L'aventure d'Herenui (version réécrite/en cours)

Chapitre 8: Marché

Au matin du huitième jour de voyage pour les démones, plusieurs mercenaires firent irruption dans la cale, réveillant les captives. Leur nombre important et les chaines qu'ils portaient indiquèrent à Herenui que son périple en mer touchait à sa fin.

Une à une, les démones et les hokories furent détachées des longues chaines les retenant dans la soute mais les fers à leurs chevilles et leurs poignets ne furent pas retirés et ils se virent même agrémentés d'une entrave supplémentaire reliant les deux premières, contraignant les captives à ne plus marcher que très lentement.

Herenui était en train d'attendre son tour lorsque Manava vint la voir:

-Ecoute, commença la vieille femme, il est fort probable que ça soit la dernière fois que nous nous parlions alors voici mes mots d'adieux: aujourd'hui va marquer le début d'une nouvelle vie pour toi, pour moi et toutes les autres captives, sûrement une vie cruelle. Mais toi... toi, tu es une battante, tu t'es déjà accrochée à la guilde, je sais que tu en es capable, je sais que tu as les ressources pour t'adapter. Attention cependant! Seule, tu ne pourras rien. Tu ne le comprends peut-être pas maintenant et ta vie à la guilde t'a sûrement appris à te méfier des autres, mais je pense qu"un jour tu réaliseras que j'avais raison. En attendant, souviens toi de ta promesse: protège la hokorie, elle n'en a pas l'air comme ça, mais je suis sûr qu'un jour elle te protègera aussi.

La jeune démone resta muette ne sachant quoi trop répondre. Manava avait bien cerné son passé et son état d'esprit mais Herenui n'aimait pas trop entendre dire à demi-mot qu'elle était faible et que même la petite hokorie pouvait la sauver. Pourtant, elle sentait que les paroles de son interlocutrice se voulaient encourageantes, un peu comme quand Hinevara, sa préceptrice, lui donnait des conseils. Était-ce son intention?

-Je n'ai pas oublié ma promesse, répondit Herenui.

-Bien, se contenta de conclure Manava, qui ne semblait pas attendre une réponse plus développée de la part de l'apprentie mercenaire.

Peu de temps après, les soldats arrivèrent à hauteur d'Herenui, Manava et Raurii et les préparèrent à sortir. En file indienne, les captives empruntèrent l'escalier et se retrouvèrent sur le pont.

Eblouie par la luminosité, Herenui mit quelques instants avant de pouvoir observer les alentours. Alors qu'elle pensait arriver dans une grande ville, pleine de vie et de bruits, elle s'aperçut que les bateaux avaient jeté l'ancre dans une baie quasiment inhabitée, où les embruns portés par le vent venaient fouetter son visage par intermittence. Instinctivement, Herenui respira à pleins poumons. Cela faisait une semaine qu'elle était enfermée dans cette cale et avoir enfin un peu d'air frais revigora son corps.

Une question la taraudait: pourquoi les faisaient-ils sortir ici? Elle n'était pas une experte en navigation mais il était fort probable que débarquer hors d'un port depuis un galion allait être compliqué. Surtout avec une mer qui commençait à s'agiter.

Les marins des différents navires mirent à l'eau plusieurs barques et y firent descendre quelques prisonniers à l'aide d'une nacelle. Une fois chargées, les barques prenaient la direction d'un petit village côtier où une certaine agitation semblait régner. Après une bonne demi-heure, les premières embarcations revinrent aux galions, accompagnées de nouveaux canots pour accélérer le processus.

Herenui allait monter à son tour lorsqu'une main ferme lui agrippa l'épaule et la tira subitement en arrière. Déséquilibrée et gênée par ses chaines, la démone tomba lourdement en arrière, lâchant un juron de surprise. Le contact rude avec le bois froid et dur la fit grimacer.

Autour d'elle, elle entendit plusieurs paumotous s'affoler et parler rapidement à voix basse, puis une voix masculine qu'elle ne comprit pas résonna près d'elle. Toujours allongée sur le dos, elle leva les yeux et vit le chef des mercenaires, debout juste à côté de sa tête. Leurs yeux se croisèrent un instant puis Herenui décida de se relever avant que l'eau froide sur les planches du pont n'imbiba trop sa tunique.