Chapitre 10

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Comme l'avion est un endroit propre, et il doit le rester, on doit tous prendre une "douche" avant le décollage. Les salles de bains sont équipées de lasers spéciaux, permettant l'extermination de toutes les saletés en moins de dix secondes. Je n'ai vu ces appareils que sur les affiches faisant la promotion des appartements pour Bourgeois. Je contemplais toujours ces affiches, avidement, en rêvant de ce qu'aurait pu être ma vie si j'étais née dans un autre lieu, un autre temps...

En une minute, Adrien, Berkeley J. et moi-même, sommes ressortis, aussi propre que la dame qui se tient devant nous. J'observe attentivement le petit enfant qui nous accompagne. Je découvre que sous l'épaisse couche de crasse, se cachait un garçon, identique au profil des Bourgeois. Blond, au yeux de saphir rayonnant et a la peau aussi lisse que des capsules de survie. Adrien, lui est éclatant qu'un sous neuf. Il aura beau briller comme une étoile, dans mon coeur, il restera une nuit noire et dangereuse.

L'hôtesse de l'air nous prie de bien vouloir monter a bord de l'avion. Notre petit protégé ( à qui je devrais changer le prénom...) sautille jusqu'à notre rangée. On le laisse s'assoir près de la fenêtre, même si la vue n'est plus des très exquises.

Les sièges autours de nous sont vides, et la chansonnette de Berkeley Junior crée une ambiance un peu plus récréative. Ce que je n'ai pas remarqué, c'est que la mignonne comptine que chante l'enfant c'est le chant des révolutionnaires français !

- Ami, vois-tu le sang noir sur nos campagnes !
On crève de faim et le peuple va au bagne
Rien n'est plus grave que ce qui va suivre,
Alexandre LeGrand ne va rien laisser vivre.

Il est sur le point de reprendre la chansonnette quand je le fais taire d'une légère tape sur l'épaule. L'hôtesse de l'air nous jette un regard méfiant puis retourne à ses occupations.

- Petit, ne parles plus, la dame en bleu va nous sortir sinon. OK ? Soufflai-je au petit.

- Oui Ma-moiselle Diana.

- Comment tu t'appelles ?

- Thomas, Ma-moiselle Diana !

- OK Thomas. Maintenant . . . Je crois que j'ai un livre dans mon sac. . .

Je fouille dans mon sac a dos. Je me souviens avoir trouvé quelques livres dans l'armoire d'Adrien, lorsqu'il m'avait demandé de faire mes bagages. J'ai pris ce qui me passait sous la main. Je fouille longuement dans mon sac et finis par trouver du Jules Vernes.

Les romans de Jules Vernes sont tellement rares que mon coeur lâche. C'est l'auteur le plus impressionnant que je n'ai jamais connu. Il réussissait a prédire des événements plusieurs siècles à l'avance comme : Le tour du monde, le sous-marin, le voyage sur notre satellite . . .

Ce personnage nous serait fortement utile. Nous sommes en temps de pressions. Les Misques sont à bout, fatigués, à cours de ressources essentielles, nous tombons tous un à un comme des dominos. Et la chute ne s'arrête pas, jamais. Si ce n'est pas la faim qui nous tue, c'est la maladie, ou bien encore nos puces. La reproduction est interdite, le travail est une chance rare, la maladie est présente à  chaque coin de rue et la Mort est comme un réconfort, quelqu'un auquel tu te blotties pour ne plus entendre les pleures, les cris et le tir des pistolets dans la poitrine des hommes . . .

Ce qui rentre en jeu depuis une dizaine d'années, c'est la loi du plus fort. Des gangs se forment et ceux qui n'en font pas parti se font exécuter ou abuser par L'Etat.

