Chapitre 6

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Média : Konogan

" Et t'es sûre que tu ne veux être pas vu ? demanda Konogan longeant le port de Brest en compagnie de Maëline.

- Comme tu m'as facilement démasquée, il est hors de question que je me fasse remarquer. Je ne connais que trop bien les pensées des marins.

- Tu sais, j'ai toujours été perspicace. Et sobre. Si je ne t'avais pas croisée ce matin, j'aurais mis plus de temps. Ce n'est pas le cas des autres : ils ne voient que ce qu'ils veulent comprendre et sont de vrais tonneaux de rhum. Mais ils ne sont pas méchants."

Maëline avait beaucoup hésité à se confier au marin. Cependant, celui-ci accepta rapidement de l'aider à aborder le Green Spirit. Néanmoins, c'était avec méfiance que Maëline suivit Konogan.

Les deux jeunes gens arrivèrent au bateau.

" Attends moi là." Lança Konogan.

Le garçon monta à bord. Un instant plus tard, Maëline vit dans l'obscurité, une silhouette monter sur le grand mât et s'arrêta au poste de pie. Il semblait discuter avec une personne dans un tonneau. Pendant ce temps, la jeune femme se tourna vers la ville. Elle n'avait jamais quitter le continent et même si elle ne se sentait plus à sa place ici, l'idée de partir lui pinçait le coeur.

Deux minutes plus tard, elle entendit un murmure provenant du navire :

"Psst ! Maëline, dépêche-toi de monter."

Konogan apparu par-dessus le bastingage. Maëline se hâta de rejoindre le pont pour retrouver le marin.

" J'ai occupé la vigie pendant quelque temps. Personne ne te verra monter à bord, murmura-t-il.

- Que lui as tu dis ?

- Rien de spécial mais il va regarder horizon longtemps. Allez, suis moi."

Konogan emmena Maëline vers le pont inférieur.

" Parle moi de l'équipage, s'il te plaît.

- Pourquoi ? Je croyais que tu ne voulais pas les voir " répliqua le jeune homme.

Elle lui lança un regard noir. Konogan continua en soupirant :

" Très bien. Bon alors, en plus de moi il y a trente-trois hommes sur ce navire. Tu as d'abord le capitaine Ropérax. Un brave type ce capitaine. Certains marins le suivent depuis plus longtemps que je m'en souvienne. Il est secondé par Jackitaff qui, malgré ses responsabilités, est toujours le premier à lancer un chant. T'as les quartiers maîtres Rougnac et Andreo ( prononcer Anedréo ). Le vieux Jivycorre à la vigie, Ricolland, le cuistot toujours joyeux... Après je ne vais pas t'énumérer tout le monde. Ah si ! Tu vas sans doute rencontrer Du*.

- Du ? C'est un surnom ? Il a quoi comme fonction ?

- C'est le chasseur, Du !"

Maëline entendit japper et une petite boule noire sortit de derrière des caisses. Elle sauta d'abord sur Konogan puis sur Maëline.

" Je te présente Du, dit le marin en désignant le chien. Il s'agit d'un bichon maltais et il nous débarrasse des rats.

- Pourquoi un chien plutôt qu'un chat ? En plus il est vraiment petit.

- Le capitaine est toujours malade avec les chats. Et contrairement à ce que tu crois, les bichons sont d'excellents chasseurs et ont le pied marin. En plus, ils sont plus faciles à dresser que les chats."

Maëline caressa le chien puis demanda soudainement :

" Je ne sais pas grand chose sur cette espèce comme ils sont plutôt méditerranéens, mais je croyais que ces chiens n'étaient que blancs ? "

Konogan haussa les épaules.

" Et alors ? Ça ne lui empêche pas d'être un bon camarade.

- Ne le prends pas comme ça. C'était juste une remarque.

- Comme quoi la nature peut être bizarre. On a recueillit Du car il était un chien errant. D'accord, il est un peut différent des autres bichons. Non il n'est pas normal, il est unique ! De toute façon, tu verras que sur ce bateau, personne n'est normal.

- Je ne comprends pas, dit Maëline déconcertée.

- Et bien, réfléchit Konogan, chacun ici a une particularité ou une histoire qui l'empêche de vivre correctement en société. Par exemple Keguen s'est fait viré de son poste de domestique car il avait fricoter avec la fille de son employeur, il a carrément fuit la ville. Mais son histoire n'est rien comparer à d'autre. Michoulet a une voix de fille et il parait que Chamac'h ( prononcer Chamar) n'a qu'un... Enfin bref, tu vois, tout le monde ici est unique.

- Sauf toi, objecta Maëline. Je ne vois pas en quoi si tu serais particulier.

- J'ai été abandonné très jeune à cause de ma couleur de cheveux, avoua le garçon. Dans certaines famille, le roux est signe de malheur. Ça semble archaïque mais ça existe encore. C'est la femme du capitaine qui m'a élevé jusqu'à mes dix ans puis j'ai pris la mer.

- Je suis désolée, dit timidement Maëline.

- Désolée pour quoi ? Vraiment, je n'ai aucun souvenir de mes parents biologiques et je suis très heureux avec le capitaine Ropérax. Quant à mes cheveux, je trouve que se sont eux qui me donne beaucoup de charme. " dit-il avec une voix mielleuse en se passant une main dans sa chevelure.

Son allure fit décocher un sourire à Maëline. La jeune fille regarda le marin avec plus d'attention. C'est vrai qu'il était séduisant. Ses traits fins et son nez droit semblaient familiers à Maëline, mais elle ne savait plus à qui ils pouvaient également appartenir.

Sentant que son regard devenait trop insistant, elle détourna la tête puis se leva tandis que Du continuait à mander des caresses.

Konogan ouvrit une petite pièce dans laquelle étaient entreposés des seaux, balais, éponges et quelques caisses.

" Si tu veux le meilleur endroit pour se cacher, c'est là-dedans, dit le garçon. À part moi, personne n'y met jamais les pieds, je ne sais pas pourquoi. Tu es sûre de vouloir rester cachée ? Tu tiendras pas tout un voyage dans cet espace.

- Je ne reviendrai pas sur ma décision, répliqua Maëline d'un ton sec.

- Bon bon d'accord. Mais moi, je parie que tu ne tiendras pas trois jours. Je te laisse, je viendrai te donner à manger."

Sur-ce, Konogan partit après avoir siffler pour appeler Du. Le chien obéit immédiatement.

Dans la matinée - ou plutôt en début d'après-midi car les marins avaient eu du mal à se réveiller - on s'activa sur le pont. Maëline ouvrit les yeux mais fut éblouie par un rayon de lumière qui traversait les lattes de bois.

La jeune fille s'enroula dans la couverture qu'était venu lui apporter Konogan, elle se sentait encore épuisée. Elle ferma les yeux après avoir remarqué un plateau avec quelques fruits. Cela la fit sourire.

Finalement, elle s'était peut-être trouvée un ami.

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* Du : " noir " en breton

Maëline ou L'Espoir de libertéWhere stories live. Discover now