Chapitre 33

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L'herbe me chatouille les pieds. De l'autre côté de la Bulle, je n'aurai jamais pensé à me balader pieds nus. On y trouve souvent des bouts de je-ne-sais-quoi par terre et marcher sans chaussures épaisses serait inconcevable. Comme marcher sur des bouts de verres enflammés. 

On joue avec Thomas à se courir après entre les arbres couverts de fruits. Un moment, une pomme me tombe sur la tête. Thomas se moque de moi, et après m'avoir tiré la langue recommence à courir. Ses petites jambes n'ont aucun mal à faire voler ce petit en costumeim. Je n'ai pas à me plaindre, ma vitesse est assez élevée pour le rattraper et le soulever pour l'attaquer ensuite de chatouille. Son rire   fait fondre mon cœur. C'est fou à quel point, cet enfant est une joie.

Thomas me glisse soudain des mains et recommence à courir. Il passe sous les jambes d'un homme, mais l'adrénaline donnée par Thomas ne me fait pas ralentir, mais cogner le grand homme. Je tombe violemment au sol et lui n'a pas bougé d'un cheveu. Sa casquette kaki ne le laisse pas entrevoir son regard sombre. 

- Excusez-moi Monsieur, je ne vous avais pas vu... Fis-je encore un peu étourdie.

Il me tend la main et m'aide à me relever. 

- Alors Gamine ? Je te fais tant d'effet que ça ? 

Je sursaute de surprise. C'est Adrien devant moi dans ce beau costume militaire kaki. Je prends maintenant le temps de l'admirer. Ses épaulettes lui donnent un air important, carré et sévère. Ce qui casse un peu cette image, ce sont ses cheveux poivre et sel indomptables et ce sourire tellement inattendu et inhabituel, mais qui lui va si bien. 

- Adrien ! Je m'exclame joyeuse. Hum... Que fais-tu dans ce costume ?

- Oh... j'avais un entretien. Rien de remarquable.

Je ne l'interroge pas plus dessus. C'est son sourire maintenant qui m'intrigue. L'ai-je même déjà vu faire une moue pareille ? Je suis presque hypnotisé par lui. Mais ce sourire a un je-ne-sais-quoi...

Thomas arrive en courant vers Adrien, ses cheveux blonds se balançant au vent. Ses petites boucles s'agitent comme les oreilles d'un chien en course. 

- Chevalier !, s'écrit-il en sautant dans ses bras. 

- Petit Mioche, s'exclame sur le même ton Adrien, aussi rieur que Thomas. 

Il le fit tournoyer pour le poser enfin au sol. Thomas zigzague entre les arbres à cause du tournis, avant de tomber devant Tante Rosalilde. Celle-ci pose sa tasse, se lève et s'approche de nous les bras ouverts après avoir relevé Thomas sur ses deux pieds. 

《- Mon cher neveu ! L'accueille t-elle. Quelle joie, quel bonheur de te voir !

- De même ! Répond Adrien en lui rendant son sourire. Qu'es-ce que vous faites dehors ? Je croyais que vous aviez horreur des mouches qui tombaient dans votre thé et des guêpes qui venaient mourir dans votre pot de miel...

- Oh, pas si fort, veux-tu ? Tu travailles trop mon bon Adrien, il faudrait que tu penses un peu au reste !

- Au reste ? C'est-à-dire ? Réplique t-il, méfiant. 

Rosalilde me fixe intensément. Presque si ses yeux ne sortaient pas de leur orbite. Je mis un petit moment à interpréter son regard. Je m'éloigne après l'approbation d'Adrien. 

- Vas-y Gamine, j'arrive. 》

PDV Adrien : 

Je regarde Diana s'éloigner en jouant avec ses cheveux. Thomas accourus près d'elle et ils recommencent à courir comme deux agneaux. Je me tourne ensuite vers ma tante et son petit sourire innocent. Le mien a complètement disparu. Je sais déjà ce qu'elle va me demander. Je croise les bras et la regarde sévèrement :

《- Tante Rosalilde, je n'épouserai pas Clara Lavoisier. 

C'est au tour de son sourire de disparaître. 

- Pourquoi Adrien !? Celle-là est parfaite ! Meilleure fille sur cette terre, tu n'en trouveras jamais. Elle se garde pour toi depuis ta naissance ! Elle est à genoux devant toi et elle est assez riche pour nourrir toute la Bulle pendant plus de cinquante ans ! Le rouge qu'elle me commande ne témoigne pas d'une médiocre origine Misque.

- JAMAIS JE N'ÉPOUSERAI CETTE NYMPHO ! Écoutez bien ces mots et ne me répétez plus cette chose infecte que vous me rabâchez depuis au moins vingt ans !

- Surveille tes mots, jeune homme... me gronde Tante Rosalilde les traits marqués. Je te laisserai méditer sur tes propres mots et tu te rendras compte de leurs absurdités. 

- Je ne parle jamais pour ne rien dire ma tante ou pour dire des "obscénités" sans raison. Je suis prêt à beaucoup de choses pour vous, mais épouser une femme que je hais n'en fait pas partie. 》

Rosalilde a le teint livide et le visage décomposée. J'ai dû la surprendre un peu, moi qui essaye vraiment d'être le petit-fils parfait envers elle. Sa main tremble comme une feuille. Je lui prends et chuchote :

《- Tante Rosalilde, ne vous inquiétez pas de mon futur et de mes conquêtes. Je me débrouillerai, pour le moment, je dois servir notre chef. Lorsque mes chaînes seront rompues, on en reparlera.》

Ma tante perd une larme puis me serre dans ses bras. Je l'embrasse à mon tour. Elle ne pense pas à mal, je le sais. Pour elle, je devrai me marier avec une Bourgeoise pour purifier le sang de mes descendants, sali par mon père. Je ne pense pas qu'Alexandre LeGrand accepte notre mariage de toute façon. Je risquerai de contaminer mes enfants de mes cheveux charbon. Et je suis bien trop occupé avec mon travail et Alexandre n'est pas prêt à me lâcher.

Ma tante m'invite à m'asseoir à la table de pique-nique comme lorsque j'étais petit. Sur la table, il y avait toute sorte de chose. Tout ce qui aurait pu me faire saliver il y a six ans.Gaufres, jus de fruits, gâteaux, thé, chocolats... Ma tante cherche vraiment à me convaincre de rester ici et le marier avec l'autre tarée. C'est pathétique. 

Je ne sais pas ce qu'ils ont, tous ces vieux à vouloir me marier sans me demander ! N'ai-je pas le droit de choisir celle qui partagera ma vie, et même de rester seul ? La solitude n'est un frein en rien. Au contraire, depuis ma rencontre avec Diana, rien n'est plus comme je l'avais prévu. Je m'inquiète, je souffre, je me sens comme... Foutu Sentiment ! Foutue Destinée ! 

Je regarde la table un peu dépité. Je trouve rien d'autre à faire que me jeter sur les gaufres.

Sans l'Ombre d'un Battement d'AilesWhere stories live. Discover now