Chapitre 3 : Une étrange invitation

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Une semaine s'était écoulée depuis mon affolante découverte. Je n'avais pas cherché à parler de son beau blond à ma sœur. Je n'avais d'ailleurs parlé de lui à personne, et me refusais à penser à lui. Je ne l'avais d'ailleurs pas croisé une seule fois, prenant dans mon lycée des itinéraires auxquels ma sœur était peu habituée. Je m'efforçais comme je pouvais de me faire une raison au sujet de leur couple, ce qui se traduisait pour moi par ne plus penser à eux. Après tout, cela n'importait sans doute pas vraiment qu'Agathe ne m'ait jamais parlé de lui. Toute personne avait ses secrets, ce n'est pas pour autant qu'elle n'était pas proche avec ceux qui n'en connaissaient pas l'existence. Quant au Roméo, je ne savais rien de lui. Je n'avais pas à me sentir envieuse de ma jumelle parce qu'elle sortait avec un garçon dont j'ignorais tout. D'autant plus que s'il était véritablement l'âme-sœur de ma sœur, il se donnait certainement un genre et cachait peut-être un esprit étroit, un langage limité, et peut-être des manies disgracieuses.

C'était une fin d'après-midi de vendredi tout ce qu'il y avait de plus tranquille. Bert et moi avions fini tôt. Je l'avais invité à jouer à First Fantasy VII, notre jeu vidéo préféré, avec moi pour la soirée. Nous étions donc depuis une heure concentrés sur nos manettes, des gâteaux Gras-Nola coincés entre les dents.

Soudain, la porte s'ouvrit. Ma sœur rentrait d'une longue journée de neuf heures de cours.

« -Je suis rentrééééée ! Mary, t'es là ? appela-t-elle du niveau de la porte.

-Heu chuis ha ! répondis-je, les dents retenant serré le biscuit, l'esprit concentré sur l'attaque que je lançais sur le monstre Béhémoche.

Ma sœur nous rejoignit de suite dans le salon.

-Ah, salut Bertrand, lança-t-elle à mon compagnon. Je savais pas que t'étais là.

-Si t'as quelque chose à dire, dépêche ! m'écriai-je, en lâchant mon gâteau qui partit s'émietter sur le sol. Ce monstre va me tuer !

-Tony organise une fête pour son anniversaire demain. Et... il a dit qu'il aimerait bien que tu viennes.

-Euh... de quoi ? bredouillai-je.

Trop déconcertée par cette nouvelle, je fus bien entendu tuée par le monstre.

-Mais... il ne me connaît pas, fis-je remarquer, en reportant ma pleine attention vers Agathe.

-Oui, c'est aussi ce que je me suis dit, répondit-elle. Mais tu sais... c'est son côté « trop sociable » qui fait qu'il considère que la sœur de sa copine est forcément une grande connaissance. Et puis il y a aussi son côté « trop gentil », il n'a pas envie de voir quelqu'un tout le temps tout seul...

-Tout le temps tout seul ? C'est ce qu'il t'a dit ? Parce que je suis tout le temps avec Bert. Il ne m'a vue qu'une fois, et sous prétexte que j'étais seule, il s'est dit...

-Non, non, il ne m'a pas dit ça. Mais je suppose que c'est ça qu'il s'est dit... marmonna-t-elle.

-Quoi, je fais quand même pas si pitié que ça ?

-Ben... Non, bien sûr, mais voilà...

Elle laissa sa phrase en suspend, la conversation semblait la gêner. Moi, je me sentais profondément vexée. Je n'étais jamais invitée par qui que ce soit, -à l'exception de Bertrand, qui m'invitait chez lui dès que sa chambre était en ordre, une fois par semestre- et pour une fois que cela m'arrivait, c'était par une personne qui ne m'invitait même pas par amitié mais par pitié parce que je n'avais qu'un ami et ne rentrais pas dans le moule.

Je lançais un regard à l'intention de Bertrand, m'attendant à ce qu'il paraisse vexé. Aux yeux du monde, qu'il soit mon unique ami, c'était comme si je n'en avais aucun, il ne représentait donc rien. Il y avait de quoi se sentir blessé. Mais Bert ne semblait pas si affecté, la conversation ne semblait pas l'atteindre plus que ça, bien qu'il prenait la peine de l'écouter.

-Mais de toute façon, ajouta soudainement Agathe, tu n'aimes pas les fêtes, non ? Tu m'avais dit que tu détestais danser.

C'était tout à fait vrai. D'ailleurs dire que je n'aimais pas danser était bien insuffisant pour décrire ma hantise des fêtes. Dans ces festivités, il y avait toujours trop de monde, trop de personnes à qui parler et qui vous parlent. Trop de personnes qui se la pétaient, qui se forçaient à boire et à fumer comme s'il n'y avait que de cette manière que l'on pouvait s'amuser, avec en plus des gens qui chantaient comme des casseroles enrouées.

-Est-ce que Bert pourrait venir ? finis-je par demander.

-Hein ? fit-elle, prise au dépourvu. Tu veux venir ?

-Si Bert est avec moi, peut-être que je supporterai la soirée.

Je me retournai en direction de l'intéressé.

-Ca te dit, ou pas ?

-Bah... pourquoi pas, après tout.

Je savais d'avance que c'était ce qu'il répondrait, Bertrand était tout sauf contrariant.

-Ben... je pense que Tony l'acceptera, dit Agathe. L'ami de la sœur de sa copine est son ami pour lui... Mais à vrai dire Mary, je te disais ça uniquement pour que Tony ne me reproche pas de ne pas te l'avoir dit. Je ne m'attendais pas à ce que tu acceptes.

-Et bien, j'accepte, voilà, rétorquai-je.

-Bon, et bien, d'accord... répondit ma sœur. Je le mettrai au courant. »

Et elle s'éloigna dans notre chambre, nous laissant à notre jeu. Bertrand et moi continuâmes notre partie, sans évoquer la soirée qui aurait lieu le lendemain. Malgré notre concentration sur le jeu et malgré moi, mes pensées ne furent pas retenues et se bloquèrent sur la fête et Tony. Je n'étais pas tout à fait certaine de comprendre pourquoi j'avais accepté cette fête, avais même pris la peine d'embarquer mon ami avec moi sans qu'il soit invité, dans le but de tenir. Je me fichais de ce qu'on pensait de moi, mais voir quelqu'un vouloir m'aider sans rien savoir de ma personne, m'agaçait profondément. J'allais prouver à ce petit blondinet qu'il s'était trompé sur mon compte et que ma situation n'était pas désespérée. 

Je suis ma jumelleTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon