6- Caleigh

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Il est deux heures du matin lorsque je ressors de L'UAC. Je monte dans le taxi affrété par mon patron. Soucieux de la sécurité de ses employés, il ne regarde jamais à la dépense. La soirée a été un véritable succès, nous avons eu de nombreux commentaires dithyrambiques sur l'exposition. Cerise sur le gâteau, non seulement deux critiques nous ont promis un bon papier dans leurs magazines ainsi que sur leurs blogs, mais j'ai été approchée par un type, une sorte d'agent artistique. Apparemment, il a été « percuté par la puissance contenue dans mon art ». Ce sont ses mots. J'avoue être plutôt heureuse de l'intérêt qu'il me porte, j'espère juste qu'il n'a pas changé d'avis lorsque, après qu'il m'a donné sa carte, j'ai griffonné mes coordonnées sur le coin d'une serviette. Parfois, j'ai juste envie de me gifler. Quel artiste n'a pas de carte de visite sur lui ? Moi, selon toute vraisemblance. Il va vraiment falloir que je m'occupe d'en faire réaliser...

Arrivée chez moi, Monsieur Moustache, mon chat, me souhaite la bienvenue. Je lui donne sa pitance, lui prodigue quelques caresses affectueuses, puis une fois que nous décidons l'un et l'autre avoir eu notre quota de câlins, nous vaquons chacun à nos occupations. Je grignote un morceau puis, encore sous le coup de l'euphorie de l'exposition, je tourne en rond dans mon appartement. Je n'ai pas vraiment envie d'aller me coucher, alors je file me doucher, j'entame un livre et enfin, je me décide à appeler ma sœur, afin de lui parler de la soirée.

Chez elle, il n'est que 23 heures, aussi il est probable qu'elle ne dorme pas. Pourtant, j'ai beau l'appeler à plusieurs reprises, je tombe invariablement sur sa boîte vocale. Je finis par lui laisser un message. Peut-être travaille-t-elle ce soir ?

Un peu déçue, je vais au lit mais je me promets que dès le lendemain j'essaierai à nouveau de la joindre. Visiblement plus fatiguée que je l'aurais cru de prime abord, je ne tarde pas à m'endormir comme une masse.

La sonnerie de mon téléphone me réveille un peu plus tard. Je sursaute, dérangeant malencontreusement la boule de poil ronronnante qui, outrée, me fait savoir son mécontentement en feulant furieusement. Pestant moi aussi contre le fait d'avoir été réveillée si brutalement, je tâtonne avant de mettre la main sur mon smartphone et décroche.

— Oui ? parviens-je à dire d'une voix ensommeillée.

— Saaaaaaalut petite sœur ! crie ma sœur dans mon oreille.

J'éloigne aussitôt l'appareil en grognant. Bon sang, elle va me rendre sourde en beuglant comme ça ! Je l'entends s'excuser en gloussant. Sasha n'a pas l'air dans son état normal. Intriguée, je me redresse, allume ma lampe de chevet et m'assois au milieu de mon lit. Je cligne plusieurs fois des paupières, éblouie par la lumière. Pour le coup, je suis définitivement réveillée.

— Sash ... ? T'as bu ? Ça va pas ?

— Je vais bien, merci, rétorque-t-elle avec un rire dans la voix.

— Si tu le dis... ça ne m'explique pas pourquoi tu me rappelles à...

Je regarde rapidement l'écran de mon smartphone et gémis intérieurement : visiblement, il s'est passé deux heures depuis que je me suis couchée, je vais donc avoir un mal fou pour me rendormir. D'ordinaire, si quelqu'un s'avise de me réveiller sans une bonne raison, il signe son arrêt de mort, mais comme il s'agit de ma sœur et que je n'ai pas pu la joindre un peu plus tôt, je fais contre mauvaise fortune bon cœur.

— Dis donc, c'est pas toi qui m'as téléphoné tout à l'heure ? Et tu me demandes pourquoi je te rappelle ?

— Oh ça va..., marmonné-je. J'émerge, moi, je te signale !

— Eh ben, t'as l'air ravie...Puisque tu le prends comme ça, je vais te laisser. On se rappelle dans la journée, râle-t-elle.

— Non, non, c'est bon Sash ! Tu sais bien comment je suis au saut du lit. Ça me fait plaisir de t'entendre !

— Je rigolais, ma puce ! Il fallait que je te parle d'un truc de toute façon et crois-moi, ça ne peut pas attendre, m'avoue-t-elle d'une voix surexcitée.

Comme à son habitude, elle fait une pause théâtrale, ménageant son annonce. Résultat : je m'agite dans mon lit, avec l'envie irrépressible de la secouer jusqu'à ce qu'elle crache le morceau. Au bout de cinq interminables secondes de silence, je finis par perdre patience.

— Alors, ne me fais pas attendre ! Tu sais bien que je déteste quand tu fais des mystères !

En l'entendant pouffer de rire de l'autre côté de la ligne, je grince des dents.

Elle m'énerve !

— J'ai fait une folie, Caleigh, m'annonce-t-elle d'une voix faussement honteuse.

— Quoi donc ? dis-je en levant les yeux au ciel, légèrement agacée.

— J'ai acheté une voiture !

— Mais... et celle que tu avais déjà ?

— Revendue ! m'apprend-t-elle. Et franchement, je ne regrette pas : celle-ci est juste parfaite. C'est la voiture de mes rêves !

OK. Je décide de faire comme si c'était la chose la plus normale au monde bien que je ne comprenne pas son achat : son SUV était pourtant en parfait état de marche.

— Génial ! m'exclamé-je exagérément. Mais c'est super, ça !

— Oui ! Dès que je l'ai vue, j'ai su que c'était elle. Attends, je t'envoie une photo, s'exclame-t-elle comme l'aurait fait une petite fille devant la dernière Barbie..

— J'ai hâte !

Là, je mens sans vergogne.

Mon téléphone vibre à la réception du MMS de ma sœur. Je l'ouvre sans conviction. Après tout, ce n'est qu'une bagnole, que peut-elle avoir de si spécial pour que ma sœur se comporte en véritable gamine ?

OH. MON .DIEU.

Je reste bouche bée.

— Elle est rose ! hurle ma sœur si fort que je l'entends distinctement alors que mon smartphone est posé sur ma couette.

qS

A tes souhaitsWhere stories live. Discover now