Chapitre 8

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Tout me paraît différent à présent. J'enveloppe la pièce du regard.

La maison, carrée, est bâtie sur deux étages, à l'instar de toutes les autres. Lorsqu'on passe la porte on voit immédiatement toute la pièce principale à vivre, blanche et lumineuse. Au centre, un grand canapé immaculé, accompagné d'une table basse noire se trouve face à l'écran. Au fond, on distingue la cuisine, rouge et blanche, flambant neuve dirait-on. Dans l'entrée, où je me trouve, une plante est disposée à droite ainsi qu'un large meuble noir, tranchant avec le blanc de la pièce. Les escaliers pour accéder à l'étage se trouvent à gauche, juste à côté de moi. Ils sont également blanc, composés de marche noires. Je les grimpe quatre à quatre. Au sommet de ces escaliers, le second étage apparaît devant moi, carré lui aussi. Il se compose d'un long couloir donnant sur trois grandes chambres et une salle de bain immaculée.

Un couple, lorsqu'il s'installe, se voit offrir une maison de même taille que la nôtre, mais disposant de deux chambres, plus spacieuses que celles-ci. Après leur premier enfant, si la femme retombe enceinte, ils peuvent faire la demande pour un habitat possédant trois chambres. Avoir un troisième enfant étant interdit mais toléré, le modèle quatre chambres n'existe pas. Dès le quatrième enfant, les parents sont arrêtés et emprisonnés et les enfants disparaissent mystérieusement.

J'entre dans ma chambre, la plus éloignée de l'escalier. Elle contient un lit une place relativement large couvert de draps bordeaux, une table de chevet surmontée d'une lampe, une commode en bois clair, ainsi qu'un bureau blanc et sa chaise assortie. Mes couvertures sont en pagaille, et ma chambre est noyée sous des montagnes de livres. Officiellement, je n'en ai pas le droit. Il est interdit de garder des livres en sa possession, ils appartiennent tous à la bibliothèque municipale, et nous n'avons que deux semaines pour les lire, renouvelable une seule fois, et nous ne pouvons emprunter qu'un unique livre à la fois. Ces livres, je les ai dérobés. Enfin pas exactement.

En réalité, les livres usés sont régulièrement brûlés. L'une des amies de ma mère exerce le métier de bibliothécaire et connaissant ma passion des livres, elle a accepté d'en récupérer un ou deux à chaque fois pour moi. Si un membre de la police débarquait dans cette chambre, je serais arrêtée immédiatement pour non-respect de la loi portant sur les livres.

Je m'affale sur mon lit et me saisis d'un bouquin au sommet de l'une des piles. Roméo et Juliette, lu et relu, c'est un classique d'antan, avant les Années Noires, le temps où chacun choisissait qui épouser. Curieusement, ce livre n'est pas passé par la case « rayonnage » de la bibliothèque, il semble qu'il se trouvait dans les archives non-accessibles au public et qu'il s'est retrouvé au crématorium sans jamais avoir été lu. Je trouve ça dommage.

J'ouvre le livre et commence ma lecture. J'ai tourné seulement une dizaine de pages lorsque ma mère m'appelle en bas. Je descends tranquillement les marches.

- Tu as pensé à déclarer ta rentrée ?

Je marmonne que non et me dirige vers l'écran. Le boitier en dessous s'illumine lorsque je passe mon tatouage vert phosphorescent devant, et l'indication « NOMIDII ASTRYA 275863 : RENTREE. » apparaît.

- Quand est-ce que ça te rentrera dans le crâne ? Me sermonne ma mère, nous avons déjà eu trois visites de la police qui pensait que tu ne respectais pas le couvre-feu.

Je préfère l'ignorer et gagne la cuisine, espérant trouver quelque chose à grignoter. Ma sœur apparaît au sommet des marches et les descend de manière théâtrale.

- Alors, Illyen, hum ? Fait-elle en se rapprochant de moi.

- Oui, Illyen, confirmé-je, peu enthousiaste.

- En tout cas, il est beau et bien foutu, minaude Sanya.

- La ferme, dis-je.

Elle imite la tigresse en faisant une espèce de « Graou » et je lève les yeux au ciel.

- Tu te marieras quand ? Prochaine session ? Insiste-elle.

- Bon, tu as fini Sanya ? Je ne le connais même pas.

- A ta place, j'aurais très envie de le connaitre mieux. A moins que... Oh, mais attends voir, mais oui, c'est ça !

Elle pose ses deux coudes sur le plan de travail, le visage dans ses paumes et me regarde en battant des paupières :

- Tu aurais préféré apprendre à connaître Logan, c'est ça ?

Ma mère pousse un petit cri offensé, et moi un hurlement d'acharnée. Je me jette sur elle et lui colle ma main sur la joue.

The Choice of FreedomWhere stories live. Discover now