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Je me suis cogné à tous les échecs imaginables -et inimaginables- possibles. J'ai enchainé les kébabs, les bars et les bars à chicha même, les boîtes, sans même repenser à la dernière option. Notre endroit préféré avec Louis quand on était encore des gamins. Le club de surf de Lewis Frozer, situé au bout du ponton de la plage de Santa Monica. Voilà où j'allais trouver mon futur marié.

J'appuie sur l'accélérateur pour rejoindre le club au plus vite. Mais malheureusement, quand j'arrive à la hauteur du bâtiment, je trouve sur la bannière le nom de Lewis Frozer effacé, remplacé en grande partie par un "SHAKER DANCE NIGHTCLUB" écrit en majuscules rose fluo. Alors que, désespéré, j'appuie sur la pédale de marche arrière pour faire demi-tour, je repère le véhicule de Louis garé devant la rangée de palmiers. Je saute hors de la voiture, d'un bond. Je soupire de soulagement. Je suis au bon endroit, maintenant ma zone de recherche sera moins étendue et réduite à quelques mètres carrés.

Je ne vois pas, à ma grande surprise, de femme, à première vue. Des hommes fumant leurs cigarettes devant l'édifice, me jettent des regards affamés. Je presse le pas, et entre enfin. Et là, c'est l'horreur. Où diable sont garés tous ces gens qui se pressent joyeusement les uns contre les autres, suant et transpirant probablement contre leur voisin? Je suis dégouté. D'autant que la pièce doit bien avoir une capacité totale de deux ou trois mille personnes. Stupéfaction. Combien de temps vais-je encore devoir le chercher parmi tous ces hommes en chaleur?

Je me fraie tant bien que mal un chemin parmi les danseurs du soir, jusqu'à atteindre le bar. Le serveur porte un haut transparent à grosses mailles espacées qui laissent entrevoir son torse. Mais qu'est-ce que Louis fait dans un endroit pareil? L'homme me dévisage de la tête aux pieds. Je me rends compte que je suis mal accoutré, mon skinny est descendu bas et mal refermé, j'ai enfilé un débardeur, ce que je ne fais jamais d'habitude, et je n'ai même pas lacé mes Vans correctement. En plus, je suis décoiffé et j'ai une tête de zombie.

"Tu veux boire quelque chose?", me crie le barman par-dessus le bruit des cris et de la musique.

"Non, je cherche quelqu'un!"

Il soulève un sourcil d'incompréhension, et appuie son coude sur son comptoir, sa tête posée sur sa main.

"Tu cherches qui, exactement?"

"Sa voiture est là. Il est assez petit, il a les cheveux châtains, coupe style Justin Bieber, une mèche devant son œil droit, des yeux bleus, plutôt bien foutu."

"Je suis désolé, je ne l'ai pas vu là, bébé."

Je me mords la langue pour m'empêcher de l'envoyer sur les roses. Je rêve, ou plutôt je cauchemarde. Je soupire.

"Dis-moi, depuis combien de temps le club de surf a disparu au profit de cette boîte ?"

"En fait, il n'a pas vraiment disparu. Mais le patron du Shaker Dance a racheté le local principal quand monsieur Frozer est décédé. Il y a eu conflit d'intérêt entre ses deux fils, l'un voulait reprendre le club à mi-temps, l'autre voulait le vendre. Ils ont trouvé un compromis, en ne vendant que le bâtiment principal. Il existe toujours une annexe du club de Lewis derrière le bâtiment. Pourquoi?"

"Je pense qu'il est nettement plus probable que l'homme que je cherche soit là bas."

"Tu sais, la boîte est sympa aussi, hein", dit-il en se renfrognant un peu.

Je regrette de l'avoir vexé. Après tout, si je retrouve Louis derrière, ça sera grâce à lui.

"Je suis désolé, c'est juste que... je suis à cran et émotionnellement très instable. Je disais ça parce qu'il va se marier demain avec une femme."

"Oh." Il a l'air visiblement choqué. "C'est mauvais signe de s'enfuir la nuit d'avant son mariage, non?"

"Je ne sais pas trop quoi en penser. Je suis son meilleur ami, mais même moi j'ai du mal à le décrypter. Louis, c'est Louis."

"Et pourquoi tu es parti le chercher toi? "

"Parce que tout le monde compte sur moi pour le faire, alors que-"

"Que?", m'encourage le barman.

"Que je déteste sa petite amie et que je l'aime, lui, mais qu'il n'a jamais compris."

"Oh mon Dieu", articule-t-il avant de plaquer sa main sur sa bouche. "Oh mon Dieu", répète-t-il. "Tu dois le retrouver et le lui dire, saisis ta chance."

"Quelle chance?! Il se marie demain, ouh ouh !"

"Tu es ba-sique", fait-il de sa voix un peu nasale. "Hey, il s'est barré, d'après toi il cherche à être seul?"

"J'en sais rien!", je réponds en m'agaçant. "Non, peut être pas. Ça ne lui ressemble pas et en même temps, rien de tout ça ne lui ressemble."

"S'il est parti, c'était pour échapper à sa petite amie, uh?"

"Peut être, peu importe. À elle, leurs familles, les amis et surtout la boîte de striptease où ils voulaient l'emmener pour son enterrement de vie de garçon."

"Attends stop. Tu n'y étais pas, toi ?"

"Non. C'est long à expliquer mais je pensais qu'il irait et je ne voulais pas le voir là dedans."

"God, va le chercher, dépêche-toi. C'est l'homme de ta vie."

"Je sais, mais je ne suis pas l'homme de la sienne."

Je me lève dans la précipitation et m'éloigne vers la porte du fond qui donne sur l'annexe du fils Frozer.

"Au fait, je suis Gaylor. On invente rien", dit-il en riant.

"Harry. Merci beaucoup, Gaylor", j'ajoute, avant de sortir.

Et mon coeur se serre brusquement. La parcelle de plage n'est pas très étendue, délimitée à gauche par le ponton de bois, et à droite par des paravents instables plantés dans le sable. A gauche, une espèce de chapiteau doit abriter le matériel, les planches, et aussi le comptoir. L'eau est paisible et noire, l'air est plus frais ici que près de la route. Et puis je le vois.

Il est assis, face à l'océan. Ses mains entourent ses genoux, ramenant contre lui ses jambes. Le vent léger décoiffe ses cheveux, sa mèche est balayée devant ses yeux. Sans vouloir le brusquer, je m'approche de lui. Je remarque qu'étonnamment, il porte sa combinaison moulante de surf.

"Louis?"

Il se retourne vivement, je me recule. Je prends conscience que mes discussions avec Félicité, Jay et même Gaylor n'ont aucun sens. S'il est parti, c'était pour avoir la paix. Pas pour qu'on vienne le chercher.

Mais, encore plus étrange que la situation ne pouvait déjà l'être, je remarque des larmes perler au coin de ses yeux. Je ne supporte pas que Louis pleure. En général, je finis aussi par pleurer. Pourquoi pleure-t-il d'ailleurs ?

"Ha-Harry", chevrote-t-il faiblement. "Jamais je ne me serais douté que tu me trouverais ici."

"Mon Dieu, Louis, tu nous a tous fait peur! Ils se font tous un sang d'encre à Fursby Hall! Il faut rentrer."

"S'il te plaît", dit-il en refermant sa main sur la mienne pour m'empêcher de le faire se lever. "S'il te plaît. J'aimerais rester ici un peu, je suis bien." Il me sourit. "Tu ne trouves pas qu'on est bien?"

"Si, mais il faut rassurer les autres!"

"Harry, je t'en prie. Arrête de paniquer et profite du moment. Peu importe s'ils me cherchent, peu importe s'ils te cherchent, peu importe s'ils nous cherchent. Tu es juste là, avec un boum boum de fond, le bruit des vagues qui s'échouent à tes pieds, les cris des enfants à la fête foraine, et le vent."

"Et toi."

"Et moi."

Le Mariage De Mon Meilleur Ami [l.t&h.s]Where stories live. Discover now