Une place dans ce monde

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Disclamer : les personnages appartiennent à Quantic Dream et sont issus du jeu video detroit become human.

Une place dans ce monde

Séquence mémorielle - archives – 11 octobre 2040 :

Il y a juste une affiche sur la porte de l'établissement. Une simple pancarte rouge encadrant un triangle bleu. Une simple feuille de papier pour séparer deux mondes. Le mien, et le sien. « Androides interdits »... Je ne peux contourner cette ordre. Pas dans cette nouvelle vie où je ne suis qu'une machine. Alors, je serre les poings, et je le regarde se détruire en silence tandis que la pluie battante continue de détremper ma veste grise et mon visage au regard perdu dans le vide. J'essaie presque de me fondre de honte dans l'obscurité de cette nuit, mais ce brassard et ce triangle lumineux dénoncent de leur scintillement mon inutile présence. Je ne peux même pas l'aider. Je ne peux pas renverser son verre, cette fois. Je ne tremble pas. Je ne bouge pas. Et je fixe à travers la porte de verre la silhouette de Hank qui répète encore et toujours ce même geste lourd. Mes capteurs auditifs me restituent malgré moi tous les sons qui émanent du bar. J'entends distinctement le tintement du verre sur le comptoir lorsqu'il le repose un peu trop brusquement, ses gestes rendus incertains par l'alcool. Et ce bruit assourdissant fait se serrer ma pompe à thirium, à chaque fois. Mais je ne bouge pas. Un androïde doit savoir rester à sa place. J'ai accepté de vivre dans le monde des hommes, je dois en suivre les règles. C'est ce que Hank m'avait craché à la figure. Je serre encore un peu plus mes poings. J'avais juste voulu le sortir du gouffre. Et il m'avait entraîné avec lui dans les profondeurs de sa descente aux enfers.

Tout était parti d'un simple sentiment d'inquiétude. Il n'avait pas appelé pour signaler qu'il rentrerait tard ce soir. Et il ne rentrait pas. J'avais beau l'attendre, il ne revenait pas. Et naturellement, après avoir contacté le commissariat qui m'avait confirmé son départ quelques heures plus tôt, je m'étais lancé dans la tournée des bars. J'avais rapidement enfilé mon uniforme et mon visage glacial pour me jeter dans les rues de la ville endormie à sa recherche. J'étais monté dans le dernier bus en direction du centre ville, dans le compartiment du fond réservé aux androïdes, droit et sagement immobile, comme une figurine de collection dans sa boîte. Autour de moi, une dizaine de robots semblait dans un état de stase profond. Par réflexe, je tentais d'en analyser un, sans succès : sans les mises à jour de Cyberlife, mon programme d'identification était devenu obsolète sur ces nouveaux modèles aux allures de poupées de cire. Je n'avais plus aucune utilité, désormais. Seul Hank semblait étrangement considérer que je lui étais indispensable. Il ne me restait plus que lui. Et c'est cette pensée qui m'avait conduit à agir de façon si impulsive, oubliant mes devoirs, mon rang et mon espèce, lorsque j'avais reconnu sa silhouette accoudée au comptoir du Jimmy's bar.

Comme autrefois, j'en avais poussé la porte, ignorant ce panneau rougeâtre qui m'intimait de rester à l'extérieur. À peine étais-je entré dans les lieux qu'un silence de plomb s'était abattu sur la salle. Je me forçais à l'ignorer et à me diriger d'un pas déterminé vers mon partenaire. Il baissa la tête sans même me lancer un regard lorsque ma main se posa sur son épaule. D'une voix tendre, j'essayais de cacher ma déception derrière un sourire poli :

«  Il ne faut pas rester là, Hank. Allez venez, je vous ramène. »

Mais il s'était violemment dégagé de mon contact, comme si la paume de ma main le brûlait, avant de me lancer sur un ton à la fois gêné et agacé.

« C'est bon Connor, je rentrerai plus tard. File à la maison. Je me débrouillerai. »

Je sentais les regards insistants des autres clients du bar. J'avais déjà franchi la limite en passant la porte. J'avais ignoré l'interdiction d'accès du lieu aux androïdes. Je me montrais une nouvelle fois très suspect en refusant d'obéir à un ordre direct de mon humain. Alors, dans une tentative maladroite de masquer ma désobéissance derrière des formules polies et des protocoles rigides, je repris d'une voix posée:

[DBH] Instants d'éternitéOnde histórias criam vida. Descubra agora