49. Duel

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Je me vautre dans le canapé, la tête posée sur les genoux de Marine. Je me sens comme malade, fiévreuse. Même l'odeur délicieuse émanant de la cuisine me donne envie de vomir. Comme demain, quelqu'un s'en va de la maison, tout le monde s'est réuni pour lui faire une sorte de pot de départ, et leur discussion amplifient mon mal de crâne, malgré le fait qu'ils ne parlent pas fort. Je ne veux pas m'isoler dans une chambre, et de toute manière cela ne servirais à rien puisque je les entendrai quand même. J'ai envie de pleurer tellement je me sens pitoyable.
Quelqu'un allume la télé, et l'écran s'allume sur une chaîne d'information. La présentatrice, une jeune thaïlandaise élégamment habillée rassemble ses feuilles en fixant la caméra. Le sujet sur lequel elle parle à l'air extrêmement sérieux, mais je ne parviens pas à comprendre ce qu'elle raconte. Elle est coupée par une page de pub douteuse, ou les acteurs ont définitivement l'air ridicule. Si j'en avais la force, il y a longtemps que je me serai occupée différemment. S'en suit un documentaire sur la dynastie mongole, qui m'aurai peut-être intéressée il y a quelques mois, si j'avais pu comprendre le thaï.

Heothan fait irruption dans la pièce et s'immisce dans le groupe. Tout le monde s'écarte sur son passage, montrant bien que je ne suis pas la seule à le craindre.

- Ninah ?

Je sursaute lorsqu'il prononce mon nom. Il y a vraiment quelque chose qui me dérange chez lui, mais je n'arrive pas à trouver quoi. Peut-être que c'est tout simplement son apparence qui m'est peu familière. Mais dans ce cas-là je n'ai rien à dire. Du moins, pas depuis hier soir. C'est même moi qui dois faire peur, avec mon allure de cadavre ambulant.

- J'aimerais te parler.

Malgré tout, je lui fais face et me tient prête à entendre ce qu'il a à me dire.

- En privé, il ajoute.

Je me raidis, et en observant les autres, je ne suis pas la seule à penser que c'est une mauvaise idée de le suivre. Mais ai-je réellement le choix ? Ses yeux rouges m'indiquent que non.

- Ne lui dis rien qu'il n'a pas besoin de savoir, chuchote Eniel à mon oreille, alors que Heothan sort de la salle.

Je hoche la tête, et marche jusqu'au fond du couloir, où il me tient la porte. Par automatisme, je lâche un "merci" que j'aurais préféré garder pour moi. La pièce dans laquelle j'entre se trouve être un petit bureau avec trois chaises. De nombreuses babioles ornent les étagères fixées aux murs, et le bureau lui-même en est recouvert. Heothan les balaie sans pour autant les faire tomber, puis m'invite à m'assoir. Il fait de même et étale ses jambes sur le meuble.

- Quand je suis venu ici pour la première fois, je ne m'attendais pas à ça.

Il étend ses bras pour appuyer ses propos.

- On m'a dit tellement de mal sur les humains et leur planète, tu comprends. Mais toi, tu as grandi parmi eux. Je n'ai pas encore pris le temps de les observer. Comment sont-ils ?

Je reste impassible, mais cela cache mon incompréhension. M'a-t-il réellement demandé de le rejoindre pour parler de ça ?

- Je suppose qu'il y a du bon et du mauvais en eux comme en nous.

- Je les trouve superficiels. Je me demande comment une telle civilisation si peu respectueuse a pu autant se développer. Enfin bref. J'ai une requête pour toi.

Je tique au mot "respect". Il n'a pas l'air d'y connaître grand-chose. Je m'attendais à ce qu'il me demande quelque chose, et je me prépare au pire.

- Vois-tu, j'ai beaucoup réfléchi à ce que je veux en échange de la clef. J'ai trouvé.

Il se relève et se met à tourner en rond autour du bureau d'un pas assuré.

Sul'Een T1: Les Sanglots De L' ÂmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant