Chapitre quatre (2)

180 22 30
                                    

Monsieur David afficha un sourire de façade tandis que le sang désertait mes vaisseaux.

La position dans laquelle nous nous trouvions, l'homme et moi, laissait peu de place à l'imagination. Collée à lui, nos mains entremêlées posées sur l'une de ses cuisses, la vision ressemblait à celle du parfait petit couple.

D'ailleurs, et sans que je ne parvienne à en identifier la source, une sensation de tranquillité s'immisça dans ma région épigastrique. Elle se propagea dans mon organisme, diffusant à chacun de mes organes une brise nouvelle d'oxygène. J'étais submergée par un afflux massif de signaux. Des frémissements prirent alors mon corps en otage, symboles du déferlement sanguin de mon palpitant. L'effet était grisant, similaire à une dose d'adrénaline insufflée en pleine poitrine. L'épisode d'euphorie se prolongea, nos deux regards accrochés l'un à l'autre.

Je ne saurais expliquer la cause de cette tachycardie soudaine mais j'eus le sentiment de vivre enfin. En réponse à cette bouleversante impression, mes doigts cherchèrent à se soustraire à ceux du soldat. Sans succès.

C'était comme si l'alcool modifiait les molécules d'ADN qui me caractérisaient. Mon code génétique devint celui d'une guimauve, réagissant à un stimulus que je n'identifiais guère, faisant du combat de ma vie une ruine délétère. Toutes ces émotions que j'avais refoulé refluaient subitement, anéantissant le moindre de mes efforts passés.

Une toux sèche retentit quelque part derrière moi, raisonnant mes pensées éparses. Corps et âme se rassemblèrent et ma main s'échappa de sa chaude prison.

― Une bière fera l'affaire, merci Harry.

Oh Dieu, je flirtais presque au nez et à la barbe de Cam. Il était là, juste là, et mon cerveau percutait à grand-peine sa présence à mes côtés.

D'un geste maladroit j'attrapais un nouveau shooter, savant mélange de téquila et de coco. Dans la précipitation de mon geste, une goutte capricieuse roula le long de ma lèvre. Cam l'essuya d'un geste tendre et machinal, esquissant un sourire contrit. Il semblait se demander où nous en étions et qui était l'homme à mes côtés. Le manque de clarté ne l'empêcha pas de déposer un doux baiser sur le coin de ma tempe, fade réminiscence de nos étreintes oubliées.

Un silence gênant s'installa ainsi entre nous quatre, contrastant violemment avec l'ambiance suave du cabaret.

Monsieur David observait Cam d'un air peu amène. Sa curiosité l'amenait à s'aventurer sur le terrain miné qu'était notre rupture, s'appropriant un rôle paternel qui ne lui incombait guère. J'étais certaine qu'il saisirait la moindre opportunité de le mettre hors de chez lui lorsqu'elle se présenterait. Quant à ce dernier, il jaugeait tour à tour les deux officiers à mes côtés, dardant son attention condescendante sur eux comme s'ils étaient les rebuts de la société, bien loin du statut social que lui conféraient ses diplômes. L'agent de police sembla préférer la contemplation des danseuses à la tension omniprésente. Il se détourna nonchalamment, bien loin de toute la testostérone suggérée par son uniforme.

Ils s'embarquèrent, pareil aux preux chevaliers d'une époque révolue, dans un duel sans merci, m'oubliant dans les méandres de leur fiel. Tous, sauf le pompier. Lui gardait son regard rivé sur moi, faisant fi de notre auditoire.

― Tu as un instant ?

La voix doucereuse de Cam me fit lentement émerger alors que tout autour, la vie reprenait déjà son cours. Les serveurs gribouillaient des notes et les clients vaquaient du bar à la scène. Une troupe de danseuses reproduisait une chorégraphie apprise par cœur sur le devant de l'estrade et, dans la foule, je savais Romane cramponnée à son bellâtre.

Mariage en satin noirWhere stories live. Discover now