CHAPITRE DIX-HUIT .1

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17 germinal, le matin

Montées sur leurs dorkis, les deux jeunes femmes passèrent au chariot trésorerie où Adacie empocha un lourd sac de monnaie à distribuer aux volontaires que Tranit trouverait.

Elles sortirent de la cour de l'auberge et se dirigèrent vers le champ de manœuvres, près de la porte sud, où la jeune commandante pensait pouvoir récupérer quelques réservistes d'Outre-berge qu'elle parviendrait à convaincre.

La rue était pleine de gens allant ou revenant du grand marché du matin. Avec l'affluence de troupes, il semblait un peu plus difficile de trouver à manger et Tranit entendit des gens se plaindre des prix qui augmentaient déjà.

Elles se frayèrent un chemin et parvinrent enfin à destination. Grâce aux décisions prises et appliquées la veille, le bivouac des réservistes était encore dans un état correct.

Tranit en trouva quelques dizaines, réunis autour de feux de camp, partageant leurs réserves. Elle posa pied à terre et s'approcha de plusieurs officiers qu'elle connaissait bien. Nombreux étaient ceux qui la regardaient venir, s'étonnant de la trouver là.

Tranit s'adressa à celui qu'elle avait nommé lieutenant à titre temporaire presque deux décades plus tôt.

— Trual ? Que fais-tu ici ? Le conseil n'a-t-il pas gardé les compagnies mobilisées ?

L'ancien chevalier, ainsi que plusieurs autres réservistes, la saluèrent.

— Commandant, bonjour. Non, le conseil ne m'a pas gardé. Le capitaine Hamer m'a prévenu hier soir, après que nous avons appris votre licenciement. On lui a imposé un adjoint de Maubourguet.

— On vous a payé au moins ?

— Une petite partie dès hier, mais il faudra patienter pour le solde.

Les rictus sur son visage et celui de plusieurs hommes d'expérience étaient éloquents.

— J'en suis désolée, s'excusa Tranit, peinée.

Tranit était sincère en prononçant ces quelques mots et sut que les hommes la croyaient, elle qui avait été renvoyée la veille à l'étonnement général. Elle poursuivit.

— Moi, je viens chercher des volontaires pour encadrer deux ou trois bataillons montagnards. Ils veulent des gars expérimentés dans les combats de remparts.

Tous les regards se firent intéressés. Tranit calma leurs ardeurs d'un geste de la main.

— Ils sont un peu étranges, ces gars et très exigeants.

Son petit sourire et le signe de tête qu'elle fit en direction d'Adacie, restée bien droite sur son dorkis, en fit sourire plusieurs.

— Mais, poursuivit-elle, ils payent bien. Ils vérifient vos affaires et complètent ce qui vous manque ou n'est pas assez bien. Mais il faut répondre à leurs critères de choix et là, je n'ai aucune influence.

Trual se fit le porte-parole de tous les hommes présents.

— Et vous avez besoin de combien de volontaires, commandant ?

— L'équivalent d'une bonne compagnie au moins, pour bien les entraîner. Mais il me faut des officiers et des sous-officiers expérimentés. Pas de nouveaux. Pareils pour les simples soldats. Pas trop âgés ou alors en excellente condition.

— La plupart des gars ici ont au moins un engagement de milicien derrière eux. Certains sont un peu âgés, c'est vrai, mais regardez bien autour de vous... Trual lui montra les gars les entourant et d'autres qui venaient écouter, par curiosité. Tranit reconnaissait la plupart de ces visages, même si elle ne pouvait pas mettre de nom sur tous.

— C'est vrai. Trual, tu en es ?

— Pour sûr, commandant ! Que voulez-vous faire ?

— Rassemble les volontaires et levez le camp. On va suivre le rempart sud-est par l'extérieur et passer aux terrains du marché aux bestiaux. Je devrais pouvoir y retrouver d'autres volontaires. Tous ceux qui viendront recevront une allocation pour leur peine et à manger ce midi. Ceux qui ne seront pas retenus pourront revenir s'installer ici et retenter leur chance avec la milice. Ça te va ?

L'ancien chevalier se redressa fièrement.

— Moi, oui ! Laissez-nous le temps de ranger nos affaires, on arrive.

Il n'eut qu'à tourner la tête pour voir les volontaires affluer autour de lui. Des gars réunissaient déjà leur barda et se mettaient en colonne triple. Tranit remonta sur son dorkis et entraîna Adacie à sa suite jusqu'à la porte sud.

Là, miliciens et des volontaires d'astreinte surveillaient les entrées comme les sorties. Le conseil avait semble-t-il imposé une taxe sur toutes les marchandises. Plusieurs miliciens apostrophèrent et saluèrent Tranit.

Milly vint au-devant d'elle.

— Commandant, c'est vraiment dégueulasse !

— Calme-toi Milly. Pour moi ce n'est rien. Fais plutôt gaffe à toi.

— Moi je ne suis que caporale, mais vous, Distéra ou Idane, ce n'est pas juste.

Deux autres femmes, lieutenante et enseigne qui apparemment avaient été renvoyées comme elle.

— Où sont-elles ?

— Peut-être au marché aux bestiaux ou bien rentrées chez elles.

— Je vais y passer, on m'a demandé d'enrôler pour les Montagnards.

— Bonne chance à vous, commandant.

— Merci, Milly.

* * *

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Vixii

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant