Chapitre 10

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Je le laisse me frapper encore et encore. C'est pour lui le moyen d'extérioriser sa douleur. Ses coups me permettent de ressentir quelque chose dans le mélange d'émotions qui me tourmentent. Je n'ai même pas envie de riposter, je n'en ai pas la force.

— Vas-y ! Frappe-moi ! De toute façon, je vais mourir. Toi aussi. On na plus rien à perdre. Nous sommes les seuls qu'il reste. Et tu sais pourquoi ?! crie-t-il.

— Non... Je ne sais pas, dis-je tandis que je masse mes membres endoloris.

— Je vais te dire pourquoi. On est les deux plus coriaces. On aurait déjà dû mourir tout comme les autres. Calum, Mollie, Thomas, Jessica, Yuta, Yasmine et Mike. On a juste retardé notre mort pour qu'on puisse finir le spectacle. Tout ceci n'est pas arrivé par hasard.

Je le regarde en déglutissant. L'entendre prononcer le nom des victimes me donne des frissons.

— Frappe-moi ! Qu'on en finisse ! hurle-t-il alors que du sang commence à couler de son nez.

— Je ne veux pas te faire de mal, dis-je simplement.

Je ne sais pas quoi faire. Dois-je continuer la partie ou simplement abandonner sachant que je serai sans doute la prochaine ?

— A quoi ça sert alors ? Tu préfères attendre de savoir lequel de nous va y passer ? Ou tu préfères te battre pour leur montrer que nous ne sommes pas des pions dans leurs Jeux stupides.

— Tu crois que...

— Je vais te dire ce que je crois, Elwing. Je crois que tout ça, ça ne sert à rien. On est tous condamnés. Vivre ça ne sert à rien, dit-il en s'essuyant le nez. La vie n'est qu'à sens unique, il n'y a aucun but. Et si certains trouvent un sens à leur vie, c'est un sens giratoire. Tout le monde tourne en rond. On ne fait que répéter les erreurs du passé sans en apprendre la leçon.

Je vois des larmes couler le long de ses joues laissant une trace rougeâtre sur ses pommettes. Je me rends compte qu'il pleure du sang et j'ai envie de fermer les yeux pour ne plus assister à aucune mort.

— Je n'ai même pas la force de te frapper. Je vais mourir, je le sais. Et personne ne fait rien. Ils nous regardent comme si on était des bêtes de foire. Ils nous laissent nous porter volontaires parce que nous sommes aveuglés par notre ambition ou par nos valeurs parfaites, mais tous ces Jeux ce n'est qu'une magnifique blague. Tu le sais très bien tout comme moi. Les Jeux, les planètes, le Cercle, tout ça nous échappe parce que nous ne sommes que des bons à rien dans un système totalitaire où l'objectif est d'écraser les mouches comme nous.

Il s'avance en rampant vers moi. Il saigne du nez, des yeux et des oreilles. Ses yeux regardent partout et rien à la fois. Il a perdu la raison. Je recule à mesure qu'il avance. Terrorisée par son état anormal. Le désespoir le rend fou.

— Mais toi, tu as une chance de t'en sortir. Je ne sais pas qui t'a protégé ou si tu es juste la personne la plus chanceuse de Dell, mais si tu survis, participe aux jeux et montre-leur que jamais nous ne nous laisserons faire.

Il m'agrippe la cheville de sa main pleine de sang. Je recule, mais lentraîne dans mes pas.

— S'il te plaît, donne un sens à notre vie, me supplie-t-il.

Puis il s'écroule complètement dans une mare de sang.

Son sang.

Sa main reste accrochée à ma cheville. Je me baisse pour desserrer tous ses doigts et me libérer de son emprise. Son sang encore chaud laisse une empreinte sur ma peau et un frisson remonte le long de ma jambe.

Je reste plantée au milieu de l'immense salle, mes pieds pataugeant dans le sang. Le choc m'étourdit. Alors c'est comme ça que cela se termine ?

Les jeux de la couronne. T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant