Chapitre 1

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Le vacarme incessant de la petite salle et la chaleur ainsi que les odeurs de sueur qui s'y émanait n'avaient pour effet que d'exaspérer encore et encore plus la jeune fille qui était évachée dans un coin. Les écouteurs dans les oreilles et le nez plongé dans un roman, elle n'en pouvait plus. Voilà au moins deux heures qu'elle était cloîtrée dans cet endroit, et elle ne comprenait toujours pas comment ces adultes faisaient pour parler de choses aussi futiles que la politique ou l'achat d'une quatrième voiture du cousin de l'ami de l'oncle Charles aussi longtemps. Elle enfonça encore plus profondément ses écouteurs dans ses oreilles et monta le volume au maximum, au risque d'être à moitié sourde à cinquante ans. Au moins, elle ne serait pas morte noyée dans l'ennui. La musique et la lecture étaient les seules choses qui la tenait encore debout, à ce moment-là. Pourquoi sa mère l'avaient-elle traînée jusque-là, déjà? Ah, oui. Il fallait qu'elle apprenne à "socialiser " et à engendrer des conversations "utiles et intelligentes" avec des personnes qu'elle ne connaissait que pour les avoir vues à quinze Noëls différents. Parlant d'humains, elle détestait leur compagnie. Les gens n'étaient pour elle que fardeau et perte de temps. Elle pensait cela non pas par égoïsme, mais plutôt par... antisocialisme. Ce n'était pas un mot, et elle le savait bien, mais comme elle le répétait souvent, les plus grands poètes inventaient des mots. Le lancement de la bibliothèque avait lieu dans cette petite salle qu'était la bibliothèque même. Les étagères étaient infinies, c'était à croire qu'il y en avait plus que le nombre de personnes. La pièce était petite, certes, et on avait à peine de la place pour se déplacer, tellement il y avait de choses. Entourée par les livres, qu'elle considérait maintenant comme des alliés, elle se sentait déjà mieux que si il n'en avait pas eu. Des tableaux étaient exposés, et les personnes défilaient devant ceux-ci, s'exclamant d'admiration et parfois de dédain.

La jeune fille fit rouler ses doigts entre ses longs cheveux noirs emmêlés et se leva brusquement. Elle se faufila entre les gens et fussilla de son regard mordoré une dame surmaquillée (encore une de ses inventions poétique) dans la cinquantaine qui l'avait volontairement poussée pour mieux voir un des tableaux exposés avant d'insulter son habillement. Oui, elle ne s'habillait pas particulièrement à la mode, mais ses jeans et ses Rangers suffisaient à son bonheur. Un chandail noir accompagné d'une tête de mort lui servait de haut, et elle l'adorait, alors que cette vieille perruche botoxée vienne critiquer son habillement la mit en colère. Lorsque la dame se retourna en laissant s'échapper un courant d'air de parfum cheap empestant encore plus que trois cent moufettes réunies, la jeune fille lui fit un parfait doigt d'honneur, choquant les personnes autour d'elle. Puis, elle continua son chemin, livre en main et se dirigea vers une porte où un écriteau interdisant le passage était posé. Elle regarda autour d'elle, et, sans hésiter, elle tourna la poignée qui n'était même pas verrouillée. Elle fit un pas à l'intérieur de la pièce sombre et étouffa un cri lorsqu'elle manqua de tomber de l'escalier derrière la porte. Ce n'était donc pas une pièce, mais un escalier. Génial. Elle referma la porte derrière elle et descendit doucement les marches en bois qui craquaient sous ses pieds. Il faisait déjà plus frais, et elle s'en réjouissait. En bas de l'escalier, une sorte de cave l'y attendait. Elle s'y aventura sans crainte. De toute façon, qu'avait-elle de mieux à faire? Elle n'avait aucune idée de où elle se trouvait, mais elle s'en fichait bien. Elle tâta les murs à la recherche d'un interrupteur, mais elle ne trouva que des toiles d'araignées. Elle s'y résigna donc et sorti un briquet de sa poche. Elle fit jaillir une mince flamme et regarda autour d'elle. Cela n'éclairait pas trop la salle, mais elle pût distinguer entre autre un vieux piano en bois poussiéreux. Elle s'avança vers celui-ci et joua quelques accords. Le son était très mauvais, mais elle, elle l'aimait. Il lui semblait qu'il avait comme du vécu, des choses à raconter, à chaque note qu'il jouait.

