Chapitre 3

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Vingt-trois heures trente-huit.

La nuit était tombée depuis longtemps sur l'orphelinat, recouvrant les bâtiments d'un étouffant manteau sombre. L'écoulement incessant de la fontaine à l'effigie de Saint Thomas qui trônait au milieu de la cour berçait le sommeil des jeunes pensionnaires. Mis à part les stridulations plaintives des grillons, pas un bruit ne se faisait entendre. Seule une lumière vacillante et fugace éclairait par intermittences la fenêtre du dortoir des garçons. A l'abri sous sa couette comme un rempart au monde, Nathanaël s'essayait à faire apparaître de la lumière. Ne sachant pas comment s'y prendre puisqu'il n'avait pas demandé à Godric, il avait tout bêtement appliqué le conseil que ce dernier lui avait donné pour obtenir une force surhumaine.

Se concentrer sur l'apparition de lumière pour l'éclairer avait été un total échec. L'inspiration lui était venue quand il avait parcouru le dortoir d'un regard découragé. L'ampoule pendouillante du plafonnier lui avait soufflé la réponse : s'il concentrait sa magie en un seul point bien réel cela serait bien plus facile.

Il avait alors visualisé un orbe de lumière au creux de ses mains. Et si les premiers essais avaient été infructueux, le cinquième avait été une véritable réussite allant même jusqu'à l'aveugler tant la lumière était puissante. Il tentait désormais de varier les intensités et à la vue de son orbe tressautant et faiblard, cela n'était pas un succès. Il était simplement parvenu à donner un ton tamisé à sa lumière mais il était incapable de jouer avec les nuances.

Souriant malgré sa défaite, Nathanaël visualisa l'orbe disparaître et une fois dans le noir, il se coucha et s'endormit presque aussitôt.

**

Les serres de l'animal agrippèrent doucement la branche couverte de sève, le pin ploya sous la force du vent. L'animal déploya ses ailes et laissa l'air passer entre ses plumes, lui procurant un intense sentiment de bien-être. Il redressa la tête et balaya du regard sa zone de chasse. La falaise où il se tenait surplombait une vaste forêt de pins bleus dont les branchages ondoyaient sous la force des bourrasques incessantes du vent. La forêt s'étendait à perte de vue, semblable à une mer du nord déchaînée. A l'horizon, il percevait les formes floues qu'étaient les nuages glacés. Il poussa un cri strident puis s'élança dans le vide. La sensation était grisante. Il dansait avec le vent, il plongeait dans un tourbillon de douce volupté. En cet instant il était le roi du ciel, le roi du monde. Ses yeux fauves balayaient l'étendue bleue, il tourna, piqua et remonta en chandelle à la vitesse du son, il était libre, il était sauvage. L'oiseau de chasse continua son manège durant de longues minutes, profitant de cet instant de bonheur.

Puis, brusquement, le prédateur se stoppa et se mit à planer rapidement en direction de la forêt. Traversant les feuillages touffus comme s'ils n'existaient pas, l'animal se posant brutalement sur une épaisse branche de pin, son regard vif scrutant la scène qui se déroulait dans la clairière en contrebas.

Au beau milieu de l'étendue d'herbe verte, près d'un petit étang dont l'eau était étrangement translucide et bleue, un jeune homme aux longs cheveux blonds était assis, les épaules secouées de soubresauts. Il portait entre ses bras une jeune femme tout aussi blonde que lui qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau à la différence que la jeune femme était d'une pâleur inquiétante et qu'elle peinait visiblement à respirer. L'homme souleva un instant sa main de l'abdomen de sa compagne mais l'y remis presque aussitôt en appliquant une pression à la vue du sang qui s'en dégageait.

-Tu vas t'en sortir, lui murmura t-il doucement, les lèvres collées à son front. Tu vivras.

Nathanaël s'éveilla en sursaut, couvert de sueur. Il mit un certain temps à dissocier son curieux rêve de la réalité. Il balaya du regard le dortoir des garçons de l'orphelinat et sourit brièvement en voyant que Edgar, un jeune pensionnaire, avait renversé toutes ses couvertures sur le sol et que le bas de son pyjama laissait entrevoir la raie de ses fesses. Encore chamboulé de sa vision, il se découvrit de ses draps et, le plus discrètement possible afin de ne réveiller personne, il sortit de son lit pour se diriger dans la salle de douches.

Nathanaël WylltWhere stories live. Discover now