Le nain à la charette en bois (texte)

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Les grandes pièces se désertifient, désormais plongés dans l'obscurité, laissant le déplacement des aiguilles de l'horloge de la salle de vie imposer sa sèche sonore.

Le vent ouvre légèrement les rideaux derrière les fenêtres entrouvertes, créant des brèches triangulaires. Elle provoque sur un même élan, le vacillement des pièces de bois parallèles et incurvées de la chaise à bascule de Mamie Germaine, disposée en face de la cheminé éteinte. Des va-et-viens qui harcèlent le calme des lieux.

A l'extérieur, les ténèbres chantent la mélodie du silence et les danses tourbillonnantes du vent sifflent leurs passages symphoniques. La lune a atteint sa plénitude, sa terne lumière profitable aux oiseaux de nuit éveillés, échoués sur les branches écorchées des arbres aux feuillages touffus des jardins.

Tout ce dévouement de la nature pendant que les âmes humaines sommeillent pacifiquement sous de légères couettes chaudes. Mais le grincement de la petite grille extérieur, à défaut du vent, suffit à éveiller tout les sens de Juliette-Dodu enveloppée dans sa couverture tirée jusqu'au nez, son sommeil fragile hérité d'un oncle lointain.

Elle balaie l'étendue de la pièce par de rapides coups d'œil animés de crainte, appréhendant une présence surhumaine peut-être présente dans les recoins de la pièce froide. Mais heureusement, elle ne perçoit rien de ce genre, ni une silhouette spectrale qui agite des mains, ni l'onde de l'éclat d'un rire chthonien.

Seuls une commode de chambre, des cartons exagérés par de vieux jouets vilipendés, délaissés près de la penderie et l'autre lit à côté du sien, celui où Lola est étendue, inerte.

Pourtant, elle se sent fortement observée.

Un bruissement prégnant venant de derrière la fenêtre capture à nouveau tout les sens de Juliette-Dodu. L'auteur de ce bruissement semble se rapprocher progressivement. Juliette-Dodu décide alors de quitter son lit, s'avance sur la pointe des pieds vers la fenêtre et crée une légère fente entre les rideaux.

Plus le volume s'intensifie, plus l'ombre d'une carrure malsaine s'agrandit sur la bâtisse nue du bâtiment d'à côté. La petite blonde croit rater un battement de cœur, sûr d'être témoin d'une scène mystique.

Quand sortit enfin de la pénombre du bas de la rue, un garçon bossu qui doit faire la taille d'une tige de blé, tirant derrière lui une charette en bois qui contient des outils sales de jardinages. Il a l'aspect d'un nain, porte une salopette en jeans délavé tout sale, ouverte à la manche gauche sous un pull-over à rayures rouges, verts et blancs.

La fillette nourrit longtemps sa curiosité, contemplant le petit bonhomme trapu progresser dans son cheminement. Elle se pose des questions rhétoriques, se demande ce que pourrait bien boursicoter un garçon d'à peu près de son âge au milieu de cette nuit dangereuse.

Le garçon arrête brusquement sa charrette, geste qui étire inconsciemment le cou de Juliette-Dodu, la curiosité aiguisée. Son regard pivotant piège soudain le regard perplexe de la blondinette qui le dévisage toujours.

Juliette-Dodu recule d'un pas, secouée par la surprise et surtout horrifiée par la frimousse étonnamment terrifiante du jeune gars, les contours du visage serrés, sale comme un habitué des baine à ordures. La cicatrice recousue sur sa joue ne lui passe pas non plus inaperçu.

Sitôt, ses yeux noirs et profonds lui rappelle ceux croisés dés leur arrivée.

Il ne la quitte pas des yeux, faisant le pied de grue. Ses plis de figures cavés de fossettes graves sur lesquels même un indolent pourrait déceler une antipathie accrue en sifflant.

Le moment parait vouloir s'éterniser comme s'ils attendent la tombée des culs de chiens quand une lumière orangée jaillit dans l'angle de la chambre. Juliette-Dodu frémit lors, se retournant.

« Juliette, qu'est-ce que tu fais? »

Lola, sceptique, se tient debout flottant dans son pyjama en coton à moitié endormie, les crinière noir corbeau en bataille. Et le doigt encore sur la boite de l'interrupteur. Sans attendre une réponse quelconque, elle enchaine sur un ton serein:

« Repars dans ton lit et attend l'aube. »

Sa soeur cadette obéit et part de pas légers se replonger sur sa couchette, le regard du bonhomme nain en papier peint dans son esprit désorienté. Lola ré-appuie sur l'interrupteur et rejoins à son tour son lit.

Un instant plus tard, le bruit des roux de la charette de bois défit à nouveau la mutité de l'obscurité.


écrit par Horriblorus

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