La cave ressemblait davantage à un débarras qu'à autre chose, des trucs que l'ancien propriétaire avait décidé d'entreposer ou d'abandonner là. Elle continua à explorer l'endroit. De vieux meubles antiques, des chandeliers, quelques fois des vieux bijoux sans valeurs encombraient la pièce. Elle s'empara de quelques bijoux qu'elle jugeait potables et continua son exploration. Dans un coin, sur un bureau où logeait apparemment une araignée, de vieux papiers étaient empilés. Elle les parcouru rapidement. Des factures, des factures, et encore d'autres factures, et... Et une lettre. Une lettre encore scellée. Elle la fourra dans son sac. Soudain, sa flamme s'éteigna et elle échappa son briquet sur le sol gelé. La température chuta et elle se mît à grelotter. La cave était rendue si sombre qu'elle n'y percevait que du noir, rien que du noir. Elle se pencha et tâta le plancher. Rien. Elle continua ainsi pendant plusieurs minutes et ne trouva toujours pas sa source de lumière. Elle fouilla même ses poches et son sac au cas où, mais toujours rien. Il ne pouvait tout de même pas s'être volatilisé! Ce serait cool, mais impossible. Elle grogna et tâta encore et encore, puis abandonna. Elle décida tout de même de continuer son exploration. Le noir ne l'effrayait pas, de toute façon. Sac à dos sur les épaules, elle marcha lentement. Ses yeux ne s'habituaient même pas àla noirceur. Après quelques minutes, elle sursauta en entendant un son grave venant du fond de la pièce. Le piano. Quelque chose était tombé dessus. Pourtant, elle se souvenait avoir baissé la plaque. Et puis, comment un courant d'air pouvait réussir à passer dans ce trou? Peut-être un rat ou une souri avait-il accroché quelque chose. Elle se rendit avec difficulté jusqu'à l'instrument et se pencha à la hauteur du sol. Elle passa sa main par terre et s'arrêta lorsqu'elle senti quelque chose. Elle le prit dans ses mains et se releva. Son briquet. C'était son briquet. Comment... Comment cela se faisait-il? Elle savait qu'elle était différente des autres, mais pas folle. Du moins, pas à ce point-là. Elle tenta de faire apparaître une flamme, mais rien n'apparut. Décidément, quelque chose d'étrange se produisait. Peut-être son cerveau lui jouait-il des tours... Oui, c'était sûrement ça. Elle fourra son briquet dans sa poche de veste et remonta les escaliers qui avaient étrangement cessés de craquer. Elle voulu tourner la poignée, mais celle-ci se bloqua. La jeune fille commençait décidément à regretter sa petite expédition. Elle tenta de la forcer un peu plus, mais rien ne changea. Elle entendait le monde à l'extérieur parler bruyamment. Elle frappa de toute ses forces sur la porte, sans succès. Elle se résigna à épuiser toutes ses forces, et s'assied en soupirant dans les escaliers. Sa mère allait-elle la chercher ici? Était-elle déjà partie? Après plusieurs minutes, elle eut une idée. Son téléphone! Quelle tarte, elle n'y avait même pas pensé! Elle fouilla dans sa poche et y trouva son cellulaire. Au moins, lui n'avait pas disparu. Elle l'ouvrit et composa le numéro de sa mère. Lorsque la première tonalité retentit, le silence se fit. Son téléphone s'était éteint. Pourtant, elle était sûre que la batterie était complètement rechargée, sûre et certaine, même! Frustrée, elle se leva brusquement et cogna encore sur la porte. Rien n'y faisait. Cela devait faire au moins une heure qu'elle était coincée là-dedans, et elle commençait à avoir faim. Elle poussa un juron et dévala les escaliers. Elle prit une petite commode qu'elle frappa de toute ses forces sur la porte. Toujours rien. Le meuble était très mal en point, mais la porte était restée intacte. Elle s'effondra, ses longs cheveux de cendre couvrant son visage presque paniqué.

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