Chapitre 3

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Lauralee, nos rires, la route, l'accident. Tout me revint à l'esprit, dans les moindres détails. Je voulus parler, mais impossible. Je continuais d'entendre la conversation, et je perçus des sanglots. Cependant, je ne reconnaissais toujours pas les voix des personnes.
- Mais... sanglotait la voix de la femme. Est-ce qu'elle va se réveiller ?
Cette voix m'était extrêmement familière.
- Nous n'en savons rien pour l'instant. Elle respire, mais nous ne savons si elle est consciente. Elle a plusieurs fractures au niveau des jambes et nous attendons les résultats pour...
D'autres pas se rapprochèrent de la pièce.
- Bonjour, docteur, dirent-ils tous en choeur (je perçus une voix d'homme).
- Je vous présente le docteur Paigat, reprit la femme. C'est principalement lui qui s'est occupé de votre fille et il vient nous apporter les résultats de son analyse.
Mais alors, c'étaient mes parents qui se trouvaient dans la pièce !
- Bonjour, commença le docteur. Votre fille semble avoir de légères lésions au niveau du cerveau, mais elle est consciente. C'est-à-dire qu'elle nous entend à l'heure qu'il est, mais il y a des chances qu'elle ne se souvienne pas de tout...
- Va-t-elle se réveiller ?! Coupa mon père (je supposais...) la parole du médecin.
- J'allais y venir. Je suis plutôt mitigé par rapport à cela. Il y a beaucoup de chances qu'elle se réveille mais aussi beaucoup qu'elle retombe dans l'inconscience et...
- On a compris, dit ma mère sèchement.
Je commençais à reconnaître la voix de ma mère, mais celle de mon père ne me revenait pas encore.
- Voulez-vous qu'on vous laisse ? Demanda la femme inconnue.
- Oui, répondit mon père avec un léger soupçon de tristesse.
Rien ne se passa pendant quelques instants puis je sentis deux mains se poser sur moi. Une plutôt fine et l'autre plus ferme.
- Comment est-ce possible ? Dit ma mère, d'une voix très basse. Comment est-ce arrivé ?
- Notre pauvre enfant, continua mon père.
Je sentais que leurs mains tremblaient.
- Apparemment, tu nous entends, reprit ma mère. Sache, que l'on sera toujours là, que nous attendons ton réveil. J'ai... tellement peur si tu savais... Je... Je suis tellement désolée...
Ses larmes l'emportèrent et elle arrêta de parler.
- Il faut que tu saches que ce n'est en rien la faute de qui que ce soit, dit mon père d'une voix calme.
Après cela, il y eut un silence qui dura plusieurs minutes. Je ne savais quoi penser. Toutes les images me sont revenues, et je me demandais : pourquoi moi ? La voix de mon père brisa le silence :
- On devrait s'en aller. Elle est entre de bonnes mains.
- Tu as raison... continuait ma mère de sangloter.
Je sentis mes parents s'éloigner, et j'entendis la porte se refermer.

J'étais à vélo, et je m'amusais à faire des allers/retours dans la rue. Cela faisait quelques semaines que j'avais appris à faire du vélo sans roues, et depuis, je ne lâchais plus mon vélo. Ma mère jetait des coups d'œil de temps en temps par la fenêtre pour voir si tout allait bien. Je me souvenais qu'elle m'interdisait formellement de franchir certaines zones, du coup j'étais obligée de rester dans la rue, enfin principalement devant ma maison. À cette époque, j'avais 4 ou 5 ans. Je ne me souvenais plus exactement, mais ce dont je me souvenais, c'est la couleur de mon vélo. Il était rouge avec des paillettes. Je l'aimais beaucoup. Ce dont je me souvenais également, c'est lorsque j'ai percuté le poteau. J'avais renversé mon vélo, étais tombée à la renverse puis je m'étais évanouie. Ce jour-là, mes genoux s'étaient beaucoup écorchés, et ma mère a accouru vers moi pour tenter de me réveiller. Lorsque j'ai ouvert les yeux, ma mère a été soulagée et m'a vite fait rentrer à la maison pour nettoyer mes grosses plaies ensanglantées.

Je me réveillais doucement. Enfin, toujours une façon de parler, évidemment. Je voulus savoir l'heure et combien de temps j'avais dormi, mais il était difficile de savoir, lorsqu'on ne peut ni bouger, ni parler... Depuis l'accident, j'avais perdu toute notion du temps.
Tout était calme, quand j'entendis le bruit de la porte qui s'ouvrait. Je sentis de l'air frais arriver sur mon visage, et une chaise trainer par terre.
- Lou...
La voix ne fit qu'un tour dans ma tête : c'était Lauralee.
- Je sais que tu m'entends. Je veux que tu saches que ce n'est la faute de personne, que tu n'as pas mérité ça. Ça fait deux jours que tu es comme ça. Moi, je n'ai eu que quelques égratignures, je n'ai pas été percutée, je suis simplement tombée dans les pommes à cause de la peur. Tout s'est fait si rapidement, si brusquement...
Elle reprit son souffle.
- Écoute, je ne veux pas regretter nos fous rires, mais ce jour-là nous aurions être plus attentives. On devrait le prendre comme une leçon de vie. Enfin... si tu survies. Je sais je dis ça de façon cash, mais il faut voir la réalité. Mais je ne peux pas imaginer que tu partes, que tu m'abandonnes. Je ne veux pas, je ne le supporterai pas. Tu dois te battre. Tu es plus forte que ce putain de coma, tu es plus forte que tout.
Elle marqua un temps d'arrêt. Jusque là, je sentais que sa voix était posée et forte. Je l'entendis émettre un léger reniflement. Je crois qu'elle était en train de verser de petites larmes.
- J'ai... j'ai tellement besoin de toi si tu savais...

Wake upWhere stories live. Discover now