VI - L'inquisiteur

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 Presque trois mois étaient passés depuis la mort du disquaire. Le commissaire Duval était de retour dans la routine du commissariat. Il n'avait plus fait de cauchemar comme celui de la nuit suivant le meurtre de Eric Grojean et chaque matin il s'en félicitait. Depuis quelques temps, il recommençait même à rêver, chose qu'il n'avait pas connu depuis cette fameuse nuit. Il avait intérieurement mis ça sur le compte de la garde à vue, chose plutôt perturbante pour un policier reconnu comme lui. Du côté du travail, le procureur général de la ville l'avait félicité d'avoir sorti l'affaire Cerrada, même s'il eut préféré avoir quelqu'un à juger plutôt qu'à enterrer. La ville même était devenue très calme, trop calme peut-être au goût de certains policiers qui pensaient que cela ne pouvait que cacher quelque chose, mais la série de meurtre inexpliquée semblait avoir calmer la criminalité du coin. Les commissariats de quartier n'avaient pas profité de cette chance, les petits délits n'ayant pas régressé de la même façon.

C'était sentimentalement que Henry se sentait encore le mieux. Depuis cette audition de Elsa, il vivait avec elle une idylle merveilleuse et sexuellement débridée. Ils n'avaient pas encore décider de vivre ensemble pour deux raisons.

La première concernait le divorce de Henry qui n'en était qu'à son balbutiement, la procédure ne pouvant démarrer que lorsque l'appartement que Laura et lui avaient acheté serait vendu ou racheté par l'un ou l'autre. Malheureusement, sûrement pour faire payer à Henry ce que Laura appelait ses « malheurs », elle faisait traîner la procédure de vente en éloignant les acheteurs potentiels, et refusait que Henry ne rachète sa part. Ce dernier, excédé, avait fini par demander au juge de statuer sur l'avenir de l'appartement. En attendant, il profitait de l'usufruit, Elsa ayant déjà quitter les lieux lors de leur séparation.

La seconde raison concernait plus la maturité de leur relation. Henry comme Elsa ne souhaitaient pas aller trop vite. Certes, le bonheur était vivace et la passion brûlante, mais l'un comme l'autre savaient que passion et quotidien étaient deux choses totalement différentes et ils s'étaient promis de faire ce choix qu'après avoir passer au moins une semaine de vacance ensemble. C'est dans cet optique que les deux amoureux avaient quitter la France pendant quelques jours direction le Royaume Uni et plus particulièrement la ville de Londres. Même si l'affaire Cerrada était loin derrière, elle et les morts qui s'y rattachaient avaient beaucoup affecté le commissaire. Le meurtre de Eric Grojean était resté un mystère, le capitaine Bajak possédant un échantillon d'ADN n'ayant pas de correspondance dans les fichiers de la police.

L'air y était tellement différent du sud de la France, de même que les gens, seule la gastronomie ne trouvait pas grâce à leurs yeux. Ils visitaient tout ce qu'ils pouvaient, rongés par une curiosité maladive et un engouement toujours plus fort. Big Ben, la tour de Londres, Buckingham Palace, l'abbaye de Westminster... Rien ne tarissait leur soif de découverte et Elsa en profitait pour assouvir sa passion pour la photo. Henry aimait la taquiner en la surnommant la touriste chinoise, ce qui avait pour effet de faire faire à la jeune femme une petite moue qui faisait craquer le policier.

- En attendant tu seras bien content d'avoir des photos souvenirs de notre séjour ici ! Rétorquait-elle régulièrement.

Il se contentait souvent de sourire ou de lui voler un baiser. Vu de l'extérieur, leur couple semblait parfait. Pourtant Henry sentait que quelque chose clochait chez Elsa, il n'aurait su dire à cet instant, mais il était persuadé que la jeune femme lui cachait quelque chose. La nuit, propice à la réflexion, était le témoin de ses angoisses, ce qui n'échappa pas à l'œil acéré de l'enquêteur. Il ne voulait pas la brusquer, de peur de la perdre peut-être, aussi lui laissa t-il le soin de trouver le bon moment pour lui en parler. Il se contentait de la serrer dans ses bras avec tendresse dès qu'il le pouvait pour lui signifier sa présence auprès d'elle quoi qu'il arrive. Il était persuadé que ses gestes d'attention suffisait à faire passer le message qu'il ne la laisserait pas tomber quoiqu'il arrive, et sans le dire, qu'il éprouvait des sentiments forts à son égard.

Le sceau du sangWhere stories live. Discover now