48 - Finir

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Ma main tremble. De peur. Réellement. Je ne lui ai pas parlé depuis des mois. Je n'ai pas revu Anouar depuis des semaines. Je l'ai seulement aperçu une fois à la sortie de l'immeuble où il habite avec Yasmine. La première et dernière fois où nous nous étions retrouvés chez elle, chez eux. Après le regard noir qu'il m'avait lancé ce jour-là, j'avais exigé que nous restions dans mon appartement.

Malgré les apparences, je ne suis pas quelqu'un qui cherche les conflits. Je suis juste du genre à répondre aux différends si ceux-là me trouvent. Alors je me suis dit qu'en limitant les possibilités de nous croiser, sa rancœur diminuerait et le message qu'il m'a envoyé hier en est la preuve. S'il demande à me voir dans un lieu public ce soir, c'est pour que nous buvions un coup ensemble et que nous enterrions la hache de guerre.

Enfin, j'essaie de m'en persuader parce que je n'y crois qu'à moitié. Je fais tourner mon verre dans mes mains. Anouar ne fait pas les choses sans raison, il veut quelque chose de moi et nous repartirons de ce bar en tant que meilleurs amis, ou d'ennemis. Avec lui, il n'y a pas de demi-mesure.

— Alors on est heureux avec ma sœur? s'exclame la voix que je redoutais.

Je déglutis et avale une longue gorgée de soda pour me donner du courage. Je repose mon verre sur le comptoir et me pince le nez entre mon pouce et mon index. Je ne fais que gagner du temps pendant qu'il s'installe à côté de moi en commandant une bière.

— Depuis quand tu bois du soft, toi? continue-t-il en croisant les bras devant lui, sur le meuble.

Je jette un coup d'œil au miroir cassé en face de nous et je l'aperçois dans le reflet. Il a des cernes qui donnent l'impression qu'il ne s'est pas reposé une seule fois depuis des jours.

— Et toi depuis quand tu as décidé que dormir était une option?

Je bois une autre gorgée. Dans la glace, il est évident qu'il est surpris que je lui réponde. Le barman lui sert une pinte dont il s'empare aussitôt. Il la lève et l'amène vers moi en disant :

— A ton bonheur avec ma sœur!

Je reste abasourdi quelques secondes à l'écoute de son toast. Mes sourcils se froncent tandis qu'il insiste en approchant un peu plus son verre de moi. Je capitule et trinque doucement. Il boit d'une seule traite la moitié de sa bière et la fait claquer contre le comptoir. Il s'essuie la bouche d'un revers de bras.

— Alors tu deviens quoi? me demande-t-il.

Je hausse les épaules.

— Tu ne sors plus. Tu ne viens plus aux fêtes du quartier. Les gars commencent à se poser des questions...

Je gratte légèrement le bois avec mes ongles, tout en cherchant une manière de lui dire qu'en plus du fait que je n'en ai rien à faire de leurs interrogations, je n'y crois absolument pas. Ils n'ont jamais été mes amis. Tant que je ne les emmerde pas dans leurs combines, ils me laissent tranquille. Du coup, je doute que mon absence à leurs petites sauteries les dérange.

— Qu'ils s'en posent alors...

— Tu nous vois plus et ça te convient très bien? me lance-t-il en se tournant sur son tabouret pour me faire face.

— Ce n'est pas comme si c'était moi qui m'étais l'ambiance à vos beuveries.

— Ah ça c'est clair que tu nous manques pas pour ta joie de vivre!

Je déglutis, digérant difficilement la remarque. Anouar et son tact légendaire...

— Alors qu'est-ce que ça peut te foutre que je sois à ces soirées ou pas? Si mes souvenirs sont bons, tu t'amusais bien et rentrais rarement seul.

Fool For You - BLT 3Where stories live. Discover now