Chapitre 31

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« I hurt myself today
To see if I still feel
I focus on the pain
The only thing that's real
»

- Johnny Cash, Hurt -

Emilia

- Est-ce que tu as vu Rebecca dernièrement ?

Je me tournai vers Béa, surprise qu'elle mentionne ... Notre ancienne amie ? Camarade ? Sa nouvelle némésis ? Son nom n'avait pas été mentionné depuis halloween. Je savais que Tori lui parlait toujours, elles étaient toutes les deux dans l'équipe de football donc elles ne pouvaient pas s'éviter. Au-delà de simple co-équipière, Tori et Rebecca étaient des amies proches. J'attendais toujours une explication, une nouvelle dispute. Nos relations avaient quelque chose d'inachevé. Comme si nous avions chacune un fil et qu'ils s'enroulaient autour de nous et s'emmêlaient. On pouvait très bien tenter de partir chacune dans une direction différente et tirer, au final on serait juste un peu plus empêtrées.

Je ne voulais pas dire que je laissais Rebecca à ses problèmes, mais Tori était bien plus proche d'elle que moi et n'avait pas tenté de m'en parler, et je passais déjà beaucoup de temps à distraire Béa et Ethan de leurs propres problèmes.

Béa et moi prétendions ne pas voir que Tori menait se semblant de double jeu. Nous étions dans l'attente. Béa s'était livrée et s'était vu rejetée. Elle ne ferait pas le premier pas.

Béa rangeait ses affaires sans lever les yeux vers moi. Elle avait posé la question sur un ton léger. Parce que même si elle ne ferait pas le premier pas, elle détestait cette situation encore plus que moi et voulait savoir si Rebecca comptait ne jamais revenir, sans avoir l'air d'y porter de l'importance. Je suivis le mouvement de ses mains alors qu'elle rassemblait ses notes. Il y avait de nombreux dessins dans la marge, de petits schémas, des annotations. Ils n'avaient aucun rapport avec le journal du lycée comme aurait voulu le faire croire le titre au sommet de la feuille, à moins que les dragons et les chevaliers solaires soient le gros titre de la semaine prochaine.

- Je l'ai aperçu sur le terrain de football à la pause.

Non, je ne lui ai pas parlé.

- Okay.

Voilà. Le sujet était clos. Le prénom de Rebecca était devenu une formule magique avec un pouvoir. Béa était la seule autorisée à l'invoquer et cela ne pouvait être fait qu'à de rares occasions. La magie ne durait qu'un moment et dès qu'elle s'était évaporée, il fallait à nouveau prétendre ignorer la formule.

- Je me disais que les chevaliers solaires pourraient avoir été cristallisés dans des œufs de dragons. Attends, j'ai fait un schéma quelque part. Les dragons sont immortels, donc lors de la chute du royaume d'Ysir, quand le prince Nateh est transformé en dragon et que le chevalier Yesac est maudit à son tour, forcé à prendre la forme d'un aigle dès qu'il est en présence d'un humain, les – Maintenant que j'y pense, un aigle c'est un peu gros pour voler dans des passages étroits et un peu lourd pour se percher sur des lampes, non ? Je regarderai sur Wikipedia. Et « humain » c'est un peu trop précis ? Est-ce que les elfes ou les fées existent dans mon univers ? Cela dit, « être vivant » serait trop général...

Tout en parlant, elle fouillait dans son sac à la recherche du dit schéma. J'aimais l'inspiration débordante de Béa, la façon dont son esprit bouillonnait sans cesse et créait de tout et de rien des mondes et des vies. J'aurai aimé pouvoir marcher dans l'imagination de Béa, me balader dans les rues d'une ville inventée et lui demander l'histoire de chaque passant. Une femme pirate, un soldat, un prostitué ou une patronne de bar. Béa créait ses histoires pour s'évader de la réalité. Je les écoutais pour les mêmes raisons.

Je t'apprendrai à volerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant