La suite 2/3

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— C'est vrai que je ne roule pas sur l'or comme vous, mais sachez néanmoins que cela n'a jamais été un complexe pour moi. J'ai appris à travailler dur tous les jours pour atteindre mes objectifs. Aujourd'hui, je ne suis pas ultra-riche, mais je ne manque de rien. Je suis avec votre frère parce qu'il me plaît tant que j'ai l'impression que mon cœur bat vraiment pour la première fois. Quand je suis avec lui, je me sens heureuse. C'est de sa personne que je suis attirée, et non pas de son rang ou sa fortune.

— Foutaise ! explosa Yakup. Je ne suis pas né de la dernière pluie et je suis sûr et certain que c'est surtout son compte bancaire bien approvisionné qui vous excite autant !

Il était difficile à Osman de réprimer plus longtemps sa colère. Il se dirigea comme un animal blessé jusqu'à son frère et lui flanqua brutalement un coup de poing au visage. Yakup, la tête renversée en arrière, essaya de se ressaisir en frottant de sa main droite sa lèvre inférieure, qui était très gonflée.

— Parle-lui poliment ! Merde ! le menaça Osman.

— Quel vieil idiot romantique tu fais ! ricana Yakup avec un rire amer. Tu lèves la main sur ton frère pour cette garce. Mais bon, je te montrerai dans quel pétrin tu t'es mis en sortant avec elle. Vous allez regretter tous les deux. Mais vous, ajouta-t-il en s'adressant à Nadine, je vous ferai payer infiniment cher de vouloir prendre dans vos filets un Yuksel !

Il sortit en claquant la porte derrière lui. Osman s'effondra sur sa chaise, dénoua sa cravate et prit sa tête entre ses deux mains. Nadine, de son côté, ne savait pas quoi dire, ni quoi faire. Elle resta figée devant son bureau, la main posée sur la bouche.

— Je ne l'ai jamais frappé auparavant !

— Je suis vraiment désolée. Si je savais qu'il réagirait ainsi à notre relation...

  Il ne la laissa pas terminer sa phrase.

— Et alors ? questionna-t-il avec angoisse.

— Je ne veux pas que vous vous disputiez avec votre frère à cause de moi...

— N'importe quoi ! Je ne vous quitterai pas pour satisfaire les caprices de Yakup. Vous êtes à moi qu'il le veuille ou non. Venez, dit-il.

Elle obéit et marcha docilement jusqu'à lui. Il la saisit de ses bras puissants et la déposa soigneusement sur ses genoux, comme si elle était une poupée en porcelaine !

— Nadine, chuchota-t-il en enfouissant son visage dans le cou de la jeune femme. Je vous veux vraiment, truc de folie...

— En fait, Osman, je veux parler de mon père. Je suis inquiète à cause de son état dépressif. Je le connais mieux que quiconque,  il tient beaucoup à son travail dont il a un besoin presque vital. Est-il possible qu'il récupère son poste ?

Osman la relâcha, poussa un petit soupir et se mit à la regarder au fond des yeux. Voyant son hésitation, elle comprit qu'il lui dirait des choses horribles.

— Non !

Sa réponse concise confirma ses pires craintes.

— Pourquoi ?

— Je l'ai appris hier soir après que nous nous sommes quittés. Quand j'ai essayé de convaincre Yakup de pardonner à votre père, il a refusé catégoriquement. Mon frère l'a licencié pour ses tentatives d'espionnage au profit d'une entreprise rivale. Il s'est acquis illicitement des informations confidentielles sur les éléments de conception de nos nouvelles marques de cartes électroniques qui ne sont pas encore disposées sur le marché pour les vendre à nos concurrents.

Nadine lâcha un cri d'horreur en se levant brusquement. Cette nouvelle information inattendue l'acheva.

— Quoi ? hurla-t-elle avec véhémence. C'est une connerie ?

— Hélas, c'est la vérité. Je ne sais pas pourquoi Yakup vous a caché la raison de son licenciement ! Mais, il ne punit pas votre père gratuitement...

— Mais je ne comprends pas, répondit Nadine, s'efforçant de ne pas fondre en larmes. Pourquoi mon père aurait-il fait une chose pareille ? C'est insensé, il s'est toujours contenté de peu. L'argent pour l'argent ne l'intéresse pas. Il aurait sinon réclamé l'héritage de ma mère après sa mort !

— Eh bien visiblement, ce n'est plus le cas. Il a récemment bloqué une somme de cinquante mille euros dans son compte bancaire. C'est exactement le prix des informations confidentielles qu'il possédait.

Nadine faillit s'évanouir en entendant le montant, et s'absorba un instant dans ses réflexions maussades.

— Yakup l'a privé de la possibilité de travailler dans une autre entreprise.

— Je sais. En général, l'espionnage industriel est un délit qui est sanctionné pénalement par la cour de cassation et Yakup a des preuves compromettantes contre votre père. S'il voulait le poursuivre en justice, il serait condamné à des années de prison. Mais pour des raisons que j'ignore, il n'a établi avec lui qu'une sanction disciplinaire : le licenciement et cette fameuse condition qui lui interdit de rejoindre une autre entreprise.

— Je n'en crois pas un seul mot. Mon père est un homme à principes ! Impossible qu'il ait commis ce crime ! S'il avait des soucis d'argent, il m'en aurait parlé en premier. Il y a quelque chose qui cloche dans cette histoire !

Osman avait semé la confusion dans sa tête, la faisant basculer dans un gouffre sans fond. Que s'était-il passé au juste avec son père ? Elle essaya de se remémorer un détail qui pourrait l'aider à comprendre, mais en vain.

— Je vais regagner mon bureau, à présent, reprit-elle.

— Vous pouvez rester si vous voulez. Le travail peut attendre, lâcha-t-il, son air sérieux cédant peu à peu la place à une expression de tendresse sur son beau visage. Ce n'est pas de votre faute si les choses prennent ce mauvais tournant. Ne vous en voulez pas !

Nadine lui sourit gentiment mais refusa de rester. Elle sortit presque en courant. Par malheur, elle rencontra de nouveau la même secrétaire. Mais, cette fois-ci, celle-ci s'effaça sans faire le moindre commentaire. Arrivée devant son bureau, elle trouva la porte entrouverte et fit une pause sur le seuil. Son regard tomba aussitôt sur le dos de Yakup. Il observait le paysage époustouflant à travers la grande fenêtre aux persiennes roses en vinyle. Son pouls s'emballa. À en juger par l'expression de son visage qui se reflétait sur la vitre : il était toujours furieux. Son regard était sombre. Sa bouche charnue formait une ligne mince maintenant...

Dès qu'il sentit sa présence, il se retourna, la dévisageant comme un prédateur en embuscade.

Une sorte d'adrénaline monta en elle. Cet homme était capable de la faire trembler de peur avec un simple regard.

Elle savait qu'elle ne pourrait plus retarder le moment fatidique. Yakup mettrait sa menace à exécution.

— Que faites-vous dans mon bureau ? s'enquit-elle d'une voix étranglée.

— Je vous attendais pour mettre les points sur les i Mlle Perrin.

𝐔𝐧𝐭𝐢𝐥 𝐇𝐞𝐥𝐥 ¹ :  sʜᴀᴍᴇʟᴇss !Where stories live. Discover now