Espoir insidieux (texte)

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Je me noie dans l'immensité du ciel sombre, désireux de l'atteindre rien qu'en tendant la main vers lui. Le soupir nocturne du vent parvient jusqu'à moi, m'appelle, m'hypnotise. Il m'enveloppe et diminue ma température corporelle. Mais je ne frissonne pas. Je suis bien. Ce sentiment de plénitude suffit à me réchauffer le cœur.

Je succombe doucement à l'appelle du Rêve. Il murmure au creux de mon oreille que j'ai droit de songer un instant à cette chimère que je laisse la journée dans un coin oublié de ma tête, et qui pourtant persiste. Il me pousse une nouvelle fois à l'envisager, à me laisser tenter. Il insiste en disant qu'il n'y a pas de mal à espérer, à se laisser prendre dans les filets du bonheur convoité.

Pourtant, au moment où mon corps se penche au-dessus du ravin et admire la beauté qui s'y trouve plus bas, à deux doigts de faire le grand plongeon, je le retiens de toutes mes forces et le projette en arrière. Les larmes perlent au coin de mes yeux mais mon visage reste inexpressif tandis que je tourne le dos au Rêve qui crie mon nom. Les courbes célestes de l'Espoir, quant à elles, s'éteignent, emportant avec elles toutes les belles choses qui l'entouraient.

L'Espoir, c'est nocif. Au début, Il semble doux, accueillant, rassurant. Il t'invite à l'abandon de la Raison. Mais plus Il t'enlace, plus tu ressens le manque d'air. Il te sert tellement fort que tu en as le souffle coupé. Tu suffoques. Et avant que tu ne puisses le réaliser, Il t'a déjà empoigné la gorge et t'a fait basculé du mauvais côté.

L'Espoir, c'est tellement mortel que ça finit par te tuer si tu le consommes à trop haute dose. C'est pire que la drogue que tu t'enfiles dans tes veines en manque. C'est pire que la maladie qui terrasse ton cœur impuissant. C'est comme une danse endiablée à laquelle tu es obligé de céder, sans te rendre compte qu'à chaque pas que tu fais, tu t'enfonces un peu plus dans l'obscurité, jusqu'à trébucher et n'être plus capable de te relever.

L'Espoir, c'est destructeur. C'est à Lui que tu te rattaches quand tu te sens désarmé. C'est à Lui que tu offres ton dernier souffle, pensant qu'Il te maintiendra suffisamment longtemps la tête hors de l'eau pour que tu reprennes une autre inspiration. Sauf que ce que tu oublies à cet instant, c'est que c'est à cause de Lui que tu en es arrivé à te battre contre le torrent de larmes dans lequel tu te noies doucement. Il t'a trompé. C'est Lui qui t'a insufflé cette idée que le monde est certes, bien injuste, mais que demain il sera d'humeur plus généreuse à condition d'y croire. C'est à cause de Lui que tu as baissé ta garde, parce que trop perdu pour te méfier, tu t'es laissé séduire par une chose qui te donnait l'illusion d'être belle.

L'Espoir, c'est Lui qu'il faut tenir responsable de tes combats perdus d'avance, parce que c'est Lui que te laisse croire que tout ira bien, qu'il suffit d'attendre que le bonheur vienne frapper à ta porte, les bras chargés de présents qui rendront ton avenir plus beau.

Parce que c'est tellement plus facile d'espérer que les choses changent sans pour autant prendre le risque d'agir.

C'est cet Espoir qui me fait signe d'en bas, m'invitant à le rejoindre comme si nous étions des amis de longue date. Le Rêve, en parfaite entente avec Lui, acquiesce au dessus de sa tête et me tend la main. Mais cette fois-ci je ne cède pas et me tiens à bonne distance de leur influence. La lumière qui émane d'eux s'évanouit, pour ne laisser que la nuit noire englober tout mon être. Même les étoiles ont déserté.

Je m'assoies dans l'herbe fraîche, tout en ne quittant pas des yeux l'horizon imprenable. Le sentiment qui déchire mon cœur témoigne d'une promesse solennelle que je me jure de tenir. Celle de ne plus me laisser aveugler par un bonheur utopique hors d'atteinte. Celle de combattre sans relâche mes démons intérieurs et de me donner les moyens de réussir.

Le soleil levant est spectateur de ce nouvel élan de volonté. Il m'invite à me lever, à me tenir fièrement sur mes jambes et à profiter de la lumière qui émane de lui. Cette lumière véritable qui ne trompe pas. Il me montre la voie à suivre. C'est donc plein de courage que je m'avance en direction de ses rayons.

Je marche vers l'aube, l'aube de ma vie.


écrit par anonymous_shadow8

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