Sul'Een T1: Les Sanglots De L' Âme

42. Repos

Quelques jours après avoir passé la frontière chinoise, le paysage change enfin, et la température augmente. En effet, le temps se fait plus doux, et nous nous approchons d'un climat plus tropical. Grâce aux talents de Nell, nous avons pu récupérer une nouvelle voiture, mais beaucoup moins adaptée aux routes chaotiques. La marque sur ma cuisse a noirci, comme on me l'a expliqué, si bien qu'elle ressemble à un tatouage.

Le passage d'un pays à l'autre a été beaucoup plus simple que je pensais, étant donné le statut politique de la Chine. Il faut dire que nous ne sommes pas passés de manière officielle, mais plutôt clandestine.

Voyons tout de même le côté positif ; nous arriverons bientôt. D'ailleurs, d'après les estimations d'Eniel, nous devrions passer au Laos dans la journée. Notre voyage touche à sa fin, et je suis à la fois impatiente et effrayée. Je n'ai aucune idée de ce qui va suivre, et il faut dire que les nombreuses questions que je me pose sur moi-même rendent la chose d'autant plus intense. Parce que, contrairement à ce que je pensais, il y a des probabilités que je ne sois pas une métamorphe normale. J'ai de plus en plus besoin de réponses, et j'espère que Navaelith sera en mesure de me les apporter. Malgré une certaine réflexion de la part de mes compagnons de voyage, aucune de mes interrogations n'a pris fin. Et ce nouveau dessin - qui me fais d'ailleurs toujours mal - sur ma peau n'y est pas pour rien.

Je ne suis peut-être pas la seule à appréhender, puisque d'après Eniel, il se passe quelque chose de totalement anormal sur Navaelith, et une guerre entre les deux mondes pourrait éclater dans un futur proche. C'est pour cela qu'il est venu chercher Feii, et que je me suis retrouvée embarquée dans cette histoire. De plus, personne n'est sûr de l'accueil que l'on nous réserve en Thaïlande. Ainsi, de mon côté comme du leur, une fois arrivés là-bas, plus rien ne sera jamais pareil. D'un autre point de vue, il y a longtemps que mon quotidien a été bouleversé de manière irréversible.

C'est pour cela que nous avons décidé de nous arrêter pour la soirée, afin de profiter de nos potentiels derniers instants de calme. Veenyr m'a demandé s'il pouvait retourner dans ma tête, pour essayer de trouver des explications, ce qui pourrait fonctionner s'il arrive à retrouver certains de mes souvenirs trop vieux pour que je puisse m'en rappeler. Je crois qu'il pense pouvoir remonter jusqu'à ma naissance, mais je dois dire que je reste sceptique. Je lui ai signifié que je n'aime pas tellement l'idée de voir quelqu'un s'incruster dans mon cerveau, mais si ça peut m'aider, je ne peux pas refuser, je n'ai rien à perdre.

Je coupe le moteur, et descends en étirant chaque muscle de mon corps. À force de rester assise, j'aurai pu finir par avoir des crampes. Plus loin s'étendent des étages de rizières inondées, où quelques personnes s'y affairent encore, malgré l'heure tardive. Une fois que tout le monde a mis pieds à terre, nous nous regroupons juste à deux mètres de la voiture familiale, et chacun s'assoit. La faim me tiraille depuis hier, et je suis encore sur mes maigres réserves. Je vide le contenu de mon sac, et une pomme, un morceau de brioche et du jus de fruit en tombent. Nous avons pris pour habitude de tout partager, et je suis bien contente de cette méthode, puisque la besace de Feii et celle de Marine contiennent beaucoup plus à manger que la mienne.

- Bon, il me reste une barre chocolatée, un sandwich, et... Ça, annonce Nell en agitant une boîte de nouilles instantanées.

Je sais bien que voler ce genre de chose peut paraître un peu ridicule, et pourtant, quand on n'a pas vraiment le choix, ça s'avère nutritif. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous en partageons un paquet, cru. Il nous reste donc, en plus de cela, trois pommes, un paquet de chips, et un sac en plastique rempli de litchis que nous avons récupéré dans un verger.

- C'est la dernière nuit que l'on passe tous ensemble, remarque Eniel. Demain, nous devrions arriver en Thaïlande, chez Heothan.

- Quoi, c'est lui à qui tu dois demander la clé ? S'étonne Veenyr.