Nous avons besoins, d'une chose : de l'Espoir. De cette espoir ne reste qu'une feuille desséchée et craquelée. Sans lui, nous sommes perdus. J'ai besoin de quelqu'un, n'importe qui, qui me dise que notre misère n'est pas immortelle, et que bientôt, un miracle viendra nous sauver. J'ai besoin qu'une voix, un regard franc emplit d'une certitude indiscutable, nous dise :
« Vous allez devenir des gens libres »
Est-ce trop demander ? Suis-je trop égoiste ? Est-ce mal de vouloir un bout de pain le matin, de vouloir une famille, un enfant, un mari convenable pour pouvoir dîner autour d'un souper aux milles saveurs ? De vouloir que mon enfant vive dans la paix et l'égalité, entouré de sa famille, ses amis ou d'autres camarades ? De vouloir une maison modeste mais spacieuse, des vêtements neufs et doux qui sentent la lavande ?

Pourquoi une population devrait être objet à la vermine, la famine, la maladie, la peur, la contrainte ? Pourquoi toujours être obligé d'éviter la Mort ou la Liberté ? Les guerres civils éclatent partout dans le monde, les I.M.( Informations Mondiale ) sont là pour nous le rappeler. Les centaines d'écrans géants qui se promènent dans l'air nous balancent leur propagande habituelle. Ils nous balancent un discours démoralisateur, nous faisant sentir inutiles et qui surtout, appuie notre misère.

La population a beau diminuer, Alexandre LeGrand ne s'occupe pas plus de nous. Il nous laisse mourir, utilisant nos restes pour planter ses patates BIO...

Je reviens donc à ce livre si rare maintenant, qui a traversé les siècles, les mains et les maisons. Je l'ouvre, et le referme aussitôt. Non, je me le réserve pour un moment plus confortable. Je cherche de nouveau dans ce sac et en sors très vite un recueil de conte. Le Chaperon Rouge, Blanche-Neige, La Petite Fille au Allumettes, Boucle d'Or et les Trois Ours, tout y est !

Ravie, je l'ouvre et commence ma lecture à mon petit compagnon :

- Il était une fois...

Puis je m'arrête. J'étais sur le point de lui lire « Le Petit Chaperon Rouge» quand une idée, un peu folle me traverse l'esprit. Avec tout les romans, nouvelles, biographie que j'avais lu, je n'ai encore jamais essayé d'écrire ma propre histoire. Je recommence donc, peu sûr de moi :

- Il était une fois, une jeune fille au cheveux noir et aux yeux bleus...

- Comme toi ! S'empresse de me faire remarqué Thomas.

- Belle remarque ! Je réponds en secouant mes cheveux récemment lavés. Je reprends : Elle vivait paisiblement avec ses parents dans ce que l'on appellait encore : l'air des Commerçants. La société fonctionnait sur des principes simples : on travaillait dans des usines pour gagner de l'argent. Avec cet argent on achetait des choses pour que d'autres gens puissent gagner de l'argent pour qu'ils puissent acheter des choses a leur tour.

- Et ça marchait ?

- Ça a bien duré trente ans ! Des points négatifs, il y en avait. Énormément. Le plus gros, celui que l'on retient le plus souvent, c'est la pollution. Regarde, je lui demande en lui montrant la fenêtre, regarde comment l'air est noir et épais. Vois-tu une plante, sens tu une douce brise ou la délicieuse odeur du chocolat chaud chatouiller ton nez ?

Il secoue vivement la tête.

-- Moi non plus Thomas. Après un court silence, je reprends mon récit, un jour, un des civils, voyant l'impact fort sur l'environnement de toutes ces usines, va voir lui même les gens pour les convaincre de ne plus rien acheter.

- Il réussit ?

- Oui. C'était quelque chose d'incroyable, de miraculeux. Il y a eut une dizaine de grève et deux révolutions mondiale. C'était la première fois depuis le début de l'humanité qu'un homme réussis a convaincre des milliards de personnes, a se révolter contre un gouvernement trop envahissant. Mais ce nouveau dirigeant sera t-il a la hauteur de l'Espoir des gens ?

Sans l'Ombre d'un Battement d'AilesWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu