anamía

chapitre 20

_ Une semaine ! Non mais tu m'entends ?! UNE SEMAINE D'ABSENCE !

Kanda rentra la tête dans les épaules, les yeux plissés comme si ce simple réflexe lui aurait permis de s'épargner les remontrances de Reever.

Arrivé aux vestiaires du deuxième étage à 19h30, Yû ne pouvait pas dire qu'il avait tout fait pour passer par la voie des artistes et ainsi éviter son chef de service, mais au-delà de sa pseudo-fuite, il avait tout de même essayé de se faire aussi petit et discret que possible afin d'éviter le plus longtemps possible les foudres du médecin. Malheureusement pour lui, Reever l'avait topé alors qu'il terminait d'enfiler sa blouse et s'appliquer désormais à lui passer le savon du siècle.

Wenhamm n'avait jamais rien eu d'un violent. S'était à peine s'il se mettait en colère lorsque la situation aurait fait craquer les nerfs de n'importe qui, et en matière de calme, il était l'un des plus grands champions que le vampire ait pu connaitre.

Chaque champion devait bien avoir le droit à un petit dérapage de temps à autres, n'est-ce pas ?

Le blond se tenait droit devant lui, le dos aussi raide qu'une planche, les joues rougies par la colère. Les poings sur les hanches, ses yeux bleus lançant éclairs et promesses de vengeance; il incendiait l'infirmier depuis dix bonnes minutes. Lequel ne pipait mot, préférant garder profil bas et grincer des dents en se sentant comme un enfant que son père vient réprimander pour une bêtise. Et cela faisait bien longtemps que son père ne lui avait plus crié dessus de la sorte. Ça l'aurait rendu presque nostalgique si son supérieur ne s'était pas donné pour mission de lui détruire les tympans en étalant à qui voulait bien l'entendre, la liste de ses torts.

Alors que Reever se faisait un devoir de bien lui faire comprendre son mécontentement, Kanda se souvint du visage goguenard du moyashi, lorsqu'il avait quitté l'appartement ce soir-là pour se rendre à l'hôpital. Bien conscient que s'immiscer dans la vie professionnelle de son compatriote serait plus que mal vu par ce dernier, l'adolescent s'était donc contenté de dialoguer le moins possible avec Wenhamm, l'avertissant de l'absence de son employé pour une durée indéterminée. Malgré la distance prise, cela n'avait pas empêché les deux hommes de sympathiser un minimum et le blond téléphonait presque chaque soir à l'appartement pour prendre des nouvelles du soi-disant alité.

Avant que Kanda ne parte, les cheveux enserrés dans son habituel chignon négligé, Allen avait souri, d'un air tellement sournois et limite malsain que Yû savait que quelque chose de mauvais l'attendait à l'hôpital. Le littéraire aurait adoré s'y rendre avec lui, ne serait-ce que pour enfin rencontrer Reever en chairs et en os, et assister au sermon mémorable que le médecin lui avait promis de lui passer. Pendant dix bonnes minutes, le médecin lui avait fait l'étalage des menaces et autres sanctions qu'il avait prévu pour Kanda et sincèrement, l'albinos aurait donné fort cher pour pouvoir assister à cette petite séance de pur cinéma. Mais comme son colocataire avait eu l'air d'avoir envie de l'étriper joyeusement avant de partir, le littéraire s'en était abstint, se contentant d'imaginer rêveusement la tête que l'infirmier allait tirer.

_ Je te colle en gériatrie

Kanda sursauta, reprenant le fil de la conversation qu'il avait laissé couler, peu attentif aux détails —il savait qu'il avait fait une connerie, merci bien, il n'était pas nécessaire d'en faire un spectacle— et scruta son chef de service en plissant les yeux. Ses oreilles pourtant si fidèles lui avaient elles joué le pire tour de sa vie ? Puis finalement, les informations firent leur chemin laborieux jusqu'à son encéphale et il sentit son souffle se faire un peu trop rare à son gout.

De tout temps, Yû avait toujours été d'un naturel pâle. Très pâle. Presque trop et pour être parfaitement honnêtement, il ne pensait pas un jour réussir à faire pire en la matière. Pourtant, la sentence qui venait de tomber avec le tranchant d'un couperet lui fit bien perdre trois teintes de blancs, comme un pull trop souvent passé à la machine, et si cela avait été possible, il en serait devenu translucide. Au lui de quoi, il conserva les quelques nuances grisâtres d'un essorage excessif qui ne lui allaient pas le moins du monde et si Reever n'avait pas été si déterminé à lui faire comprendre que son attitude aurait pu leur causer du tort à tous; il aurait presque pu avoir pitié du jeune homme. Et dieu seul savait qu'il en fallait, de la volonté, pour percevoir la moindre once de faiblesse chez son stagiaire qui aurait pu susciter un tel comportement.