La suite 2/5

5.2K 414 51
                                    

Elle inspira profondément. Cette fichue lettre la chagrinait et elle avait beau chercher une option pour sortir de cette impasse, elle n'en trouvait rien. Que devait-elle faire ? D'un côté, il y avait l'homme avec qui elle mourait d'envie de vivre une grande histoire d'amour. Et de l'autre côté, il y avait son père, l'homme qui l'avait submergée de son affection et de sa tendresse. Celui-ci ne méritait pas d'aller en prison. Elle ne tolérerait jamais une fin pareille à son père. Son bonheur passerait toujours avant le sien. Elle s'était toujours sacrifiée pour sauver sa famille. Ça ne serait pas une première, de toute façon. Ayant du mal à dominer sa colère, elle renversa par mégarde son jus de fruit sur la table et dut sortir un mouchoir pour réparer les dégâts, en jurant. Yakup faisait exprès de lui imposer cette condition terrible, c'était le diable en personne. Il connaissait déjà son choix, et se réjouissait d'avance de sa triomphe. Il réussirait sans peine à salir son image devant son frère. Le cochon jaloux...

Mais la question qui se posait maintenant était de savoir s'il la désirait vraiment ! Car, si c'était le cas, elle s'en servirait peut-être pour le blesser profondément. Elle ne pourrait se permettre de se sortir perdante de ce marché sordide, se dit-elle en froissant la lettre avant de la rejeter dans son sac à main. Oui, elle se vengerait de lui... Un brin d'espoir déferla en elle à cette pensée, lui remontant un peu le moral. Son cerveau était submergé d'idées vindicatives lorsqu'elle héla un taxi avant de s'engouffrer dedans. Il voulait s'amuser avec elle, soit. Un jour, il comprendrait qu'il avait commis une grande erreur en voulant piétiner ses beaux sentiments pour Osman. « Vous regretterez votre méchanceté Yakup Yuksel. Je vous rendrai très malheureux », se convainquit-elle.

Quelques minutes plus tard, elle était chez elle. Elle habitait dans une petite maison, dans un modeste quartier. Le revêtement des murs était en marbre blanc et juste devant l'entrée, il y avait une étendue de gazon sur un petit jardin vert, là où elle avait placé une table et trois chaises pour humer de temps en temps l'air frais. Sur les deux côtés, elle avait planté quelques arbustes dont la hauteur touchait presque la terrasse. La façade de la maison laissait deviner le décor intérieur à travers trois fenêtres avec des persiennes grises ouvertes à longueur de journée. Certes, sa maison était modeste, mais elle s'y sentait bien. Elle l'enjolivait souvent avec des bocaux à bougies qu'elle mettait soit devant l'entrée, soit sur la table du jardin. Une habitude héréditaire, car c'était sa mère qui lui avait transmis cette tradition. Elle enleva ses chaussures, massa ses pieds et libéra ensuite ses cheveux, les laissant ruisseler sur ses épaules...

Vers 15 heures, après avoir déjeuné, elle put enfin reprendre la mauvaise lettre entre ses doigts. Elle saisit ensuite son portable, appuya sur la commande de l'enregistrement avant de composer le numéro du téléphone mentionné sur le papier. Comme la lettre n'était pas rédigée à la main, cette communication téléphonique serait l'unique moyen pour prouver son innocence plus tard devant Osman !

L'espace d'une seconde, une voix qui lui était maintenant familière se fit entendre.

— Alors, avez-vous réfléchi à ma proposition ? s'exclama-t-il d'un ton sarcastique.

— Oui.

— J'avoue que je suis surpris par votre rapidité.

— J'ai cependant quelques conditions...

— Lesquelles ? fit-il. Je savais que vous seriez raisonnable...

— Je suis attirée par votre frère, et je sais que vous êtes jaloux de lui, à en crever. C'est pour ça que vous cherchez à me salir !

— Je m'en fous de ce que vous pensez. Dites-moi plutôt vos conditions ?

