Chapitre 7 - Bulle solitaire

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VOUS AVEZ OSÉ LIRE LES NOUVELLES PAGES SANS MOI ?

Neal et Aya se couvraient les oreilles, grimace collée au visage.

— Tu étais partie... tenta Aya.

— Et alors ?!

— Tu nous as enfermé là-dedans, se défendit Neal.

— Ce. N'est. Pas. Une. Raisond'osermedéfierdelasortejeunehomme !

— OK, OK JE RELIS.

Aya masqua son amusement alors que Neal ramassait les pages sous l'œil tyrannique de Melanie. Avec un soupir de résignation, il entama sa lecture depuis le début une seconde fois. Les réactions de Melanie ne furent que répétition de celles qu'avaient eues Neal et Aya : déglutition nerveuse à répétition et yeux larmoyant de compassion. Eventuellement, la voix de Neal rencontra le silence.

— Voilà ce que t'as raté.

— T'as lu tout ça alors que j'étais même pas là !

— Je continue, dit Neal en faisant les gros yeux à Melanie. Alors, on est toujours le jeudi 23 mai 1940...

Tu sais quoi ? Je crois que mon problème est que j'attends toujours des autres un comportement semblable à celui dont j'use.

Je m'attends à ce qu'ils soient ouverts. Je m'attends à ce qu'ils parlent du fin fond d'un cœur pur. Je m'attends à ce qu'ils me témoignent autant de gentillesse que je leur en offre. Je m'attends à ce qu'ils soient aussi honnêtes que je le suis. Je m'attends à ce qu'ils me respectent, juste comme je les estime.

J'attends des autres qu'ils me traitent de la manière dont je les traite : comme un humain.

Mais non. Les autres ne sont, hélas, plus bons. Ouvre-toi à eux et ils mettront un masque. Parle-leur avec décence et ils répondront avec saleté et cruauté. Montre-leur de la gentillesse et ils t'utiliseront. Sois honnête avec eux et ils te rempliront de mensonges. Témoigne-leur du respect et ils te traiteront comme un moins que rien.

Cela semble être un combat vain, mais je suis tiraillé entre deux perspectives : traiter les autres comme je voudrais être traité, ou les traiter comme eux me traitent. Un combat qui ne devrait même pas avoir lieu. La bonté n'est-elle pas censée être spontanée ? La gentillesse une évidence ? L'humanité est-elle devenue un crime ?

Je ne connais pas le protocole pour me faire des amis, cela semblait se faire si naturellement entre les autres ! J'ai fini par penser que c'était à moi de changer les choses. Qu'il fallait arrêter de me cacher. Mais comme je l'ai décrit jusque là, mon monde et le leur étaient incompatibles. Eux étaient joyeux, insouciants. Moi, j'ignorais la définition de ces deux mots. Ils ont dû tout avoir. N'en ont-ils pas eu assez ? Pourquoi, en plus, vouloir mon âme ?

Toutefois, je n'ai nulle envie de les détester.

Car éprouver un tel sentiment à leur égard prouverait que je me soucie de leur personne. Or, je n'en ai cure. Ils m'accordent peut-être assez d'importance pour me persécuter, mais je ne leur en accorde pas assez pour réagir. Alors je reste là, figé, comme une bulle à la fois fragile et indestructible. Une bulle solitaire, insensible à leurs mots mortels et leurs jeux cruels.

J'aurais aimé qu'il en soit de même vis-à-vis de mon frère.

J'aurais aimé être immunisé contre lui, comme je l'étais avec les autres. J'aurais aimé qu'il devienne étranger, un inconnu pour lequel je ne m'arrêterais pas si je le croisais en chemin. Quelqu'un qui n'aurait aucun lien avec moi, avec lequel je n'aurais aucun lien. Quelqu'un qui ne pourrait pas m'atteindre, qui ne pourrait pas me toucher. Alors je ne sentirais rien, rien qui ne fasse mal. Oui, alors je serais immunisé.

Theory of a Dead ManWhere stories live. Discover now