Sul'Een T1: Les Sanglots De L' Âme

37. Nouvelles forces

Je sors de la maison après avoir pris une douche bien méritée. Une odeur de barbecue s'est infiltrée par les fenêtres ouvertes. Tomaz nous a gentiment invité à passer la nuit chez lui. La soirée a été très agréable, et nous avons fini par lier une amitié avec lui. Surtout Nell, qui semble avoir dépassé ses préjugés. Nous avons fait la connaissance de Nathalia, la femme de notre hôte, qui nous a accueilli avec un grand sourire. 

Avant toute cette histoire, je voulais faire le tour du monde, rencontrer les autres cultures. Je voulais faire la connaissance de gens comme ça. 

J'aide à mettre la table sous l'ombre d'un saule. Le temps est agréable, moins chaud qu'auparavant. Une brise légère soulève mes cheveux et quelques feuilles de l'arbre viennent se poser sur la nappe. Une fois ma tâche terminée, je m'assois sur la balançoire en mauvais état, suspendue sur une branche du saule. 

Non loin de moi, Tomaz recouvre les flammes avec des saucisses et des morceaux de viande. La fumée s'échappe dans le ciel, tourbillonnant jusqu'à disparaître complètement. 

Je pense aux repas de famille que mes parents organisaient encore il y a quelques années. Même si souvent ces événements se concluaient par des disputes, ils étaient toujours très animés par les rires. Puis les conflits sont devenus trop violents, nous avons grandi, mes cousins et moi, et il n'y a plus eu de rassemblement de famille. Je me demande si ma famille biologique est aussi déchirée. Sont-ils seulement toujours en vie? J'aimerais tant leur poser des centaines de questions. Ont-ils, eux aussi, ces étranges larmes rouges et noires? 

Je caresse la carte téléphonique que j'ai piquée dans une station service. Je ne l'ai pas encore utilisée parce que j'ai vu ma mère il y a peu, mais elle me manque. Je ne sais pas si j'ai finalement bien fait d'oublier mon portable sur le canapé.

Finalement, tout le monde mange debout, son assiette à la main. Veenyr me tends la mienne, pleine à craquer de toute sorte de nourriture cuite à la fumée des braises.

- Je ne savais pas ce que tu voulais alors j'ai pris un peu de tout.

J'écarquille les yeux devant une telle quantité de viande.

- Vous avez vraiment des goûts bizarres, il continue en jouant avec une saucisse. 

J'éclate de rire en voyant la tête qu'il fait. Je ne sais pas si il voit à quel point ce qu'il fait est... Particulier. Ou c'est moi qui ai l'esprit mal placé ? Dans tous les cas, je me tords de rire, jusqu'à en pleurer quand il s'aperçoit et prend conscience de ce qu'il fait.

- Tu es vraiment sûre que ça se mange ? Il me fait un sourire gêné. 

Je soupire en levant les yeux au ciel. Je mords dans un morceau de poulet, une des rares viandes que j'apprécie. Je rejoins les autres en tenant la main de Veenyr, et m'installe à côté de la fille de Tomaz. Ses grands yeux intimidés nous détaillent avec attention. 

- Alors, qu'est-ce qui vous amène? Nous demande gentiment la femme de notre hôte. 

Un silence s'installe soudainement. Heureusement, Eniel sauve la mise en inventant une histoire de road trip entre amis. Je doute que ce soit crédible mais personne ne relève. Une certaine tension circule parmi nous mais nos hôtes ne semblent pas s'en apercevoir. 

Mes papilles se délectent du bon repas chaud. Manger comme ça deux fois de suite, c'est assez inouï ces derniers temps. Nell a bien choisi le restaurant hier soir. J'ingurgite une quantité astronomique de nourriture, si bien que j'ai peur que mon estomac ne soit trop rempli.
Je caresse l'herbe de mes pieds meurtris par des heures de marche. Hier j'ai dû percer une dizaine de cloques à cause de ces maudites chaussures. Je ne suis d'ailleurs pas la seule dans cette situation, puisque certains de nous n'étant pas habitués à se déplacer en arborant un tel objet de torture, ils ont beaucoup de mal à le supporter. Je commence à comprendre pourquoi maintenant.