chapitre 13

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La main d'Allen s'abattit avec une certaine lassitude sur son réveil hurlant. Le vendredi matin était toujours le plus dur —fin de semaine éprouvante oblige— essentiellement quand, comme le jeune anglais, on accordait une place toute importante au sommeil. Car oui, en plus de passer son temps à se goinfrer pour nourrir le gouffre sans fond qu'abritait son estomac, Allen Walker était loin d'être du matin. Ceci dit, son calvaire touchait lentement mais surement à sa fin ; encore quelques jours de cours et il pourrait redécouvrir la joie des grasses matinées.

En grognant, il s'extirpa du lit, vacant à ses occupations matinales avec une lenteur désabusée. Timcanpy ronronnait comme une grosse chaudière à vapeur sur le canapé, narguant son maitre qui lui lança un vague regard écœuré, se sentant trahit par son plus fidèle compagnon. N'aurait-il pas dû partager son malheur, sa mauvaise fortune ? Au lieu de se vautrer comme un pacha que rien n'atteint, profitant d'une paix heureuse et molle qu'Allen n'était pas certain d'avoir connu un jour.

Le jeune homme frissonna quand ses pieds nus entrèrent en contact avec le carrelage glacé de la cuisine, son regard brumeux voltant sur les éléments immaculés. Dans le coltard, la partie plus ou moins opérationnelle de son cerveau nota avec une certaine ironie à quel point tout ceci était effroyablement routinier, et par là même : profondément rassurant.

Chaque chose était à sa place, le plafonnier grésilla un peu en jetant sa lumière froide sur le frigo désespérément vide, la vaisselle sagement à égoutter sur le côté de l'évier, attendant patiemment d'être ranger par les bons sons de ses utilisateurs. Il ne se souvenait qui de lui ou Kanda l'avait faite en dernier. Mais si le regard d'Allen ne s'était pas machinalement posé sur la tasse supplémentaire à côté des assiettes et des couverts, on aurait pu croire que les évènements du jeudi 26 juillet n'avaient jamais vraiment eut lieu. Un rêve flou, la résultante de la fatiguée accumulée ces derniers jours, le stress des quelques examens à venir. Rien de réel, juste l'écho d'un cauchemar particulièrement prenant et indéniablement fou.

Le jeune homme resta un moment debout face à l'évier, soudain transporté loin du micro-ondes et de l'odeur de javel.

La journée de la veille revint en force, le faisant légèrement vaciller, un coup de poing qui lui retourna presque l'estomac. Son cerveau embrumé chassa les derniers lambeaux de sommeil qui s'y accrochaient encore, lui renvoyant au visage et au cœur une scène des plus déroutantes. Teintée de gris et blanc, d'un peu trop de rouge à son goût également. L'odeur de la viande grillée. Comment pouvait-il encore croire que tout était parfaitement normal ? Que tout serait comme avant ? Que tout allait bien ?

Sans même s'en rendre compte, Allen se trouvait devant la porte de chambre de son colocataire, poussant silencieusement le battant comme pour s'assurer qu'il n'avait pas inventé toute cette histoire pourtant droit sortie d'un conte de fée. Que sa raison n'avait pas fui définitivement son corps. Un mince sourire étira ses lèvres quand, dans la pénombre de la pièce, il distingua la silhouette de Kanda, enroulée dans son épaisse couverture malgré la chaleur qui ne manquerait pas de gagner le monde d'ici quelques heures. Comment pouvait-il même supporter d'être couvert d'une telle épaisseur alors qu'il ne cessait de soupirer et gronder après les températures estivales. De là où se tenait l'albinos, il ne voyait qu'une tête à demie enfouie dans l'oreiller, serrant l'édredon comme s'il s'agissait d'une bouée de sauvetage. Un bras strié de plaques rouges, uniques preuves des récents évènements —en plus des tringles des rideaux raccrochées de travers par ses bons soins, et les quelques résidus de sang qu'il n'avait pas réussi à rattraper…— émergeait par-dessus la couette. Kanda grogna un peu à l'intrusion et ouvrit un œil vitreux qui se voulait féroce.

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