Bonus : Scène supprimée

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Nmabara, capitale du Furthyr, quarante-quatre jours après la mort du Général Chef

L'ombre se glissa sans bruit entre les arbres fruitiers. Masquée par le manteau silencieux de la nuit, elle avisa le mur du palais, et commença son escalade.

Elle s'immobilisa. Juste en-dessous d'elle, des soldats de la garde orange effectuaient leur tour de ronde. Elle attendit qu'ils s'éloignent, que leurs conversations s'éteignent, puis reprit son ascension.

Elle avisa une fenêtre, en arracha la moustiquaire, puis s'accrocha aux barreaux épais. Si ses renseignements étaient justes, c'était dans cette salle que résidait Nadèle Nbremala, Général du Furthyr.

Elle risqua un rapide coup d'œil. La pièce semblait endormie, toutes lumières éteintes. Le Général, dont le lit avait été installé dans un recoin, n'était pas visible. Aucune arme à feu ne pourrait l'atteindre d'ici, de même qu'aucune grenade ou explosif ne pourrait traverser les barreaux.

Sage précaution, mais qui ne suffirait pas. Elle attrapa le sac accroché dans son dos, le dénoua, en saisit avec précaution le contenu, et le fit glisser entre les barreaux.

Puis elle redescendit d'une traite, pour se fondre à nouveau dans l'obscurité du jardin paisible.

Le drame qui allait se jouer ne nécessitait plus sa présence.

Inconsciente du danger, Nadèle dormait profondément. Dans son rêve, les îles occidentales venaient d'abdiquer, et les Brocéliens, vaincus, la reconnaissaient même en tant que Général Chef.

Son regard s'emplissait de ces terres et mers, désormais siennes, lorsqu'un mugissement se fit entendre. L'eau bouillonna, puis un monstre de feu se dressa face à elle.

Elle resta pétrifiée de stupeur alors qu'un tentacule épais l'attrapait à la cheville pour l'entraîner dans les abysses.

Elle se débattit en vain, sans parvenir à se dégager, et plongea toujours plus profond, sans espoir de retour.

Elle chercha la surface des yeux. Elle avait disparu. Seuls demeuraient les abîmes sombres dans lesquelles elle continuait de s'enfoncer.

Elle étouffait.

Nadèle se réveilla, le cœur affolé, la peau brune en sueur. Ce n'était qu'un cauchemar, un cauchemar atroce. Puis son sang se glaça. Pourquoi ressentait-elle toujours la prise écailleuse du monstre sur sa cheville ?

Elle perçut un sifflement menaçant, et préféra se contraindre à l'immobilisme le plus total malgré la panique qui la gagnait.

Le tentacule remontait désormais le long de sa jambe figée. Elle resta pétrifiée. Ce n'était pas un tentacule. Les écailles froides qui glissaient contre son corps bouillonnant n'étaient pas celles d'un monstre marin, mais d'un serpent.

Elle avança une main vers sa table de chevet. Elle gardait toujours un poignard à portée, en grande partie pour se rassurer. Aujourd'hui, cette précaution en apparence superflue pouvait lui sauver la vie.

Ses doigts tâtonnèrent dans l'obscurité sans trouver l'arme. Elle commença même à se demander si elle n'avait pas oublié de la placer ici la veille. Les quelques secondes qui s'égrenèrent lui semblèrent devenir des heures, tandis que le reptile remontait le long de son corps.

Elle se contraignit au calme, rassembla toute sa volonté pour ne pas céder à la panique mortelle qui l'étreignait. Ses doigts effleurèrent le morceau de métal tant convoité.

Le serpent était arrivé à hauteur de son cou, conscient de sa peur et des battements de cœur qui martelaient sa poitrine. Il se dressa, et surplomba son visage d'une lourde menace. Sa tête triangulaire s'immobilisa pour la fixer ; ses yeux étincelèrent dans l'obscurité. Sa langue fourchue siffla une nouvelle fois entre ses crocs sinistres.

Les doigts de Nadèle se refermèrent sur le poignard. Elle n'aurait droit qu'à un seul essai. Un seul, qui déterminerait sa survie, ou sa mort.

Le serpent se jeta sur elle ; le poignard siffla dans l'air avec une rapidité qu'elle n'aurait jamais crue possible.

Nadèle retint son souffle, s'attendant au pire.

Elle ne ressentit d'abord rien de particulier. Le reptile ne l'avait pas mordue. Tête tranchée, il s'effondra sur elle en l'éclaboussant de son sang.

Elle bondit aussitôt hors du lit, les membres tremblants, et ramena la lumière dans la pièce. Ses yeux repérèrent aussitôt quatre autres reptiles du même acabit qui exploraient le reste de la chambre.

Incapable de soutenir une telle vision, elle sortit aussitôt, claqua la porte, la ferma à double tour, et s'adossa sur le mur d'en face, les jambes flageolantes.

Cette tentative était signée de la main d'Octale. Le Général de Brocélie affectionnait ces charmantes créatures, disait-on. Certaines lui servaient même d'animal de compagnie.

Elle croyait pourtant cette nation aux abois, Octale agonisante, et ses armées en difficulté. Comment un assassin avait-il réussi à se glisser jusqu'ici ? Comment avait-il pu déjouer les systèmes de sécurité, ainsi qu'échapper à la vigilance de sa garde personnelle ? Cela relevait de l'exploit, et ne faisait une fois de plus que démontrer l'efficacité redoutable de la garde rouge.

Elle avait sous-estimé Octale, et cela avait failli lui coûter la vie. Bien sûr, elle allait renforcer la sécurité autant qu'elle le pourrait, mais cela suffirait-il seulement ?


La Prophétie du VoyageurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant