Chapitre 2 - Notre belle demeure

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Aya déposa un plateau de boissons et de beignets sur la table. Melanie salivait déjà à l'idée de se remplir le ventre ; le ventilateur posé dans un coin de la pièce ne suffisait pas à chasser la chaleur meurtrière qui lui donnait qu'une envie : s'étendre par terre en mode étoile de mer et ne rien faire.

La journée ne se passa pas comme tel, cependant, puisque Neal insista pour qu'ils relisent le journal encore et encore afin de découvrir quelque chose nouveau. Mais cela n'avait mené à rien – comme si mille relectures allaient faire apparaitre de nouveaux mots qui leur expliqueraient la situation, avait fait remarquer Melanie. Mais Neal ne se contentait pas de relire les mots.

Il lisait entre les lignes.

Ou du moins essayait-il. Le journal l'intriguait grandement et en bon fan de romans policiers, il ne put s'empêcher d'y voir là une occasion rêvée de jouer au détective. Pour une fois, il avait la possibilité de se glisser dans la peau d'un enquêteur au lieu d'impuissamment suivre l'affaire derrière son écran de télévision. Et puis, cela animait efficacement les journées mornes qu'il passait jusque là.

Neal déposa le journal grand ouvert sur la table.

— Alors, quelles sont vos théories ?

Melanie attrapa avec enthousiasme son verre de boisson glacée. Un peu de fraicheur n'était pas de refus.

— Ma théorie est que tu commences à devenir obsédé, cousin.

— Ce n'est pas une théorie mais une évidence, se moqua à son tour Aya en tendant un verre à Neal.

Neal leva les yeux au ciel. Il n'était pas obsédé, juste très intéressé. Mais il ne chercha même pas à se défendre ; depuis qu'il eut ses lunettes, on le prenait pour un savant fou à chaque fois qu'un sujet retenait son attention.

— Bon, je commence puisque vous n'avez pas l'air très motivées.

Neal pointa le journal du doigt.

— Je pense qu'il y a un détail sur lequel on peut être d'accord, dit-il, c'est que l'auteur du journal – « Lys » – s'adresse à une personne particulière.

— Yup.

— De toute évidence il s'agit d'une personne qu'il affectionnait beaucoup. Une idée ?

— Il peut s'agir de n'importe qui, fit remarquer Aya. Un amoureux ou une amoureuse, peut-être ?

Melanie leva la main, demandant halte.

— Je pencherais plutôt pour quelqu'un de la famille. Regardez la mention « notre toit » et « notre belle demeure ».

— On ignore l'âge de l'auteur, pointa Neal. Il pourrait être en train de s'adresser à une femme ou un mari.

— Pas faux, concéda Melanie.

Une mèche à la pointe bleue s'échappa de son chignon improvisé lorsqu'elle se pencha pour prendre un beignet. Neal se rappelait très bien du tapage que ça avait provoqué à la maison le jour où Melanie était rentrée avec la moitié inférieure de ses cheveux noirs teinte en bleu. Il en avait tellement rit, mais depuis il était forcé d'avouer que cela lui allait bien.

Aya, le menton reposant dans ses paumes, prit la parole.

— Je pense qu'en lisant, la base de l'histoire se met en place toute seule. Lys s'est retrouvé au milieu d'une mauvaise situation et il... elle ?

— Mettons que Lys est de sexe masculin.

— D'accord. Donc il s'est produit un truc qui a fait passer Lys pour coupable – peut-être est-ce au sens figuré, ou peut-être est-ce lui qui se croit coupable et pense que tout le monde l'accuse, on ne sait pas. Mais il est innocent et il est le seul à détenir la vérité. Comme la personne à qui il adresse le journal compte énormément pour lui, il tient à lui raconter cette vérité. Mais il n'ose pas, de peur de ne pas être cru.

Theory of a Dead ManWhere stories live. Discover now