Chapitre 2 : La journée de la révélation

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Driiiiing... Driiiiing...

Cela faisait un moment que mes oreilles s'étaient rendues compte que mon réveil avait entamé son doux chant matinal, mais mon cerveau, toujours dans les vapes, n'y prêtait pas attention.

Ce fut finalement ma sœur, déjà débout et fin prête, qui se chargea de me tirer des bras de Morphée, en me balançant un chausson sur la tête.

« Mary, fais pas ta feignasse, lève-toi ! Maman a dit qu'elle voulait qu'on prenne le temps de prendre le p'tit dèj' tous ensemble avant qu'on aille en cours ! »

Je restai quelque secondes silencieuses, le temps d'enregistrer toutes ces –nombreuses, pour quelqu'un qui émerge du sommeil- informations. Puis, marmonnai le « Mmh » le plus motivant que je me sentais capable de répondre, et éteignais mon réveil qui, comme à chaque nuit, restais sous mes oreillers.

Ma sœur n'en avait pas besoin. Bien avant l'aube, elle quittait déjà son lit. Puisqu'elle passait des heures à choisir une tenue adéquate, à se coiffer et à se maquiller, elle veillait à se lever le plus tôt possible pour ne pas arriver en retard. Si tous les établissements scolaires imposaient encore aujourd'hui un uniforme, la vie serait tellement plus simple, me disais-je toujours lorsque ma sœur stressait en se demandant quel style adopter. Mais le plus impressionnant était qu'Agathe était déjà pleine d'énergie chaque matin. Sitôt sur pied, elle se sentait capable de déplacer des montagnes. Elle était naturellement si éveillée qu'elle possédait un réveil mental. Ce n'était pas un petit objet braillard qui la contraignait à se bouger, seulement elle-même. Tandis que moi, même en conservant mon réveil le plus près de mon oreille, j'étais capable de m'ordonner d'oublier le son pour rester dormir encore une bonne demi-heure.

Agathe avait déjà quitté la pièce pour se rendre dans la cuisine. Je sortais ma tête de serpillère –celle que j'arborais à chaque réveil- de sous les oreillers, me levais pour me diriger d'un pas lent en direction de l'armoire. J'enfilais les premiers vêtements me tombant sous la main et posai sur ma tête mon inséparable bonnet gris.

Ne me sentant pas le courage de m'offrir un brin de toilette, jugeant cela trop long et trop mouillé, je comptais déjà rejoindre ma famille dans la cuisine. Je croisai alors mon père dans le couloir, qui possédait pour destination la même que la mienne. Tout comme moi, ses cheveux grisonnants n'étaient pas des plus soignés, mais puisque ses cheveux n'étaient pas aussi longs que les miens, cela n'avait guère d'importance. Je le voyais avec sa canne, avançant d'un pas hésitant, sa main non-occupée tâtant dans le vide. Ses yeux bleus qui ne regardaient nulle part n'affichèrent aucune expression, mais soudain je le vis sourire.

« -Bonjour, Mary ! J'ai reconnu ton pas.

-Bien le bonjour, capitaine Papa ! lui répondis-je. Bien dormi ? »

Il tendit la main vers moi. Je la pris et l'aidai à le guider jusqu'à la pièce où ma mère et ma sœur étaient logiquement en train de nous attendre. Mon père était aveugle depuis sa naissance. Il n'était pas du genre à se plaindre et tentait souvent de se débrouiller seul. Mais lorsque quelqu'un était en moyen de l'épauler, il appréciait beaucoup quand c'était moi, sans que je ne sache vraiment pourquoi. Je ressentais une grande affection pour mon père, toujours très gentil et m'accordant tout le temps beaucoup de confiance. Lui et moi avions une bonne complicité, faisant de lui mon meilleur ami. Même avec Bertrand, je ne m'amusais pas autant. Mon père n'aimait pas les gens qui ne le voyaient que comme un handicapé qu'il faut traiter avec une grande attention. C'était tout le contraire, il était plutôt du genre à aimer que l'on prenne son état avec humour, n'y voyant rien de véritablement grave. Pour moi, son infirmité m'apparaissait presque comme une qualité. Puisque mon paternel ne voyait rien depuis toujours, le principe de ressemblance lui était étranger. Et ainsi, moi et Agathe, ses deux enfants, lui apparaissions comme deux véritables entités bien distinctes.

Je suis ma jumelleWhere stories live. Discover now