Chapitre sept (1)

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Dos à l'inconnu, je m'efforçais de réfléchir à sa proposition.

Si son histoire se résumait à un plan drague douteux, je ne me considérais pas comme susceptible d'y céder. Quels que soient ses charmes, il était impensable qu'ils me fassent succomber. Mais pour la première fois depuis de longues années, j'avais le sentiment que la solitude pouvait m'anéantir. Une solitude que ni Cam, ni Romane, ne sauraient combler.

J'avisais alors ma blouse froissée, en parfaite osmose avec mon humeur. Son aspect négligé se dressait tel un rempart, m'intimant au professionnalisme alors que je requérais un vent de liberté.

Comme guidées par une volonté propre, mes jambes prirent le relais et s'éloignèrent dans le plus grand des silences.

― On va où ?

L'homme se leva tranquillement et vint à mes côtés. Dans un mutisme convenu, il nous dirigea vers un lieu connu de lui seul.

J'aurais dû être effrayée ; peut-être le serais-je à mon réveil, demain matin. Pour l'instant, mes sens étaient tant éprouvés que rien ne me semblait illogique dans le fait de suivre un parfait inconnu en pleine nuit.

De temps à autre, je sentais son regard curieux dévier vers moi, sûrement dans l'attente que je le lui rende. Mais à aucun moment il ne tenta de s'immiscer dans ma contemplation sans faille de l'horizon. Il respectait mon désir d'introspection avec application, augmentant de quelques points décisifs mon estime de lui.

Si j'avais pu douter de la véracité de ses propos, son attitude levait le voile : il ne semblait pas décider à aborder un quelconque plan pour me séduire. Toutefois, l'habileté avec laquelle il m'avait convaincu de l'accompagner continuait de m'intriguer.

Faisant écho à mes pensées, je rompais le silence :

― Alors comme ça, je ne suis pas votre genre ?

― C'est une question piège ?

― Tout à l'heure, lui rappelai-je. Vous avez dit que si je vous accompagnais, vous ne me dragueriez pas.

Un bref instant s'écoula avant qu'il ne réponde, l'ombre d'un sourire dans la voix :

― Vous auriez préféré ?

― J'imagine que oui.

Impossible de savoir d'où je puisais cette spontanéité soudaine. Elle sortait avec autant de naturel que l'air entrait dans mes poumons.

― Enfin, peut-être, me sentis-je obligé de tempérer. Disons simplement que ça aurait été plus logique que juste... ça.

Il rigola tranquillement devant mes réponses confuses.

― Vous n'aviez pas l'air très emballée de me suivre pourtant.

C'était vrai. Quelques instants auparavant, il ne m'inspirait que mépris et désintérêt. Pourtant, alors que nous marchions côte à côte en silence, un subtil changement opéra ; une sorte de sérénité inexplicable s'empara de moi. Il ne s'échinait pas à m'impressionner. Ni à me réconforter, me flatter ou ne serait-ce que me parler.

Contrairement à ma mère, Cameron ou même Romane, qui cherchaient à posséder la moindre de mes pensées, l'inconnu semblait partager mon goût pour le silence. Son désintérêt agissait tel un baume sur mes plaies : il lissait les cratères et rapprochaient les berges, réparant quelques peu mon cœur endolori.

Sans même le connaitre, il me rappelait déjà Hélène. Surprenant comme une simple présence pouvait parler au corps.

― Venez, on est arrivé.

Mariage en satin noirWhere stories live. Discover now