CHAPITRE 1 (Partie 1)

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Lapluie noyait les vitres de la salle d'histoire. Le ciel était recouvert de nuages d'un gris anthracite et s'amoncelaient au-dessus de la petite ville de Drover, la plongeant dans un crépuscule prématuré. Je ne quittais pas des yeux la chute hypnotisante des centaines de gouttes de pluie, s'écrasant contre la surface en verre.

— Est-ce quelqu'un pourrait me dire en quelle année a eu lieu le début de la Grande Peste ? La voix grinçante de Mrs. Tiner me fit sortir de ma contemplation.

J'observais les élèves autour de moi, certain étaient avachis sur leur siège, d'autres baillaient aux corneilles. Mais tous avaient comme point commun, de n'être que peu ou pas attentif à la vieille dame.

Le cours d'histoire qu'elle assurait était ennuyant à mourir, sa voix monocorde et éraillée ne l'aidait pas à le rendre attractif.

Pour preuve, mon bloc sur la table ouvert sur une feuille gribouillé et envahie de petits dessins n'ayant aucun sens. Depuis plus de trente minutes, que j'étais clouée sur cette chaise à tuer le temps et l'ennuie comme je le pouvais, en dessinant ou en regardant par la fenêtre située à ma gauche. J'acceptai cette épreuve, car dans moins de deux heures, nous serons en week-end. Le jeu en valait la chandelle.

Elle laissa son regard de chouette se promener dans la classe, jusqu'à ce qu'elle trouve une nouvelle proie à tourmenter. En l'occurrence, un garçon aux cheveux noirs tirés en arrière et dont les pointes retombaient sur sa nuque. Ces yeux étaient d'un bleu presque translucide, deux piercings agrémentés son visage aux traits fins et androgynes, un à une de ces narines et l'autre sur ses lèvres. Des tatouages, que laissaient entrevoir son t-shirt, recouvraient ses bras et son cou. Il était assis au dernier rang, à l'opposé de ma position.

Je détournai mon regard, et me reconcentrai sur la prof. Je compris mieux pourquoi on surnommait Mrs. Tiner, la Rapace. Son allure était digne d'un oiseau de chasse, de son nez busqué à ses doigts rachitiques, semblables à des serres en passant par ses yeux. Son sourire, qui n'augurait rien de bon, ne le fit même pas redressait sur sa chaise.

Sa nonchalance risquait de lui coûter très cher.

— Mr. Benner. Pouvez-vous me dire, en quelle année débuta la Grande Peste ?

Il ne se laissa même pas impressionner par la vieille chouette. Il feint un moment d'hésitation, regardant autour de lui, espérant sans doute qu'une âme charitable se dévoue à sa place. Peine perdue. La plupart soufflèrent de soulagement épargné par la Rapace, d'autres, détournèrent le regard.

— Alors...J'attends votre réponse, Mr.Benner ?

Elle se rapprocha de sa nouvelle prise, la dominant de sa petite hauteur.

— Je ne sais pas, madame, répondit-il, avec nonchalance.

Son timbre rauque me surprit, sa corpulence étant tout de même fine, je ne m'attendais pas à ce qu'il ait une voix aussi éraillée.

Elle ne le lâcherait pas jusqu'à ce qu'il se plie, c'était maintenant certain. Une chose que j'ai comprise lorsque j'ai débarqué à la Jackson High School: la Rapace était très, voir trop, à cheval sur le respect du règlement, qu'elle suivait scrupuleusement. Plus en tout cas, que les paroles du livre saint.

— Vous ne savez pas ? Très bien. Peut-être, que vous savez quand Olivier Cromwell fût décédé ?

Il haussa les épaules avec déférence.

— Non plus madame.

— Oh. Très bien.

Elle se déplaça dans sa salle, se faufilant entre les tables pour trouver une nouvelle victime, à l'aide de ces petits yeux inquisiteurs. Les élèves suivaient religieusement ces déplacements.

Les Mercenaires de l'Ombre Tome 1: L'éveilWhere stories live. Discover now