Je t'apprendrai à voler

Chapitre 13

Ethan

Un léger vent du large vint balayer mes cheveux. Les vagues venant laper le sable sec étaient si faibles que l'on aurait dit une mer d'huile. Le soleil brillait haut dans le ciel, chauffant mes joues et ma nuque. Je gardais le regard fixé sur l'horizon tandis que je descendais le petit escalier menant à la petite plage derrière ma maison. L'absence de trouble m'apaisait. Mes orteils s'enfonçaient dans le sable chaud. Je toisai mon environnement, les mains dans les poches.

A une époque, j'avais adoré cet endroit. C'était le symbole des vacances, quand je venais jouer avec mon frère et ma sœur. Notre mère nous surveillait toujours en discutant avec nos grands-parents, puis, lorsque nous commencions à jouer à nous couler, elle accourait pour nous faire cesser. Pourtant je m'y suis toujours senti en sécurité. Parce que justement, elle veillait toujours constamment sur nous. Combien de château de sable avais-je construit sur cette plage ? Combien Valentin en avait-il détruit avant de se faire pardonner en m'aidant à en construire un nouveau ? Combien de jeux Lisa avait-elle inventé où nous finissions tous la tête dans le sable ? Ces lieux étaient gorgés de souvenirs aujourd'hui douloureux.

J'avançai jusqu'à être à la limite entre sable sec et sable mouillé. Pas même un léger vent pour perturber la surface de l'eau scintillant sous le soleil. J'avais l'impression d'encore entendre nos rires. Non. Je les entendais très distinctement.

- Non ! Non ! Val' ! Me coule pas !

C'était la voix de Lisa. En fermant les yeux, je la revis se cramponner à notre frère tandis que celui-ci la portait sur son épaule pour la jeter dans l'eau.

- Qu'est-ce que t'en dit, Ethan ? A l'eau ou pas ?

- A l'eau ! A l'eau !

Ma gorge se serra. J'avais idolâtré mon grand frère pendant si longtemps. Et à présent...

- Ethan !

Je rouvris brusquement les yeux à l'entente de cette voix. Je me tournai vers l'escalier remontant vers les habitations. Personne. Mon regard parcouru la plage, le pied de la dune où elle avait l'habitude de nous surveiller. Mais non. C'est lorsque mes yeux se posèrent sur l'horizon que je la vis. Ou plutôt que je les vis. Les quatre silhouettes qui me hantaient. Je fis un pas dans l'eau pour les retrouver et il y eut comme une onde de choc. La plus grande de toute - celle qui était aussi la plus floue - s'effondra, ne laissant que Valentin, Lisa et ma mère.

- Ethan ! m'appela-t-elle à nouveau.

- Maman !

Je fis un nouveau pas dans l'eau et il y eut une nouvelle onde de choc. Au fur et à mesure que j'avançais, les eaux se troublaient d'autant plus. Les vagues arrivaient par salve, comme si un cœur gigantesque battait sous la surface de l'eau. Le sel me brulait les lèvres et les yeux mais je continuai de me battre contre les flots. Lisa disparut. Elle m'adressa un signe de la main, se retourna, plongea et ne réapparut plus. A peine quelques secondes plus tard, ce fut Valentin qui tira sa révérence. L'eau me brûlait les poumons, je suffoquais, peinais à avancer, mais il me souriait toujours, avec ce sourire qui m'avait toujours rassuré, comme si je ne me noyais pas pour tenter de les rattraper. Il plongea à son tour et les battements ralentirent.

Non !

- Maman !

Ma mère me souriait, tendait la main vers moi. Je m'égosillais pour la retenir, qu'elle m'attende. Au fur et à mesure que les battements ralentissaient, les vagues se faisaient moins fortes. J'avais toujours pieds, même si j'avais l'impression de courir depuis une éternité.

Les lentes pulsations résonnaient dans mes oreilles au point de me faire mal à la tête. La panique montait en moi au fur et à mesure qu'elles ralentissaient.