Mots de tous

Le dernier soir (texte)

Un soir, au printemps ou en été peut être, j'sais plus. J'savais qu'elle était mal, qu'elle était au bord du gouffre. Alors j'ai décidé d'l'emmener en boite. J'pensais que ça lui changerait les idées, qu'elle oublierait l'temps d'une soirée. Mais j'me suis plantée.

Il devait être, j'sais plus, une heure du matin. J'dansais avec un gars, pis j'l'avais perdu d'vue, elle avec sa crinière rousse qu'on pouvait pas manquer. Du coup j'me suis mise a la chercher. J'lai chercher, chercher, chercher. J'ai bousculé les gens, j'les ai questionné, pis j'l'ai trouvé.

Elle était là, assise contre la portes des chiottes. J'me souviens, ses joues étaient baignées d'larmes noircies par son mascara, et sa gorge ondulait tandis qu'l'acool coulait dans sa trachée. Déjà deux ou trois bouteilles jonchaient le sol, vidées de leur contenues. Y avait du sang un peu partout, et dans sa main libre elle tenait un p'tit couteau. On pouvait voir d'la fumée sortir d'ses veines ouvertes, d'la fumée qui s'évaporait en même temps qu's'évaporait sa vie et ses soucis.

J'me souviens d'l'avoir vu partir peu à peu dans la folie, la démence, c'était la débandade totale, incontrôlée, comme une dépression enivrante. Elle tombait peu a peu dans un putain d'coma étylique, comme une petite fille attendant sagement qu'sa mère la borde avant d'la faire partir dans les bras du sommeil et de la tranquilité à tout jamais.

J'l'ai secoué, j'ai crié à l'aide au fur et à mesure qu'sa putain d'vie s'échappait d'mes mains. J'ai compris à c'moment que j'pourrais plus jamais regarder ses parents dans les yeux sans m'dire que c'est à cause de moi qu'elle part, à cet instant. Parce que j'savais qu'elle était mal, très mal, trop mal, et que l'emmener ici ne s'rait que la précipiter dans l'trou sombre et infiniment vide qu'est la mort.

Parce qu'au final c'est ça, j'ai juste jeté ma meilleure amie dans la gueule du loup, alors que bordel, il lui restait pleins d'belles années a vivre et qu'ça aurait dû être juste une mauvaise passe.

  
écrit par almostboy