Tribulations mentales

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Il faisait chaud. Beaucoup trop chaud. L'immeuble était en feu, je devais sortir à tout prix ou j'allais me retrouver coincée dans les flammes. J'étouffais, j'avais la gorge en feu et la tête toute embrouillée. Je tomba au sol et me réveilla soudainement. Un innocent rayon de soleil me caressait le visage en me réchauffant. Je secouais la tête, dépitée par mon imagination qui n'avait, hélas, pas fini de me jouer des tours. J'avais laissé la veille les volets ouverts pour que le soleil me réveille doucement. Évidemment, cela n'avait pas été le cas mais je souriais néanmoins. Rien ne semblait pouvoir entacher ma bonne humeur aujourd'hui. J'avais attendu ce jour trop longtemps et j'étais des plus impatientes. Je m'apprêtais à sauter sur le lit, toute à ma joie, mais me ravisais in extremis. Il n'était pas question de casser le sommier ou de déboîter les lattes du lit. Ma maladresse n'allait pas me gâcher cette magnifique journée.

Les matchs ne commençaient pas avant deux heures cet après midi mais cela me laissait le temps de visiter le stade pour éviter de me perdre cette semaine. De plus, qui sait, je rencontrerai peut-être une des équipes du tournoi. Je risquais d'avoir beaucoup de mal à échanger avec les coréens ou les chinois qui ne parlaient presque pas un mot d'anglais mais je pourrais essayer de parler avec les équipes européennes et américaines. Certains de leurs joueurs étaient particulièrement reconnus et avaient déjà gagné de nombreuses compétitions.

Un dernier coup dans le miroir, un gros jean bien chaud et un gros pull aux couleurs de mon équipe, il fallait au moins cela pour combattre le froid mordant qui s'était installé dans la capitale depuis quelques jours et, autre atout intéressant, il permettait de cacher mes formes un peu trop prononcées à mon goût.

« En route Sophie, il est temps de te remuer le popotin et de sortir de ta chambre ! » J'avais pour habitude de me parler à voix haute pour m'invectiver ou me motiver. Les passants ne manquaient pas de se retourner sur moi et ma fâcheuse manie. Je n'étais pas timide alors je pouvais vivre avec ce regard méfiant et interrogateur sur moi. Tout de même, il fallait songer à stopper cela. Ce n'était ni utile ni nécessaire de déballer toutes ses pensées à voix haute devant des inconnus.

J'en étais là de mes pérégrinations mentales quand je m'aperçus que j'étais à l'entrée du stade. J'avais bien évidemment choisi l'hôtel le plus proche, pas celui occupé par les joueurs qui étaient vraiment au pied du stade, pour ne pas avoir à passer du temps dans les transports ou payer un taxi. Ainsi après quelques minutes de marche vivifiante, j'étais arrivée.

Immense. Je dirais même mieux : gigantesque. Le stade était tellement plus grand que je n'avais pu me l'imaginer. Je me sentais toute petite, à me tenir devant ainsi et j'imaginais aisément les parisiens qui me regardaient en se moquant de mon incrédulité de petite provinciale. J'avais déjà assisté à des concerts au Zénith de Nantes, ma ville natale, mais nous étions passé à une autre échelle, bien plus démesurée.

Après quelques minutes de contemplation silencieuse et éberluée, je me secouais enfin la tête et remis en place mes méninges. Il était temps de découvrir l'intérieur de cette immensité. « A l'assaut Sophie ! » Aux regards qui se posaient sur moi je me fis la réflexion que j'avais recommencé à parler à voix haute. Et puis zut, je leur aurais au moins offert une distraction dans leur morne vie. En racontant leur journée ce soir ils parleraient de « la folle devant le stade et ses amis imaginaires. »

Avec un petit rire, je m'avançais jusqu'à l'entrée du stade. Le vigile à l'entrée avait un air renfrogné et mécontent, et après quelques secondes de réflexion je lui rendis exactement le même air et il se mit à sourire. J'avais réussi à le dérider et il me souhaita une excellente journée en prenant mon ticket et tamponnant mon poignet. Tout cela s'annonçait plutôt bien et j'avais vraiment hâte de rentrer dans le vif du sujet.

Du bruit. Beaucoup. Trop même. Je m'assis près du mur le temps de retrouver une ouïe convenable avec la cacophonie qui régnait à l'intérieur de l'enceinte. Je n'étais pas une petite chose fragile, enfin, pas toujours, mais je n'avais pas l'habitude d'autant de monde réuni en un seul endroit. De plus, la compétition ne commencerait pas avant plusieurs heures et les spectateurs s'en donnaient à cœur joie en parlant tous plus fort les uns que les autres.

Quinze minutes plus tard je m'étais acclimaté et bien que je supposais avoir perdu quelques points d'audition, je décidais de ne pas m'en formaliser pour le moment. Il y avait tellement mieux à faire. Partout où mes yeux se posaient je reconnaissais des grandes stars du jeu ou bien les présentateurs des nombreuses chaînes et sites dédiés. C'était bien plus fou que ce que j'avais imaginé. Tous se pressaient pour avoir un autographe ou prendre une photo avec leur équipe favorite, les lumières dansaient tout autour de nous et une musique recouvrait peu à peu les brouhahas. J'adorais ce groupe et j'étais vraiment heureuse de voir qu'ils avaient été choisi pour chanter la chanson représentative de la compétition cette année. En fredonnant cet air je commençait à déambuler dans la grande salle où nous nous trouvions, qui n'était autre que l'entrée du stade. La tête tournée vers les écrans géants qui faisaient un récapitulatif des équipes en liste pour la coupe je ne vis pas arriver un homme qui me fit tomber face contre terre. Quelques secondes après ma chute, j'entendis un bruit de course et quelqu'un pila à côté de moi. Il se pencha avec un air inquiet sur le visage.

- Tout va bien mademoiselle ?

- Grumph.

- Pardon je n'ai pas compris ce que vous venez de dire.

- Pour une fois que ma maladresse ne fait pas des siennes il faut absolument qu'on me rentre dedans.

- Excusez moi je ne comprends pas bien le français. Parlez-vous quelques mots d'anglais ?

- Est-ce votre ami qui m'a percuté ?

- Pas exactement non. Plutôt un fan acharné prêt à tout qui m'a volé ma casquette. Allez vous bien ? Vous a-t-il fait du mal mademoiselle ? Quel est votre nom d'ailleurs ?

- Sophie. Sophie Martiz, lui répondis-je en me relevant grâce à l'aide sa main tendue. J'ouvris des yeux comme des soucoupes. Cela n'arrivait qu'à moi ce genre de mésaventure.

- Je suis ...

- Je sais qui vous êtes, le coupais-je en espagnol. J'avais reconnu Federico le leader de la deuxième équipe européenne, créée peu de temps avant la compétition : les Genesis.

-Incroyable. Quelqu'un parle espagnol couramment ici. Je désespérais de pouvoir converser autrement qu'en anglais.

- Je ne parle pas espagnol vous vous méprenez. Je vous remercie, je dois partir.

- Mademoiselle. Revenez ! Donnez moi votre numéro au moins. Comment puis-je vous revoir ?


Quelle poisse. Je l'avais échappé belle. Federico était connu pour courir après tout ce qui portait des cheveux long avec une poitrine, peut être même après ceux qui ne possédaient pas ces atouts. Et je ne souhaitais surtout pas tomber dans ses filets. Je ne recherchais pas les coups d'un soir mais plutôt une relation longue et durable avec un homme normal et non une star des jeux vidéos.






Petite précision pour une compréhension plus facile : Sophie est française mais elle a des bonnes notions d'anglais et peut dire quelques phrases en espagnol. Federico est espagnol et parle très bien anglais du fait de sa passion pour les jeux vidéos où tout est en anglais.

Les conversations en italiques sont en anglais et celles en gras sont en espagnol.










Une compétition excitanteWhere stories live. Discover now