Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]

CE QU'ON LAISSE DERRIERE SOI(octobre 844)Greta Elfriede

Je me sens bien mieux maintenant ! J'ai pris mon courage à deux mains et je suis allée dire la vérité au chef. J'avais vraiment tort de penser qu'il se mettrait en colère ! J'avais tellement peur qu'il soit déçu de moi... Mais c'est tout le contraire qui s'est passé ! Non seulement il ne m'en a pas tenu rigueur, mais en plus il s'est chargé lui-même d'une partie de ma culpabilité.

Livaï avait raison à son sujet. Comment ne l'ai-je pas su ? Erwin est vraiment quelqu'un de bien... Je resterai toujours à ses côtés, jamais ne le trahirai, je préfèrerais mourir ! Cependant, je n'oublie pas son ordre. Je dois me mettre au service de Livaï, ce sera ma punition. Ouf ! c'est pas si terrible ! Il va peut-être me faire nettoyer quelques trucs et nous iront rassembler du bois ensemble en forêt. Je me sens si légère ! J'ai l'impression de pouvoir voler sans mon harnais, haha !

Je croise chef Hanji qui me demande si Erwin est dans son bureau. Oui, oui, il y est, mais je crois qu'il avait une chose importante à faire, vous devriez vous dépêcher ! Oui, je vais mieux, merci de vous en inquiéter. Vous aviez remarqué ? Désolée du dérangement ! Et vous, vous savez où est Livaï ? Elle l'a aperçue se dirigeant vers le terrain d'entraînement avec sur l'épaule une hache plus grande que lui. D'accord, je vais me dépêcher de le rattraper alors !

Les explorateurs me regardent déambuler à grandes enjambées, la mine heureuse. J'ai envie de tous les serrer dans mes bras en leur disant que je les aime, mais j'ai pas le temps. Je passe par la cambuse et demande au cuisinier de service s'il reste du thé quelque part. Il y en a sûrement dans les réserves d'hiver, qu'il me répond. Super, on s'en fera un au retour. Je ressors, puis quitte l'enceinte de la forteresse pour la forêt.

Je me mets à courir comme une gamine, enivrée par le vent froid qui me fouette le visage. J'ai l'impression que l'air sent bon la neige déjà ; il semble propre, pur, tout à fait paisible, comme moi. J'oublie les titans, les Murs, les terres inconnues, même les morts ; je savoure simplement la joie d'être en vie, de revoir les miens bientôt, et de faire équipe avec des gens que j'aime tellement...

C'est Mike que je vois en premier. Avec sa stature d'athlète, on l'aperçoit de loin. Il est en train de montrer à des recrues comment on fend en deux une grosse bûche. Ils y arriveront pas aussi bien que lui, Mike est un vrai colosse. Tandis qu'il repose sa hache devant les yeux éberlués de ses spectateurs, je lui saute au cou en lui disant que je suis vraiment contente de le voir et que je suis désolée d'avoir été si distante ces derniers temps. Il me repose par terre en se grattant la nuque sans trop savoir comment réagir, mais le temps qu'il dise quelque chose - que mon odeur est redevenue normale, sans doute - je me suis déjà enfuie.

Plus loin, c'est Steffen que je retrouve. Il a déjà abattu son lot de bûches et pendant que je me dirige vers lui, plus lentement car je suis à bout de souffle, je lui répète que j'ai hâte de retrouver nos parents, même si laisser les autres ici me chagrine un peu. Il me montre le tas de bois et m'assure qu'ils seront au moins au chaud. Oui, sans problème. Il me scrute d'un oeil inquisiteur et me demande si je vais bien. Oui, parfaitement bien ! J'avais pas le moral, mais c'est passé ! Au fait, Erwin nous rejoindra plus tard. Ou peut-être demain, je sais pas. Et... Livaï, où il est ? Chef Hanji m'a dit qu'il était dans les parages.

Steffen m'informe qu'il est un peu plus loin. Il s'y est mis depuis peu mais il parie qu'il a déjà rattrapé son retard. Ok, je vais voir ça ! Donne-moi cette hache qui traîne ! Je la soulève avec difficulté d'abord - ouf! elle est lourde ! - et me dirige dans la bonne direction pour retrouver mon coéquipier. Comme de juste, Livaï a déjà entassé pas mal de bûches. Il brandit la hache comme si elle était en bois, et l'abat avec force sur le tronc d'un arbre qui ne tarde pas à basculer. C'est une scène presque surréaliste, et j'ai du mal à imaginer que ce soit vraiment en train de se passer. Mais, j'ai appris à ne plus m'étonner de l'incroyable force de Livaï ; j'ai finis par me dire qu'il a un don et puis c'est tout.

Je brandis ma hache devant son nez et lui demande s'il a besoin d'aide. Ce n'est pas un travail pour une femme, qu'il me répond. Il me taquine, ok. Mais c'est un ordre du chef ; il veut que tu me fasses faire des trucs pour me faire pardonner de tu sais quoi. Alors demande-moi, je suis à tes ordres !

Il émerge de derrière le tronc, avec une expression de surprise sur le visage, le front enfin débarrassé de son bandage. L'absence de cette ultime preuve de son accident me donne encore plus de baume au coeur. Oui, ne fais pas cette tête, je lui ai dit ! Et... j'ai vraiment bien fait ! J'ai honte d'avoir douté de lui ! Finalement je ne le connais pas si bien que ça ! Tu l'as mieux cerné que moi, on dirait ! Donc bon, voilà, je suis à ton service ! Que veux-tu que je fasse ?

Il me montre du menton une direction et je regarde par-dessus mon épaule. A quelques mètres, Ansgar et sa clique essaient de faire leur part du travail mais on dirait qu'ils galèrent...Je devine d'ici les messes basses qu'ils se font, mais quand Livaï et moi les regardons franchement, ils se taisent tout net. Je demande à Livaï ce qu'il veut que je fasse exactement. M'excuser, qu'il me dit. Je grogne un peu, mais j'acquiesce quand même et me dirige vers la bande de recrues.

Ansgar me regarde approcher et se raidit un peu en voyant ma hache. Je constate qu'il a des pansements sur le visage, mais apparemment il lui reste toutes ses dents. Je suis plutôt contente qu'elles aient pas sauté... Il a gardé un mauvais souvenir de notre dernier contact, je peux comprendre sa réserve. Mais... bon, les gars, vous avez besoin d'aide avec cet arbre ? Parce que comme vous pouvez le constater, Livaï peut se débrouiller, il aura débité toute cette zone sans transpirer que vous en serez toujours sur celui-là. Parce qu'il est vraiment très fort, vous avez remarqué ?

Une des recrues hoche la tête avec prudence. D'accord, mettons-nous au travail. Mais avant ça, j'ai un truc à te dire... Vinzenz, c'est ça ? Je suis désolée de m'être acharnée sur toi, ça valait pas le coup. Mais tu vas pouvoir te venger. Je vais te révéler un truc, sur ce qui s'est réellement passé le jour de l'expédition, pendant que tu fuyais ces deux titans. Ouais, tu pourras le dire à tout le monde, je m'en fiche !