Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]

QUI LAISSE UNE TRACE, LAISSE UNE PLAIE(avril 845)Livaï

Tout ce monde est problématique, je peux pas surveiller toute la colonne et ça me met un peu mal à l'aise. Mais pas que pour ça.

Il est évident que le major veut pousser l'exploration plus loin que d'habitude, en faisant semblant de pas se rappeler de ce qui s'est passé la dernière fois. Enfin, on est en terrain connu, en tout cas pour le premier tronçon. Quand Erwin nous a remis notre feuille de route, j'ai pas tout de suite fait la soudure, mais ça m'a frappé quelques minutes après.

Je connaissais ce trajet. C'était celui de ma première expédition.

Je me suis mis à ciller comme un con, et Erwin m'a demandé si je me sentais bien. Il savait pourquoi je réagissais comme ça, j'en suis sûr... Mais c'est passé vite. Au lieu de lui répondre, je l'ai questionné sur le choix de cet itinéraire. Il a dit que Keith escomptait que la voie serait libre jusqu'au refuge grâce à l'expédition de l'année dernière, et que de là nous serons plus prudents quant à notre voyage dans les terres sauvages. Je lui ai indiqué un symbole sur la carte marquant l'emplacement d'un autre avant-poste plus au sud. C'est notre destination, qu'il a répondu. Et si les conditions le permettent, nous pourrons peut-être pousser encore plus loin, et là, grand mystère ; aucune expédition n'est allée au-delà dans cette direction.

A voir sa tête, il y a peu de chance que le voyage se passe sans encombre. Je le sais parce que j'ai surpris une conversation entre lui et la bigleuse dans un coin du terrain d'entraînement - non, j'espionnais pas. Si j'en crois ce que j'ai entendu, les titans reviennent tout le temps et on ne sait pas comment. Peu probable que le chemin soit dégagé. Fallait s'y attendre. Je m'inquiète pas pour ça, je ferais les choses à ma manière. Erwin va pas nous ménager de toute façon.

Nous sommes placés en tête de colonne. Les équipes sous les ordres d'Erwin nous suivent en arrière. Ces gamins ne savent pas ce qui les attend réellement. J'ai arrêté d'observer leur réaction face aux titans, ils ont tous à peu près la même. Le tout, c'est de leur éviter le combat au maximum. Mike et moi sommes déployés vers l'extérieur, afin de pouvoir intercepter en cas de besoin. La cohorte avance à bonne allure et nous atteindrons le premier avant-poste d'ici ce soir.

Revenir sur ces anciennes traces, sur ce chemin, que j'ai parcouru avec Isabel et Furlan, le nez et les cheveux au vent, me cause une douleur inattendue. Cela me rend mélancolique pendant quelques minutes, le temps que je réalise qu'ils ne sont plus là... Enfin, la feuille de route ne doit pas nous faire repasser par le lieu de leur mort... Mais j'ose pas imaginer comment je me sentirai le jour où ça arrivera...

La voix de Greta me réveille. Apparemment, les mochetés se ramènent. Très bien, j'ai besoin de me distraire et rien ne vaut une tronche en biais de quinze mètres pour m'échauffer. Quand Erwin nous donne le signal, Greta et moi sautons sur le dos du premier, tandis que Mike et Steff se chargent du deuxième. Greta lui sectionne les genoux et le géant trébuche en avant, à quelques mètres du convoi. Même pas drôle ; je retombe sur son cou et lui sectionne la nuque sans effort. Eh bien, l'hiver les a ramollis ou quoi ?

Je saute sur mon cheval et remonte la file quand d'autres sales gueules débarquent. Aah, on dirait des déviants, on va peut-être pouvoir se marrer un peu. Ils marchent en se dandinant de façon grotesque, prenant leur temps. Allez, Erwin, laisse-moi y aller, je veux me les faire. Il me donne pas d'ordre donc je ronge mon frein en attendant. Nous les dépassons et c'est finalement une autre escouade - celle de Hanji si j'en crois les cris joyeux qui me parviennent - qui s'en occupe, me laissant sur ma faim.

Ca y'est, je reconnais bien ce chemin, Ce petit bouquet d'arbres sur notre gauche. Et comme prévu, c'est de nouveau infesté de titans. Erwin avait vu juste. Bon sang, ça sert à quoi de faire le ménage si ces saloperies reviennent constamment !? Ouais, Livaï, c'est comme la poussière ; t'as beau frotter et faire tout reluire, le lendemain il faut recommencer. Ces titans sont de la poussière, de la saleté.

La seule façon de l'éliminer totalement, c'est de trouver son origine. Y a pas trente-six solutions. Et c'est finalement bien ça, notre but. La bigleuse a peut-être pas tort finalement. En capturer vivants pourrait nous aider à comprendre ce qui génère ces saloperies.

En attendant, je vais faire comme avec la poussière : je vais dégager tout ce que je peux atteindre.

Greta, droit devant. L'avant-garde va se les prendre. Génial, des déviants. Il va nous y envoyer cette fois ? Il est d'usage que le major reste en tête à guider le convoi et ne se batte pas, donc il y a des chances... Ah, voilà ! Merci, chef ! Tu voudrais quand même pas que tes hommes se fassent chier !