Chapitre 2

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Ma mère.


Ces mots résonnent dans ma tête tandis que nous nous dévisageons mutuellement, immobiles sur le perron de la porte.

J'ose à peine bouger. Cette femme devant moi... est une parfaite inconnue.

Les vagues souvenirs que j'avais d'elle remontent à mes trois ans, mais je me rappelle clairement de ses yeux verts pétillants, comme l'émeraude, et de ses cheveux blonds lustrés, comme de l'or. Je pensais alors que c'était une poupée, toujours souriante et jouant avec moi avec amour : ses mains étaient douces lorsqu'elles me caressaient mes cheveux courts, sa voix mélodieuse quand elle me chantait des berceuses...  Mais c'était il y a longtemps. 

Désormais, devant moi, c'est une étrangère qui me fixe. Ce sont des yeux verts certes, mais leur éclat à quelque chose de froid et d'amer, presque venimeux. Ses cheveux sont blonds, mais font penser à de l'or trop longtemps rouillé, oublié au fond d'un caveau. Quand à sa voix, ne l'ayant entendu qu'une fois, m'apparait comme lointaine, sourde. La poupée qu'elle était a disparu depuis longtemps. 

Je soutiens son regard tandis qu'elle m'examine sans un mot. Son expression est indéchiffrable, seules ses lèvres entrouvertes semblent indiquer sa surprise, ce qui à vrai dire, ne m'étonne pas. Etais-je folle de penser qu'elle attendrait ma venue. Cette femme m'a abandonné -NOUS a abandonné- sans rien dire, et malgré tous ses airs de faux semblants, elle ne tenait à moi et à mes frères pas moins qu'à son argent. Je serre les poings et relève la tête. Elle ouvre sa bouche pour parler mais se ravise au dernier moment, en fronçant des sourcils. Il ne manquerait plus qu'elle me demande qui je suis, ça serait le comble.

- Et...vous... enfin, tu...

Je retiens mon souffle tandis qu'elle m'interroge du regard, sourcils arqués. Pendant un court instant, elle semble réfléchir, cherchant dans sa mémoire à qui je la fais penser certainement. Était-elle seulement prévenue de mon arrivée aux États-Unis ? Ça ne me surprendrait pas que non. Soudain elle écarquille ses yeux et porte sa main à la bouche, choquée. 

- M...Mia, murmure-t'elle

Mes narines se dilatent tandis que je m'enfonce mes ongles dans mes paumes de main. Je ne sais pas ce qui m'énerve le plus, le fait qu'elle ne m'ait pas reconnu, ou le fait qu'elle prononce mon nom d'une manière qui laisse sous entendre de la tristesse. J'attrape brusquement ma valise et plonge mes yeux dans les siens, ma colère reprenant le dessus.  

- Oui, c'est bien moi, votre fille abandonnée, je dis d'une voix sèche. Maintenant si ça ne vous dérange pas, chère mère, je vais aller poser mes affaires parce que je suis fatiguée de rester debout à attendre bêtement qu'on me laisse entrer. 

Et avant qu'elle puisse ouvrir la bouche, je la bouscule en entrant dans la maison. 

Mais je suis contrainte de m'arrêter instantanément, bouche bée. L'intérieur est pire que l'extérieur. Dans le bon sens du terme. Peut être même TROP dans le bon sens. Cuisine ouverte, plafond vitré, salon ouvert, piscine extérieure, mini serre derrière les escaliers, table de séjour XXL, lustre en verre pendant au plafond, tableaux uniques accrochés au mur... Le tout ultra moderne et sophistiqué. Depuis quand s'est elle improvisée millonnaire ?

- Ta chambre est à l'étage, dit-elle soudain en français derrière mon dos. 

Je sursaute et me retourne vers elle, trop étonnée pour la fusiller du regard.

- Tu... Vous... enfin.... parlez français?

Elle hoche de la tête distraitement avant de désigner les escaliers. 

Time LostOù les histoires vivent. Découvrez maintenant