Butterfly - HS

Chapitre 5

L'amour naît de rien et meurt de tout ; on s'aime sans raison, on s'oublie sans motif. »

- ALPHONSE KARR

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___Vers une heure du matin, la serveuse avait décidé de troquer les verres d'alcool du bouclé pour de simples verres d'eau. En se rappelant de l'effet que l'alcool avait sur lui, la jeune femme s'était attendue à recevoir une vive réaction de sa part, mais rien. Harry n'avait relevé qu'une seule fois le regard, et c'était à cet instant précis qu'elle avait pu remarquer le rouge vif qui colorait le blanc de ses yeux. Il était mal, c'était indéniable, mais la serveuse se résigna à ne pas poser de questions.

___Ann-Elizabeth se trouvait présentement dans la cuisine, aidant le plongeur à essuyer la vaisselle. Ils ne parlaient pas, seul le bruit de la brosse du cuisinier contre le four comblait le silence. Déposant son torchon près de l'évier, elle essuya brièvement ses mains contre son tablier.

－ Je vais faire un tour dans la salle à manger et, ensuite, nous pourrons fermer, affirma-t-elle.

___Elle n'eut qu'une réponse du cuisinier qui acquiesça d'un signe de tête avant de partir dans la salle à manger. Il ne restait plus que lui. Installé à la table 10, Harry Styles fixait les automobiles défiler, au travers la vitre inondée de pluie. L'alcool embrouillait ses pensées, mais, ce soir, elle n'arrivait pas à lui faire oublier le mal présent au niveau de sa poitrine. C'était affreux, comme si quelqu'un lui avait arraché le cœur à mains nues. Comme si le venin de cette douleur venait se mélanger à son sang chaud et brûlait le long de ses veines. Insupportable, dévastatrice. La voix de la jeune femme parvint à ses oreilles, mais son regard resta tout de même accroché à la fenêtre.

－ Harry, c'est l'heure de rentrer chez toi.

－ Tu peux t'asseoir, s'il-vous-plaît, demanda-t-il de sa voix rauque.

___Elle ignorait si elle devait le faire, mais, machinalement, son corps écouta le bouclé et alla prendre place sur la banquette, devant lui. Il semblait toujours absent, quelques cadavres de larmes jonchaient ses joues.

－ J'ai un service à te demander.

___Ann-Elizabeth regarda le garçon tendre le bras vers le fond de la table. Il eut une certaine difficulté à atteindre la petite boîte noire, mais finit par déposer celle-ci au milieu de la table. Les deux jeunes adultes la fixèrent pendant un moment avant que le chanteur reprenne la parole.

－ Prend-la.

－ Je.. je ne peux pas accepter ça, bégaya la jeune femme.

－ Je ne te l'offre pas. Je veux que tu t'en débarrasse.

－ Harry, souffla-t-elle.

－ Parce que je n'ai pas la force de le faire, conclut ce dernier.

___Se levant précipitamment, il fût contraint de se retenir contre la table afin d'éviter de s'effondrer contre le parquet. Il attira un regard de pitié de la part de la jeune femme quand il quitta la place avant de disparaître sous la pluie, les épaules relâchées. Il n'était qu'un idiot, mais à la vue de cette tristesse qui habitait ses pupilles, elle ne put s'empêcher de se sentir mal pour lui.

___Après avoir débarrassé la table 10, éteint les lumières et s'être assurée que tous les fours étaient fermés, elle avait quitté par la porte des employés. Comme la semaine dernière, elle avait rapidement senti le besoin d'aller retrouver son lit. Eli atteignit bien vite le trottoir puis remarqua une silhouette assise contre le ciment, tout près de la porte principale du restaurant. Harry n'était pas vraiment parti après avoir discuté avec la jeune femme, il s'était simplement effondré au sol, laissant la pluie gelée s'abattre sur lui. La serveuse hésita face à l'idée d'aller à sa rencontre, mais elle ne fit rien.