Chapitre 1 - PDV Ellie Samuel -

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Chapitre 1

- Ellie Samuel -

Le parquet en chêne a craqué sous mes pas. Une ambiance sinistre, un silence de mort régnait dans l'appartement, ce genre de silence froid et pesant qui donnait envie de s'enfuir à toutes jambes. Ma valise roulait lentement derrière moi, comme retenue par un aimant invisible, ridicule de par sa taille et son contenu. Cet unique bagage résumait la totalité de ma vie, pas grand-chose en somme. Celle-ci ne contenait que des photos, deux ou trois bibelots attrapés à la va-vite avant la venue du notaire, et la moitié des vêtements de mon armoire, tous roulés en boule entre un ordinateur portable et un roman aux pages cornées, seul témoin de mes nombreuses relectures. Cette simple valise représentait ma mémoire, tous mes souvenirs, tout ce qui me restait...

J'ai poussé un petit soupir mélancolique à la vue du salon aux meubles recouverts de draps blancs. La poussière volait près des fenêtres dans un rayon de lumière illuminant la pièce tout entière. Une larme a coulé le long de ma joue, une perle translucide nourrissant la tristesse déjà grande de mon cœur. La même réalité me frappait depuis la fin brutale d'un chapitre de ma vie, plus rien n'allait être comme avant désormais et, cet appartement dans lequel j'ai vécu durant toute mon enfance m'était à présent étranger, il n'avait plus rien à voir avec le logement chaleureux et accueillant qu'il était autrefois. Ce n'était plus qu'un lieu vide et abandonné, perdu en plein Brooklyn où, au loin, résonnaient les klaxons des véhicules aux heures de pointe.

J'étais une orpheline.

C'était une notion difficile à assimiler, et pourtant... Mes parents, morts quelques semaines plus tôt dans un accident de voiture, étaient mon unique famille.

Nous étions mercredi... Ou peut-être que non, finalement, qu'est-ce que cela importait ? Ce n'était qu'une simple formalité... Ou alors... Peut-être jeudi, ou mardi, je ne savais plus. À mon plus grand désarroi, j'avais fini par perdre la notion du temps.

J'ai fermé la porte avant de descendre l'escalier en colimaçon et de rendre les clés au propriétaire qui patientait devant l'immeuble, accoudé à un réverbère, fumant négligemment sa cigarette.

– Mademoiselle Samuel, votre famille va beaucoup me manquer...

J'ai haussé un sourcil, pourtant, il ne tenait pas le même discours lorsqu'il venait réclamer le loyer à mes parents, le dimanche soir, au début de chaque mois. J'ai décidé de jouer la carte de l'hypocrisie :

– Vous aussi Monsieur Glimore, vous aussi...

Je suis montée dans une voiture à destination de l'aéroport. Dans une dizaine d'heures, tout au plus, je serai à Paris, une nouvelle vie devant moi. Je me suis retournée une dernière fois, avec un profond regret, j'ai tellement aimé mon existence ici, dans ce quartier aux habitations de briques rouges... Je n'ai jamais imaginé que je quitterais cette ville un jour... Du moins, certainement pas de cette manière.

Le testament de mes défunts parents m'obligeait à me rendre à la capitale française, en effet, il y était stipulé que, s'ils venaient à disparaître, la garde de leur fille unique – c'est-à-dire moi – reviendrait à Anthéa Foster, résidente d'un immeuble haussmannien du neuvième arrondissement.

Cette fameuse Anthéa était, paraît-il, ma grand-tante octogénaire. Mes parents en parlaient peu, mais ce qui avait été dit à son sujet restait très clair dans mon esprit, ma mère la fuyait comme la peste, elle la qualifiait de sorcière, de femme égoïste, sans morale... Petite, je me la représentais comme un monstre sans cœur, une femme acerbe, une tortionnaire... Cela n'avait pas de sens... J'ai inspiré un grand coup et je suis montée dans l'avion, une hôtesse m'a fixée d'un œil curieux, elle se demandait certainement ce que je faisais là, seule, sans rien... Avec pour unique bien, une valise démesurément grande pour son contenu. J'ai fermé les yeux pour ne plus la voir. Pendant le vol, je n'ai cessé de me demander pourquoi mes parents m'envoyaient chez elle. Si eux-mêmes la détestaient, c'était totalement incompréhensible de m'envoyer dans ses griffes...

Âme d'Argent : L'Orpheline Where stories live. Discover now