leurs écrans durant la grande finale, l'apogée de la compétition, avait grimpé jusqu'à quatorze millions et trois cent soixante millions d'heures de la compétition visionnées.

Et moi, petite étudiante lambda, j'avais mon entrée. Cette année, j'allais me rendre à ce gigantesque événement plutôt que de le regarder au fond de mon lit. J'avais fait des pieds et des mains pour pouvoir rencontrer mon équipe favorite durant la semaine que j'allais passer là bas. Tout était prêt, la place et l'hôtel était réservés, je m'étais avancée un maximum dans mes cours pour pouvoir profiter le plus possible et mon sac était presque plein. J'avais même réfléchi à certaines questions que je voudrais leur poser quand je les rencontrerai enfin. Autant dire que je ne tenais plus en place et que les minutes défilaient en me paraissant des heures. Mais tout vient à point à qui sait attendre et le vendredi tant espéré arriva.

Après avoir souhaité de bonnes vacances à mes deux amis et leur avoir cent fois promis que je leur ramènerai des souvenirs, des photos de moi et de l'équipe, il était grand temps de partir.

Il est important que vous sachiez que je faisais vraiment tout pour être ponctuelle mais rien n'y faisait. Un obstacle se dressait toujours sur ma route. Sur ce coup-là, je devais avouer que je n'y pouvais vraiment rien. Non, non je vous assure, c'était complètement indépendant de ma volonté. J'avais malheureusement croisé mon professeur en « stockage des énergies » et il souhaitait me parler de « mon manque évident de concentration ces derniers jours ». Après quelques pirouettes (métaphoriques) et lui avoir dit plusieurs fois que je ne pouvais pas rester à parler avec lui, aussi intéressant soit son discours, car mon train ne m'attendrait pas je réussis à m'enfuir. Il m'avait mise en retard avec son « manque de concentration ». Non mais je vous demande un peu, qui pourrait vouloir se concentrer sur le stockage électrochimique et les convertisseurs de l'énergie solaire quand on était sur le point de participer à un événement international de cette ampleur. Je lui enverrai peut-être une photo pour lui expliquer.

Je fis un petit récapitulatif : j'avais mon sac, mon portefeuille avec mon billet et ma réservation d'hôtel. Si l'on exceptait le fait que j'étais tombée tête la première en courant pour monter dans le train, tout allait bien. Je poussais un soupir de soulagement, c'était parti.









Une compétition excitanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant