La mort a des dents pointues (texte)

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Satan gise là, dans sa boîte de verre où il a tout juste la place d'étendre son corps. Il me regarde de ses yeux noirs impassibles, faisant frémir sa langue fourchue telle une menace.
" Touches-moi et je te suce jusqu'au sang " semble dire le reptile.
J'ouvre lentement le clapet du grand aquarium dans un long grincement puis attrape Satan qui se recroqueville immédiatement sur lui-même afin de garder la tête à ma hauteur.
Satan est la Mort et la Mort garde toujours le menton haut, elle te regarde dans les yeux, un mince sourire à peine percevable; comme une hallucination, déformant son visage.
Bientôt, le python se retrouve enroulé autour de mon bras, la tête plongée entre mon index et mon majeur.
Lassé et ne trouvant pas son bonheur autour de mon poignet, le mâle rebrousse chemin et vient se loger sur mon épaule nue où il prend le temps de m'injecter son venin mortel; y laissant des marques rouges saignantes.
Puis il continu sa route et s'arrête dans mon cou où il perfore ma chair sans discontinuer.
Je ne fais aucun bruit et laisse Satan à son œuvre. Satan n'aime guère qu'on le dérange lorsqu'il travaille. La Mort est consciencieuse : elle prend soin de mon corps tout en la tuant à petit feu.
Le voilà justement qui monte, monte, monte le long de mon cou.
Il me chatouille tellement qu'un fou-rire s'éprend de moi, me faisant oublier les picotements et les brûlures partout sur ma peau.
Monsieur-le-perfectionniste continu ses morsures précises.
"J'ai hâte de voir le résultat mon beau" je chuchote.
Mécontent, l'artiste se stoppe net puis fait tressauter sa langue bifide hors de sa petite mâchoire pour me faire taire.
J'amène ma main à sa tête, la lui caressant pour lui présenter mes plus sincères excuses, ce après quoi, il reprend son boulot.
Tournoyant, Satan resserre son emprise autour de mon cou à tel point que j'ai l'horrible sensation de ravaler ma pomme d'Adam.
Rapidement, mon cou régresse et fais la taille d'un ridicule coton-tige.
Mes idées se font moins claires mais j'arrive à comprendre que cette fois, je vais y rester.
Qu'aujourd'hui je ne verrai pas le résultat, ce qu'il a fait de mon corps.
Je comprends que ça y ai, le nom de ce reptile prend enfin tout son sens.
Le python à beau former un garrot autour de mon cou, faisant le sang remonter jusque dans mon crâne, je souris de toutes mes dents.
Je ris même. À gorge déployée.
Puis je tousse, car ma gorge est désormais tranchée en deux.
C'est bon, j'y suis. J'y suis, dans le sombre couloir de la mort. Je sais à quoi ça ressemble.

C'est exquis.


écrit par juliettedlt

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