— Primo, vous allez vous excuser auprès de mon père en le laissant reprendre ses activités au sein de l'entreprise. Secundo, vous allez garder notre relation secrète. Tertio...

Elle se tut un moment incapable de formuler sa phrase.

— Tertio, Mlle Perrin ?

— Comme je ne souhaite pas être liée à vous, je tiens à préserver ma virginité.

— Que m'offrez-vous Mlle Perrin ?

— Tout dépendra de ce que vous attendez de moi Mr Yuksel.

— Voulez-vous vraiment savoir ?

— Bien sûr, j'aimerais savoir jusqu'où votre saloperie pourra nous mener !

— Jusqu'à chaque millimètre carré de votre corps sublime. Je prendrai tout !

— Quel salaud ! explosa-t-elle avec dédain. Je maudis le jour où il faudra me donner à vous.

— Vous ne direz plus cela quand vous aurez goûté à mes caresses. Vous en demanderez en me suppliant !

— Ça suffit ! ordonna-t-elle. Votre vulgarité me dégoûte. Chaque minute que je passerai avec vous, ça sera un enfer pour moi ou un devoir pour rendre mon père heureux. Mais n'attendez jamais à ce que je sois consentante entre vos bras. Je vous hais, cela ne changera pas.

— J'accepte quelques-unes de vos conditions. Le reste est à discuter...

La sonnette retentit, elle ouvrit la porte et porta aussitôt sa main à sa bouche en le voyant nonchalamment adossé contre l'arête de l'embrasure, le portable plaqué à l'oreille. Il avait ôté la veste de son costume et sa chemise était d'une blancheur immaculée qui rehaussait son teint hâlé.

Il ébaucha un sourire narquois en pénétrant sans invitation dans sa maison.

— C'est quand on s'y attend le moins que les belles choses se produisent. Donnez-moi votre petit portable Mlle Perrin !

— Vous êtes fou. Pas question que je vous le donne.

— Si, puisque vous n'imaginez quand-même pas que je vais vous laisser enregistrer notre communication.

Nadine se tut et cacha l'appareil derrière son dos. Visiblement, elle avait sous-estimé l'intelligence de cet homme, qui dardait sur elle un regard sévère.

— Mais, je n'ai rien enregistré, mentit-elle, effrayée. Pourquoi n'avez-vous pas songé à venir me parler face à face ?

— Pour vous tester. Donnez-moi ce portable Nadine !

Elle courut à grande vitesse en direction de la salle de bain et tenta de fermer la porte à clé, quand elle vit le pied de Yakup venir l'intercaler. Quelle poisse ! Il fut plus rapide et se pencha en appuyant de tout son poids sur la porte. Nadine résista de toutes ses forces pour l'empêcher de l'ouvrir. Mais, dans un combat proprement physique, Yakup eut le dernier mot.

Incapable de soutenir son regard pénétrant, elle se mit à pleurer en criant :

— Comment pouvez-vous convoiter une femme qui vous hait ?

— Je n'ai absolument rien à foutre de votre amour. Votre corps est largement suffisant pour assouvir mes désirs.

Il arracha le portable de ses mains tremblantes avant de démarrer la communication enregistrée. Puis, sans prendre la peine de la consulter, il se mit à l'écraser sous ses souliers avec une grimace ennuyée. Il sortit ensuite de sa poche un Galaxy S8, le déposa soigneusement sur une chaise en plastique. En un clin d'œil, il ouvrit le robinet, laissa l'eau couler sous son regard perdu et la poussa sans délicatesse vers le lavabo.

— Si vous me refaites ce jeu, je vous jure que ça sera vous que j'écraserai ! le menaça-t-elle tranquillement. Maintenant, lavez-vous le visage !

— Non, je ne veux pas. Fichez-moi la paix !

— Si vous aimez pleurer, ne le faites pas en ma présence.

𝐔𝐧𝐭𝐢𝐥 𝐇𝐞𝐥𝐥 ¹ :  sʜᴀᴍᴇʟᴇss !Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang