Maëline ou L'Espoir de liberté

Chapitre 5

La nuit était maintenant totalement tombée. On ne pouvait voir par la fenêtre qu'une faible lueur provenant de la chambre de Maëline. La jeune fille élabora un plan pour embarquer incognito sur le Green Spirit.

Elle regarda dans son miroir sa belle chevelure flamboyante. Puis elle rassembla tous ses cheveux en une queue, prit des ciseaux et les coupa d'un trait. Ils lui arrivaient dorénavant au-dessus des épaules. Elle soupira en voyant la longueur de ses mèches dans sa main. Pourtant, elle savait que si elle s'embarquait sur un bateau comme le Green Spirit, elle devait en passer par là, même si elle désapprouvait ces pensées machistes des marins comme quoi les femmes n'avaient rien à faire sur un navire car elles étaient trop faibles et donc portaient malheur. Pour Maëline, c'était juste une excuse car les hommes ne savent pas retenir leurs pulsions animales. Elle sortit de son armoire une marinière que son père lui avait donné et un pantalon rouge. Il s'agissait de l'uniforme sur le Green Spirit. Elle remercia la nature de ne pas lui avoir donnée des formes de femme pas trop imposantes. Sa poitrine qu'elle avait préalablement pressée sous un bandage, ne se voyait plus et ne lui faisait pas mal. Enfin, elle rassembla ses cheveux dans un bandana et rajouta sa caquette de marin.

Maëline retourna vers le miroir et s'observa attentivement. La transformation était frappante. Personne ne la soupçonnerait, elle ressemblait vraiment à un garçon. Bon peut-être un garçon un peu trop jeune pour son âge, mais un garçon quand même.

Elle éteignit sa chandelle et ouvrit la fenêtre. Le ciel était dégagé ( phénomène rare en Bretagne en cette saison ), la lune éclairait tout dans la nuit. Tous les éléments semblaient avoir décidé de jouer en la faveur de Maëline.

Elle descendit par la fenêtre et traversa le jardin. Heureusement qu'il n'y avait plus de domestiques car les gardiens l'auraient sans doute déjà repérée. Le plus difficile pour fugitive était d'escalader la haute clôture. Une fois passée, elle courut vers la ville encore éveillée.

Des cris et des rires sortaient des bistrots. Maëline voulait savoir si l'équipage se trouvait dans l'un d'eux. Elle longeait les ruelles quand elle entendit deux hommes discuter :

" Nozezh vat deoc'h.

- Noz vat. Penaos 'mañ kont ?

- Mat eo ar jeu, trugarez. "

Ne vous inquiétez pas, Maëline comprend parfaitement le Breton.

" Alors, il paraît que c'est demain que le Green Spirit s'en va pour un long voyage ? dit le premier.

- Oui, dans la matinée. Ce qui veut dire début d'après-midi car là les marins, bah y vont pas réveiller, moi je dis. répond le second une bouteille à la main.

- Et où qui part l'bateau ?

- Euh... J'ai entendu dire qu'il y ce marin là, Sourcuf, Surbouf...

- Surcouf, Robert Surcouf.

- Oui voilà, celui là. Bah il paraît qu'il a besoin de ravitaillement. Mais je ne sais pas où, il faut traverser l'Atlantique, j'crois.

- Dis donc, y a le Green Spirit il a jamais fait un voyage comme ça, moi je dis.

- Tant qu'il revient en un seul bloc, puis le capitaine, c'est pas un matelot.

- Tu l'connais ?

- Moi ? Ket.

- Bah, moi je vais te laisser. Car chez moi y en a une qui va... Bein non en faîte, j'vais dormir dehors. C'est plus en sécurité. Aller. Kenavo.

- Ken emberr."

Maëline ne crut pas ce qu'elle venait d'entendre. LE GREEN SPIRIT ALLAIT A LA RENCONTRE DE ROBERT SURCOUF !!!! La chance de sa vie pouvait se présenter. Elle admirait ce marin plus que tout au monde. Le sauveur de Brest qui avait vaincu au la main les Anglais avec seulement 160 hommes alors qu'ils étaient environ 400. Et ils sont pratiquement tous revenu. Cet homme, en plus d'être un capitaine prodigieux, était également un fin stratège.

Maëline se mit à courir dans les ruelles en chantant :

"Buvons un coup, buvons en deux,

À la santé des amoureux..."

Soudain, elle s'arrêta.

Et mince ! Qu'est-ce qu'elle fabriquait ? Elle allait réveiller tout le quartier, signaler sa présence. Et elle devait trouver un moyen de monter à bord du navire avant le lever du soleil.

La jeune fille arpenta la rue quand elle entendit chanter dans un bistrot. Elle regarda par la fenêtre et reconnu les marins du Green Spirit en train de boire et faire la fête. Elle allait continuer sa route vers le port lorsqu'une main l'attrapa et la tira derrière le bistrot.

Elle pensait crier jusqu'au moment où elle reconnut le garçon roux de ce matin. Il la fixa un moment avant de demander :

- Qui es-tu et pourquoi tu portes l'uniforme de mon équipage ?

- Qu'est-ce que ça peut te faire ?" répondit-elle.

Soudain, elle se souvint qu'elle était un garçon. Elle se racla la gorge et répliqua avec une voix plus grave.

" Déjà, t'as pas à faire peur aux gens comme ça ! Tu ne sait pas ce que j'aurais pu te faire."

Il la regarda dans les yeux et se mit à rigoler doucement.

"Oh, excusez moi ! Mais je croyait qu'on avait engagé un nouveau mousse. Dans ce cas je t'aurai dit de ne pas les rejoindre car ils ne sont pas très sobres.

- Merci du conseil et non, je ne suis pas un mousse.

- Alors pourquoi t'as notre uniforme ?

- Mon père était capitaine du Green Spirit avant.

- Guirec Le Bihan ?

- Oui. Tu l'as connu ?

- Euh... Non. En fait, moi c'est Konogan, dit-il avec un grand sourire et en lui serrant la main.

- Maë..."

Mince elle n'avait pas penser à ça.

Maëline, il n'y rien de plus féminin comme prénom.

Elle réfléchit quelques secondes avant de sortir :

" Marzin.

- Et en vrais ?"

Konogan se mit à rire de plus bel alors que le visage de Maëline se décomposa. Me garçon continua :

" Tu devrais voir ta tête. Non mais sérieusement, t'as crus que je ne t'avais pas reconnu, la fille de ce matin, au port.

- Comment tu as su ? demande-t-elle d'une voix tremblante.

- J'ai reconnu ton regard. Et je sais que le capitaine Le Bihan n'a pas de fils. Donc, comment t'appelle tu ?

- Maëline."

Konogan se calma et dit doucement :

" Maëline. C'est un joli prénom."

Maëline sourit légèrement, elle s'était faite avoir dans son propre jeu. Un silence gênant s'installa entre les deux jusqu'à ce que Konogan le rompt :

" Et sinon, pourquoi portes tu l'uniforme du Green Spirit, Maëline ?"